Législatives : la droite de justesse, le KKE (communiste) en progression

lundi 24 septembre 2007
popularité : 3%

Par Pierre Pirierros

EN GRÈCE, les incendies de fin août ont dominé une brève campagne électorale. Le gouvernement au pouvoir, la Néa Dimokratia (Nouvelle démocratie) de Kostas Caramanlis, a, en pleine période estivale, annoncé des élections législatives anticipées, fixées au 16 septembre, rattrapée par le désastre des feux de forêts mais pas seulement. Aux élections de mars 2004, elle obtenait une majorité confortable. Les déficits publics, les bas salaires, les retraites au rabais, le scandale des mutuelles, les inégalités sociales criantes ont été au centre d’un débat esquivé par les tenants du bipartisme (Nouvelle Démocratie et Pasok de Georges Papandréou) stigmatisés avec force et logiquement par le Parti communiste grec (KKE) et sa secrétaire générale, Aleka Paparigha et dans une moindre mesure par le Synaspismos, (SYRIZA, gauche radicale, membre du parti européen de la gauche). La droite et le Pasok ont essayé d’utiliser des thèmes nationaux comme “Chypre” et le véto au nom de Macédoine à l’ancienne république yougoslave, mais ça n’a pas pris.

DURANT toute la campagne électorale, les communistes ont sillonné le pays et, aux côtés des victimes des incendies, ont dénoncé l’incurie des pouvoirs publics et la gabegie des fonds publics qu’alimente une Union européenne, volant au secours d’un Premier ministre, affaibli politiquement par une situation économique où les couches sociales les plus défavorisées paient toujours les pots cassés. Les feux dans le Péloponnèse (67 morts) ont, un temps, mis la campagne électorale entre parenthèses, aussitôt reprise par un débat à la télévision où toutes les formations politiques s’exprimaient largement. L’arrivée dans l’arène de formations populistes et nationalistes, ("Laos", le "mouvement orthodoxe" et la “Renaissance démocratique”) n’a pas perturbé les tenants d’un bipartisme persistant, ayant cours dans toute l’Europe occidentale. Ainsi, les socialistes du Pasok, les grands perdants de ces élections, ont misé sur le registre de la compassion en occultant leurs propres responsabilités de vingt années de pouvoir (en alternance avec la droite depuis 1981).

Là, où le fondateur du Pasok, Andréas Papandréou, surfait sur les mots d’ordre revendicatifs, son fils Georges apaisait le système libéral. Alors, au soir du 16 septembre, dès 19 heures, les sondages sortis des urnes (exit poll) livraient un résultat “attendu”, la droite, (grâce à une proportionnelle renforcée, le premier parti arrivé en tête a immédiatement 40 députés) passait l’épreuve des urnes et obtenait une majorité relative (42 % et 152 députés, sur 300) mais une majorité lui permettant de former un nouveau gouvernement. Les socialistes du Pasok - qui tenaient pour sûre la victoire - n’ont pu que se rendre compte de la réalité (38 % et 102 sièges) et la perte de 15 députés. Ces deux “grands partis” ont fortement tangué.

L’entrée au parlement de la formation populiste et d’extrême droite, (“Laos”, mouvement de soulèvement orthodoxe), pour la première fois depuis la chute des colonels en 1974, avec plus de 3% et 10 députés relève d’exacerbations de la religion, (l’Église n’est pas séparée de l’État et le clergé relève de la fonction publique). Une autre formation du même type, “Renaissance démocratique”, conduite par un ancien socialiste, n’a pas franchi le 1 %. La Néa Dimokratia a des raisons de défiler, place Syntagma, face à la Vouli, au soir des élections puisqu’elle sait que sa victoire toute relative est endiguée, si l’on peut dire, par une gauche communiste qui dépasse les 13 % (en ajoutant les scores du KKE et du Synaspismos).

