Billet d’humeur contre la fatalité

lundi 17 avril 2006
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Virginie se retourna une dernière fois pour s’assurer du regard qu’aucun de ses camarades qui prenait le train avec elle ne se trouvait sur le quai.

Elle regarda le panneau électronique : le prochain train était annoncé dans 10 minutes. Plus de temps que nécessaire pour monter l’escalier en bout de quai et monter sur la passerelle qui surplombait d’une 15ène de mètres les voies.
Elle n’avait pas laissé de mot ce matin en partant.
Que dire ? À qui ?
Rien à dire, rien à espérer de personne.

Son sac à dos lui semble particulièrement lourd sur les épaules. Trop de livres, de classeurs, de cahiers.
Virginie avait envie d’être libre, libre et légère pour son envol.

Elle déposa son sac sur un banc et partit en courant vers l’escalier.

L’air était vif et le soleil, s’il réchauffait les couleurs ne parvenait pas à faire monter la température.
Elle frissonna sous son blouson de jean. Elle lâcha ses cheveux qui tombèrent sur ses épaules comme pour la réchauffer un peu.

Elle aimait les sentir se soulever dans sa course vers le sommet de l’escalier de béton.
Virginie avait envie de crier pour faire écho à ses sensations, au léger vent, au reflet du rayon de soleil au sommet des immeubles.

Mais non, surtout ne pas se faire remarquer.
Lorsqu’elle arriva sur le parapet, elle étendit les bras, inspira profondément et regarda tout autour d’elle.
Voler... Voler ! C’est ça qu’elle voulait réussir, voler comme un oiseau, comme dans ses rêves.

Des mots, des images s’imposent à son esprit, Icare, Léonard de Vinci, la salle de dessin du collège, le livre de physique.

Virginie a le vertige, elle frisonne, elle se dit qu’elle aime ce frisson, cet air frais sur son visage.
« Non, non... non je ne voulais pas , lâchez-, je voulais ... je voulais... »
personne ne l’écoute, les pompiers arrivent, elle se laisse emporter, enrouler dans la couverture.

Virginie a le sourire, elle sait, elle a enfin envie de vivre, elle veut chercher, elle veut trouver le moyen de faire voler l’homme. Et pourquoi pas ? Il faut qu’elle corrige sa fiche d’orientation pour l’entrée au lycée, elle veut faire de la physique, oui, c’est là qu’elle sera la mieux placée pour trouver comment faire voler l’homme. Virginie sourit, aux anges dirait sa mère, mais non, Virginie sourit à son avenir, à son rêve, un sourire accroché à son rêve comme à un cerf-volant.

En mémoire de Salimo, des deux petites qui ont sauté le pas ce matin à Ivry, et de toutes celles et tous ceux qui n’ont pas eu de cerf-volant en forme de rêve pour chevaucher les nuages et parce que je ne peux me résoudre au désespoir de tant d’adolescents.



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