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Une interview de Jean Luc Mélenchon

« Le décervelage mené par les sociaux-démocrates se paye comptant »

mercredi 2 septembre 2009

Une interview donnée à Marianne...dont le titre nous a attiré...

Le « patron » du PG a fait sa rentrée à Clermont-Ferrand visiblement apaisé. Aux reproches d’Olivier Besancenot, il préfère ne pas répondre. Les difficultés rencontrées pour faire perdurer le Front de gauche ? Il les reconnaît. Les bons résultats des écologistes ? Il arrive à y voir quelque chose de positif. Sa seule indignation, il la réserve finalement aux « sociaux-démocrates » en général et au PS en particulier.

Marianne2.fr : Le NPA continue à crier « unité, unité », mais comment ne pas croire qu’il ne s’agit là que d’une posture ?

Jean-Luc Mélenchon : Je ne sais pas et je n’ai pas envie de savoir. Je m’occupe seulement des actes politiques qui sont posés. Avec ça, on a déjà assez à faire. Ce que je peux dire, c’est que nous sommes un peu victimes de ce qu’on craignait le plus : le dialogue par médias interposés. Tant que je n’ai pas rencontré à nouveau le NPA pour faire le point, je ne me prononce pas. C’est que j’ai trop de signaux contradictoires. D’un côté, l’interview d’Olivier Besancenot donnée à Marianne2, qui, à mes yeux, était un événement quand même marquant. De l’autre les messages qui nous viennent de certains dirigeants du NPA. Honnêtement, je suis un peu perplexe sur l’état d’esprit du NPA. Ce dont je suis sûr, c’est que nous nous sommes quittés fin juillet bons amis et disponibles pour faire l’unité.

C’est ce que vous reproche Olivier Besancenot : votre précipitation à annoncer un accord entre vos deux formations pour les régionales ?

Mettons ça sur le compte de mon ardeur juvénile ! Plus sérieusement, je n’ai pas eu le sentiment d’outrepasser ce que l’on s’était dit. Ce jour-là , il a été avancé plusieurs choses essentielles. Premièrement, qu’ils étaient disposés à faire des listes autonomes unitaires au premier tour.
Deuxièmement, qu’ils étaient disponibles pour faire des fusions avec la liste de gauche arrivée en tête pour le deuxième tour. Ils avaient appelé ça : « fusion technique ». Quelques jours plus tard, dans le cadre d’une autre réunion, Pierre-François Grond
(le « numéro 2 » du NPA, ndlr) avait parlé de « fusion démocratique », le mot « démocratique » étant ajouté pour tenir compte du fait que cette fusion de listes devait garantir la représentation proportionnelle au nombre de voix recueillies. Tout ça je ne l’ai pas inventé : ça a été dit, ça a été acté. Il y avait un socle acquis.

Et pendant ce temps-là , vos camarades communistes, eux, jouaient la montre et continuent encore à le faire ?

Moi, je comprends ce que disent les communistes. Ils sont présents dans vingt régions sur vingt-deux, à la fois dans les assemblées et dans les exécutifs. Il est légitime qu’ils estiment avoir leur part au bilan positif de ces régions. Et ça serait absurde de dire que ces régions n’ont aucun bilan positif. De la même manière, je comprends qu’ils aient une approche plus régionale que nationale compte tenu, d’une part, de cette expérience concrète et, d’autre part, au vu de leurs statuts. Les statuts des communistes délèguent la décision à l’échelon concerné, l’échelon local. C’est difficile. Je ne vais pas cacher cette réalité. Il est possible que le résultat final ne soit pas très cohérent. En tout cas, moi je ferais tout pour que ce soit cohérent.

Des problèmes de cohérence puisque, apparemment, on se dirige vers des accords à géométrie variable d’une région à l’autre ?

Il y a des points de vue très différents, régionalement, aussi bien au NPA que chez les communistes, et dans deux sens diamétralement opposés. Il y a des endroits où le NPA veut entendre parler d’alliance avec personne, ni au premier ni au second tour. Parallèlement, il y a des régions où les communistes seraient disponibles pour des alliances dès le premier tour avec le PS. Il va donc falloir beaucoup de doigté pour résoudre cette difficulté.
Et puis il y a les difficultés que l’on n’a pas encore traitées. Prenons un exemple : nous, nous sommes absolument hostiles à l’alliance avec le MoDem et jamais on ne cautionnera une telle alliance. Mais que fait-on dans le cas où, au deuxième tour, les socialistes ramènent dans leur fourgon le MoDem. Là , la fusion de listes ne sera jamais autre chose que « technique ». Mais sur cette question-là , j’avoue ma perplexité. Je suis perplexe parce qu’on a un devoir de rassemblement au deuxième tour et que le MoDem rend ça impossible.

Votre nouvelle stratégie, c’est ce fameux paquet électoral : un projet commun pour les trois prochains scrutins à venir. Mais quand on voit les difficultés que vous avez à vous accorder pour les régionales, on peut légitimement douter de la réussite de cette stratégie ?