Succès des listes du KKE

Le Synaspismos obtient un bon score avec 5% et 14 députés. Le Parti communiste, lui, est le seul Parti, qui, sur une ligne constante, argumente sur la ressemblance des programmes politiques et économiques des deux formations, Nouvelle démocratie et Pasok. Il fait une percée significative, de 6% en 2004, il passe à 8,15 % et double quasiment le nombre de ses députés, de 12 à 22. Les communistes grecs font des scores très honorables dans les banlieues d’Athènes, du Pirée, de Thessalonique, et dans les îles de Samos, Corfou, Lesbos, Céphalonie, Leucade, Zakynthos. Dans de nombreuses villes ouvrières, les pourcentages à deux chiffres sont le résultat d’une mobilisation militante et permettront de défendre encore mieux la population. Sur la chaîne de télévision du KKE, “902” et sur sa radio “902, aristera sta FM”, (à gauche sur la bande FM),leurs dirigeants décortiquent les résultats et ont le sourire aux lèvres tant le mouvement pour d’autres perspectives est sur de bons rails. Un comédien de renom, Kostas Kazakos, entre au Parlement, élu sur la liste nationale (épikratias) du Parti communiste. La force du Parti communiste grec tient en un contact étroit avec le monde du travail et le monde syndical, qui, avouons-le, n’a rien à faire avec des élus locaux notabilisants. À Drapetsona, Kokkinia, Pérama, Keratsini, Aghios Ioannou Renti, Korydallos, dans la banlieue ouvrière du Pirée, avec de solides appuis, dans les usines, le port, les chantiers navals, le Parti communiste sort renforcé, 19 % par exemple à Kokkinia. Au Pirée, même, il dépasse les 10 %.

On constate la même configuration, dans la banlieue d’Athènes, à Péristéri, Néa Ionia, Kaissariani, Aghia Varvara, Egaleo, Moschato, Pétroupoli, Vyrona, avec des pourcentages Thessalonique, le KKE obtient de bons résultats, à Polychni, à Aghios Pavlos, Axios, Chalastras. Dans l’île de Lesbos, à Ayiasos, le KKE obtient plus de 25 % et à Mantamadou, 32 % ! À Corfou, île touristique s’il en est, où la mobilisation des personnels hôteliers est constante, le KKE obtient 19 % à Lefkimmi ; 16 % à Corfou même ; 15 % à Mathrakios. 12 % dans l’île de Sikinos, dans les Cyclades.

Clivages

Tout cela répétons-le, dans un modèle clivé où socialistes et droite monopolisent une grande partie des médias (télévisions, radios, journaux, internet). Le mouvement des jeunes et des étudiants contre la privatisation de l’Université et le respect de l’article 16 du Syntagma (la constitution) sur la gratuité du système éducatif a été relayé par de puissantes mobilisations dans le Bâtiment, la Fonction publique, les électriciens, les marins, les ouvriers des chantiers navals de Skaramanga. La droite, elle, malgré les scandales financiers et la non mise en valeur des sites olympiques des Jeux de 2004 (et c’est un euphémisme) est, de nouveau, au pouvoir, mais va devoir compter sur une opposition déterminée, emmenée par un Parti communiste regonflé à bloc. Il n’est pas étonnant dans ce contexte de s’apercevoir que les premiers messages de félicitations à Kostas Caramanlis provenaient de Bruxelles, de Barroso, suivis par ceux de Merkel, Sarkozy et du président de Chypre, Tassos Papadopoulos. Les clans des politiciens traditionnels exaspèrent la jeunesse avec la domination des deux grandes fratries des “Caramanlis” et des “Papandréou” ; pour l’anecdote, c’est la septième confrontation directe entre elles !

Mais l’échec des socialistes, à l’instar de ce qui se passe, en France, met Georges Papandréou en difficulté et, déjà, un homme influent au sein du Pasok, Evanghélos Vénizélos, brigue l’investiture et réclame la tenue d’un congrès. Les scandales financiers, les feux dévastateurs, la mise au rencart des grandes promesses sur les réformes, ont fait chuter, d’une façon évidente, le poids des conservateurs et entraîner le doute des électeurs sur la réelle capacité des socialistes à diriger le pays. Le verdict des urnes est clair. Dans les régions sinistrées du Péloponnèse, l’abstention a été visible partout dans un pays où le vote est obligatoire. Dès la fin du scrutin, Aleka Paparigha et les dirigeants du KKE, ont fait le déplacement des régions dévastées par les flammes. Ils ont pu mesurer combien leur soutien aux populations sinistrées est un véritable acte de résistance à la “ploutocratie” (pouvoir des riches) et à la politique ultralibérale de Kostas Caramanlis et de la droite. Une droite réélue, certes, mais d’extrême justesse.

Le message de JACKYNIN, député européen aux communistes grecs du KKE.

DANS un courrier adressé à Diamanto Manolakou, député communiste européenne, Jacky Hénin souligne notamment : « Permets moi de te féliciter, de tout coeur, pour le remarquable résultat obtenu par ton parti lors des élections de dimanche, auquel tu as pleinement contribué.

« ...c’est en étant pleinement communiste sur de solides bases de classe que l’on progresse aux élections en rassemblement les éléments les plus conscients de la classe ouvrière et de la paysannerie laborieuses. »

Jacky Hénin

Liberté 62 n°775 - Le 21 Septembre 2007 -



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