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le capitalisme n’aime pas l’entreprise

vendredi 5 mai 2006

LE THEOREME LIBERAL : Le libéralisme défend l’idée que la bourse est le lieu qui permet l’optimisation de la gestion d’entreprise et l’économie d’un Pays. Le théorème dit : la bourse favorise les entreprises qui ont des résultats bénéficiaires. De ce fait, la bourse est un système qui encourage l’innovation, la création, le développement, la production de richesses et donc l’emploi. Une situation dans laquelle une entreprise, qui produit des « résultats positifs record », et qui serait sanctionnée par la bourse, ça n’existe pas.... Pourtant !

LES INVESTISSEURS BOUDENT LES RESULATS RECORD DE TOTAL : Comment une entreprise qui réalise des « résultats records » peut-elle être boudée par la Bourse ? Et ce d’autant plus qu’avec un chiffre d’affaire en hausse de 17 %, le résultat net (profits) augmente lui, de 31 % soit près du double. Le dividende distribué augmente lui de 20 % par action. A ce niveau, c’est à ne plus rien comprendre !!

LES DESSOUS DU PETROLE : Pour la bourse, le pétrole n’est plus depuis longtemps une matière première, mais une valeur spéculative quasi monétaire. Et il y a plus d’argent à faire dans la spéculation sur le pétrole, que dans l’activité de production et de raffinage du pétrole en tant que tel. Les Boursicoteurs délaissent les titres de TOTAL, non du fait des résultats de l’entreprise, mais du fait que le cours du baril, baissant (graphique), ils savent que les résultats financiers tirés de la spéculation sur le pétrole seront moindres que si les cours avaient encore monté. La preuve est simple à montrer : A la date de parution de l’article (le 16 Février 2006), l’action TOTAL était côté à 214,4 euros, pour un baril à 59,42 dollars. Aujourd’hui, (le 4 Mai 2006), avec un baril de pétrole autour de 72 dollars, l’action vaut 222,14 euros, soit une progression de 3,6 % (en moins de 3 mois), et ce dans le cadre d’une activité où « la production effective d’hydrocarbures a diminué de 4,8 % ». Comment peut on avoir une action qui progresse de 3,6 % dans le cadre d’une activité productive qui baisse de 4,8 % ?

LE MYSTERE DE LA SAINTE TRINITE : Comment avec une activité de production qui baisse, l’entreprise peut-elle avoir un Chiffre d’affaire en hausse (+ 25 %), et des résultats financiers eux aussi en hausse (+ 24) ? Si l’on ne peut expliquer des résultats financiers par l’activité industrielle de l’entreprise, quels sont les facteurs qui permettent de l’expliquer ? Pour comprendre et résoudre ce mystère, il faut se salir les mains et rentrer dans le circuit pétrolier.

LE CIRCUIT PETROLIER : Le pétrole extrait d’Arabie Saoudite revient entre 6 à 10 $ le baril, lorsqu’il est embarqué. Le transport revient environ à 2 % le baril (sans doute moins). Mais chose extraordinaire, au large de Martigues, il est passé à 72 $. C’est dans ce voyage au cœur de la « grande bleue » que se déroule « l’opération du Saint esprit ». Le prix du baril de pétrole n’est pas fixé à Ryad, mais à New-York. Et au cours du transport la cargaison a changé une vingtaine de fois de propriétaires. C’est ce mouvement de va et vient de « vente sur mer » (en fait ce qu’on appelle les barils papiers vendus en bourse), qui fixent le prix définitif de vente pour le consommateur (qui là, est vraiment pris en otage).

RETOUR SUR LES COMPTES : La lecture attentive des comptes de l’entreprise confirme bien l’analyse. Sur les 23,7 milliards d’euros de résultat opérationnel, seul 5,2 milliards (22 %) proviennent d’une activité productive effective dont 3,9 pour le raffinage et 1,3 pour la chimie. 18,4 milliards soit 78 % proviennent de ce qui est appelé dans le tableau comptable « activité amont » (ce que faisait ENRON), c’est-à-dire le mécanisme décrit dans le cycle du pétrole et qui se déroule à la bourse de New-York. L’évolution entre 2004 et 2005 confirme cet aspect stratégique des « activités amont » puisque celle-ci progresse de 43 % tandis que l’aval ne progresse que de 21 % et la chimie de 19 %. Et que croyez vous qu’il arrive à ce moment là ? L’activité industrielle ne rapportant pas assez par rapport à l’activité amont, la stratégie du groupe consiste à vendre l’entreprise.

LA REORGANISATION MANAGERIALE : Total et B.P, en théorie libérale pure et parfaite, sont concurrents. Pourtant, au-delà du fait qu’ils partagent un même site (Lavéra) il est curieux de constater qu’ils appliquent le même schéma de réorganisation. Chacun d’eux vend (abandonne) l’activité aval (raffinage et chimie) en créant les structures intermédiaires (NEWCO) pour B.P, ARKEMA pour Total. Les groupes pouvant se recentrer sur les activités amont plus rentables ...et se délester ainsi des responsabilités de décontamination du site, une fois l’activité pétrochimique complètement arrêté.

LA MORALE DE L’HISTOIRE : Quand le MEDEF nous parle de l’amour de l’entreprise, il nous faudra désormais comprendre que la seule partie de l’entreprise qui les intéresse c’est celle qui rapporte le plus. Le capitalisme n’aime pas l’entreprise, il n’aime que les dividendes, et tant l’entreprise que les salariés sont dans ce cadre, des seules variables d’ajustement de leur profit. Changer ce système autophage, c’est sans doute le message essentiel à envoyer aux politiques en 2007.

La Couronne, le jeudi 4 mai 2006 / Fabrice AUBERT

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