The Bonkolo Lake (V)

jeudi 8 juin 2017
par  Charles Hoareau
popularité : 3%

Ce samedi l’activité syndicale est plus ralentie. J’en profite pour aller faire des courses en ville. Aller acheter de menues provisions, outre l’utilité de la chose, est un bon moyen de « sentir » une ville. Rien qu’en regardant les boutiques et les étals on apprend beaucoup de la vie quotidienne, des us, des coutumes et du niveau de richesse de la population. Dans les rues de Komani on retrouve les couleurs, les parfums, les sons, les éclats de rire et de voix de l’Afrique. A part peut-être dans le désert (et encore !), à toute heure du jour et de la nuit, où que l’on soit, le silence n’existe pas en Afrique. Le jour c’est l’activité humaine qui s’impose dans les villes et les villages par des sons divers et colorés. En brousse ou dans la savane, ce sont les bêtes et les vents qui prennent le relais. La nuit, ce sont d’autres sons, mais jamais le silence ne parvient à s’imposer. Komani ne fait pas mentir ce sentiment. Dès 6h les rues s’égayent et des femmes et des hommes peuplent les trottoirs pour prendre avec harmonie leur place dans le concert grandissant des musiciens de la ville. Dans l’air encore frais du matin, après avoir quitté les rues calmes et désertes du secteur où je loge, je m’insinue tranquillement avec une joie discrète dans la symphonie multicolore des rues de l’Eastern Cape.

Demander son chemin ou la boutique où l’on peut trouver tel ou tel produit, est en soi un voyage. Mon accent pitoyable et mes incompréhensions évidentes renforcent encore ici le sens de l’hospitalité si grand en Afrique. Pour tout avouer je profite de la moindre de mes incertitudes pour engager le dialogue avec des interlocuteurs qui ne se font pas prier et multiplient gestes amicaux et sourires à mon endroit. De ce fait, à coup de conversations balbutiées émaillées de « thank you », de « in France we say bonjour » et de « how are you » cette dernière formule étant ici inséparable du « hello » de salutation, il me faudra bien plus de temps que nécessaire pour parcourir les quelques centaines de mètres que j’ai à faire. Evidemment je ne m’en plains pas !

On trouve de tout dans les boutiques de Komani et les petits supermarchés dont une enseigne européenne semble avoir pris le monopole, en tous cas dans cette région, sont autant achalandées qu’un magasin de chez nous. On y trouve en prime des légumes et des fruits locaux et surtout un service de traiteur où mouton au curry et poulet grillés, côtoient poissons et viandes frites dans la panure, riz, divers mets à la sauce africaine. Parfois dans un banc voisin circulaire, sont disposées des desserts et même des entrées préparées que l’on se sert à la louche dans des récipients jetables dédiés. On y trouve alors même de la french salade et en y ajoutant de l’olive oil je pourrai goûter mon premier véritable plat de légumes huit jours après mon arrivée : vive la mondialisation…dommage que les peuples n’en soient pas les maitres !

Après avoir bien déambulé dans la ville et avoir fait du lèche-échoppe, je retourne au township voir une autre famille de mes amis. Je n’ose même pas leur demander s’ils espèrent encore dans un changement 22 ans après y avoir cru. Il y a pourtant un début de prise en charge par l’état de la mise à des normes décentes de la demeure familiale : murs en durs, toit véritable…mais à l’intérieur il y a encore tant à faire…L’accueil est chaleureux et simple. Nous ne nous attardons pas et prenons une route qui monte en serpentant dans les montagnes qui entourent Komani. Rapidement le bourg disparait à nos yeux et nous roulons en balcon au milieu d’un dégradé de verts avec des herbes vert amande d’où émergent par grappes plus ou moins fournies des taillis vert foncé. Les montagnes s’étalent à perte de vue. Pas l’ombre d’une activité humaine. La nature à l’état originel, telle que l’on peut l’imaginer.

Soudain, au détour d’un virage, et sans que j’en ai été prévenu, un vaste plateau invisible jusqu’alors, se découvre : un parc de verdure entoure un lac : The Bonkolo Lake. Le parc, comme ailleurs en Afrique, est clôturé et gardé jour et nuit, sans doute pour empêcher toute dégradation du lieu. C’est un grand espace clairsemé d’arbres à la taille respectable qui ceinture une prairie de sable et d’herbes hautes plus ou moins large selon les endroits, le tout formant l’écrin du lac. La voiture garée nous arpentons, pour ma part avec un plaisir non dissimulé, la prairie en nous rapprochant du lac dont nous finissons par longer le bord.

Au loin nous apercevons quelques pêcheurs, tout près des oiseaux et à nos pieds l’eau du lac passant tout à tour du vert turquoise au vert brun sous l’influence des différents végétaux qui vivent et meurent en ces lieux. Le soleil délivre ses reflets d’argent sur l’eau frissonnante qui clapote doucement. Le miroir paisible du lac est juste troublé de temps en temps par le saut d’un poisson qui jaillit pour étinceler un court instant avant de retomber dans l’eau qui s’ouvre sous lui et se referme en multiples cercles concentriques aux rides finissantes en s’élargissant.

Nous nous asseyons pour profiter du spectacle et du jeu d’ombres et de lumières que font le soleil et les montagnes environnantes.

Illusion de voyageur ou réelle vision ? Il me semble que les couleurs sont à nulle autres pareilles. On dirait que le peintre de l’univers a ici mis des filtres ocre et jaune sur tous les éléments donnant à ce lac et à ses environs une couleur totalement inconnue ailleurs. Bien différente de celles que l’on peut observer autour de nos lacs de montagne.

A regrets nous quittons ce paysage enchanteur et nous redescendons vers les hommes et leurs boutiques. Nous finirons la journée dans un restaurant rempli de télévisions et de musique…pas vraiment l’ambiance de l’échoppe perdue sur le bord d’un chemin de savane…

A suivre



Commentaires

Navigation

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur