L’amiante, la plaie d’Alang.

lundi 3 juillet 2006
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En Inde, la justice autorise le Blue Lady à entrer dans ses eaux territoriales après avoir interdit l’accès de son site de démantèlement au Clémenceau.

La justice indienne est décidément pleine de surprises.

Après avoir forcé la France à rappeler le Clemenceau en février, au motif qu’il contenait trop d’amiante pour être accepté en l’état sur le chantier d’Alang, la Cour suprême vient d’autoriser le paquebot Blue Lady, anciennement appelé France, à pénétrer dans les eaux territoriales indiennes.

Selon les estimations, celui-ci contient pourtant au moins 900 tonnes d’amiante, soit bien plus que le Clem’, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être refoulé par le Bangladesh voisin il y a quelques mois.

« La décision des juges est irrationnelle, c’est la preuve que l’Inde n’a pas de politique définie sur la question de l’importation des déchets toxiques », accuse Ramapathi Kumar, de Greenpeace.

En trois mois, les conditions de travail n’ont, en effet, pas changé à Alang, l’un des plus grands cimetières d’épaves du monde, sur la côte ouest de l’Inde.

Sur 11 kilomètres de plages jonchée de ferraille et noircies par la pollution, des milliers d’ouvriers continuent de désosser les navires à la main.

A l’exception des grues, la mécanisation n’existe pas dans cette zone industrielle crasseuse, destinée à alimenter l’industrie en acier recyclé. Et si les accidents sont moins nombreux depuis l’introduction de nouvelles normes de sécurité il y a trois ans, les ouvriers ne sont équipés ni qualifiés pour manipuler des produits toxiques, que l’on retrouve pourtant sur la quasi-totalité des 7 épaves qui vont chaque année finir leur vie en Asie.

A défaut, il faudrait au moins que les pays exportateurs, c’est à dire les pays développés, mettent en place une législation sur la décontamination des épaves avant leur départ.

« Il y a toujours entre quelques centaines de kilos et quelques tonnes d’amiante », confie notamment Vippin Aggarwal, de la Gujarat Ship Breakers Association (GSGA).

Une violation flagrante de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers des produits dangereux, mais aussi de la législation indienne.

« Les vrais criminels sont les propriétaires des épaves, accuse Ramapathi Kumar. Ils larguent leurs bateaux à Alang et disparaissent ensuite derrière des sociétés-écrans éphémères, afin qu’on ne puisse pas les retrouver ».

Les entreprises de démantèlement ne sont pas en mesure de refuser les épaves, puisque, en l’absence de législation internationale, celles-ci peuvent alors se diriger vers des pays moins regardants.« »Le renforcement des mesures de sécurité à Alang n’a eu qu’une conséquence : les bateaux sont partis en Chine et au Bangladesh, où les législations sont moins strictes", affirme-t-on d’ailleurs du côté des démanteleurs.

La quantité d’acier recyclé à Alang a fortement chuté ces cinq dernières années ; si bien que le chantier n’emploie plus que 4 000 ouvriers, contre 40 000 il y a dix ans.

Un comble, car c’est précisément les intérêts de ces ouvriers que les associations écologistes affirment défendre en dénonçant les conditions de travail sur le chantier.

LEGISLATION NECESSAIRE.

Et ce n’est pas tout. Le ralentissement d’Alang s’explique aussi par le fait que la Chine et le Bangladesh sont prêts à acheter l’acier plus cher.

Inquiète pour l’avenir, la GSBA n’en réclame pas moins une législation internationale, afin que tous les sites de démantèlement soient obligés de respecter les mêmes normes de sécurité.

A défaut, il faudrait que les pays exportateurs, c’est à dire les pays développés, mettent en place une législation sur la décontamination des épaves avant leur départ.

Après la saga du Clemenceau, la France a d’ailleurs ouvert le débat en évoquant la création d’un site de décontamination en Europe, voire, mieux encore, la possibilité de financer la modernisation des chantiers asiatiques.

Une telle mesure, permettrait de réduire les risques pour les ouvriers indiens... sans les priver de leur emploi.

Art de « Pierre Prakash », dans « ChallengeS », transmis par Linsay



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