Quand j’avance l’idée du paquet, je sais très bien que les trois élections sont de natures différentes. Mais ce que j’espère grâce à ce paquet, c’est que les électeurs de gauche qui, massivement s’abstiennent aujourd’hui, retrouvent une raison de participer à ces élections et qu’ils comprennent que chacun participe à un effort de longue durée.
Je prends cette initiative pour deux raisons. La première, c’est que j’essaie de mettre sur la table quelque chose qui correspond à ce que nos différents partenaires ont eu l’occasion de nous dire : le « front durable », c’est bien l’expression utilisée par le NPA ? Et puis il y a une deuxième raison : c’est que les socialistes ont pris, eux, une initiative qui modifie le champ politique : les primaires. On ne peut pas en rester simplement à critiquer cette nouvelle machine à se donner des claques qu’ont inventée les socialistes. Il faut que l’on soit proposant. Si d’un côté, les socialistes organisent leurs primaires, de l’autre, nous, nous faisons une proposition globale qui permettra de créer une unité cohérente par rapport à la foire d’empoigne que va être cette primaire. Je trouve que ça nous installe dans une dignité, dans un statut de force tranquille.

Si on imagine le pire des scénarios : le NPA décide de faire cavalier seul et le PC n’affiche pas de ligne claire au niveau national, qu’est ce que ça signifie pour le PG ?

Par nature, je préfère imaginer le meilleur des scénarios ! Mais là , ça serait une catastrophe, un champ de ruine, un échec et ce n’est pas la peine d’essayer de le cacher. Pour nous, au PG, ça voudrait dire de très mauvais moments à passer. à‡a, c’est le pire des scénarios. On peut imaginer aussi le meilleur. Je reste persuadé qu’une alliance de “l’autre gauche” solide, raisonnée, proposante et positive peut nous permettre de passer devant. Je sais qu’il y a souvent du scepticisme. Mais ceux qui sont sceptiques ne tiennent aucun compte de l’état de la société, de ses déchirures, de ses aspirations à trouver des solutions réelles, des solutions qui ne peuvent qu’être radicales. La crise écologique ? Ce n’est pas avec des “mesurettes” que l’on va s’en sortir. La crise financière ? La question n’est pas de savoir si elle va s’amplifier mais quand elle va rebondir ? Les causes de la crise financière sont toujours à l’œuvre.

Vous expliquez que la société évolue, que les aspirations ne sont pas les mêmes. Mais dans le même temps, on constate que la crise qu’a traversé la social-démocratie lors des européennes n’a pas profité à « l’autre gauche » : Die Linke — le parti dont vous vous êtes inspiré — ne progresse pas en Allemagne et reste une simple force d’appui pour construire des majorités au coup par coup ? [1]

Clairement, ça prouve que la décomposition de la social-démocratie ne renforce pas la gauche. Ce qui est un scénario imprévu. Le travail de décervelage et d’ahurissement qui est mené par les leaders sociaux-démocrates se paye comptant : l’égarement de l’opinion des travailleurs. Cette désorientation s’est surtout traduite par de l’abstention. Il y a pourtant un aspect positif que j’observe en France. C’est que ça s’est aussi traduit, en partie, par un renforcement de l’écologie politique. Incontestablement, même si on désapprouve les orientations stratégiques des écolos, il y a quand même un contenu progressiste.
Évidemment, je préfèrerais que ça se tourne vers nous mais, honnêtement, je ne suis pas désolé que les écologistes en aient capté l’essentiel. C’est plutôt un bon signe. D’ailleurs à l’heure qu’il est, le potentiel réformiste de l’écologie politique est supérieur en France à celui du mouvement socialiste. C’est aussi pour ça que nous avons fait de l’écologie un des thèmes centraux de notre « remue-méninges ». Car contrairement à ce que croyait la première gauche, l’écologie politique n’abaisse pas le niveau d’exigence sociale. Ce n’est pas vrai. Moi je considère que l’écologie élève l’exigence révolutionnaire d’un projet de gauche.


[1Interview donnée avant que ne tombent les bons résultats de Die Linke dans la Sarre, en Saxe et en Thuringe...ça c’est l’explication de Marianne...un peu court !

Messages

  • Sur JLM : "mieux vaut tard que jamais" !

    Mais bon, passer sur les travers- fautes- errements(bien réels et ô combien critiquables) de la sociale démocratie française (principalement et psq hégémoniquement représentée par et dans le PS depuis 30 ans)sans même un mot d’auto analyse ( voire soyons fous, d’autocritique) sur son propre engagement A LUI au PS pendant plus de 30 ans, ses choix (on l’a vu pour son choix sur Maastricht etc), j’avoue que (vu ce que moi j’ai pris dans les dents pour 5 malheureuses années de "jeunesse" avant d’intégrer le PC , pfs par les mêmes que ceux qui aujourd’hui dans le PC trouvent à Mélenchon les yeux de l’amour...), ça me fait bcp bcp bcp sourire.

    C’est un peu "facile" de zapper ça, pour l’instant il n’ en a rien dit, et je ne suis pas sûre que 30 ans de PS ne méritent pas une petite explication - personnellement je serais extrêmement intéressée de savoir ce qui fait qu’on part après 30 ans, à ce moment précis (fin 2008 juste avant les européennes en ayant déjà un "parti" des locaux - ceux de la fédé du PC de Paris je crois avoir lu- etc psq tt "clefs en mains") et pas à un autre, pour quelles raisons politiques (personnelles je m’en fous) on le fait etc etc.

    Encore une fois ce n’est pas une critique ou une analyse sur sa personne i lest sans doute très sympathique peut être même sincère etc... mais politique. du point de vue des idées.

    Est- ce qu’il prétend en outre aujourd’hui avec le PDG offrir autre chose que la sociale-démocratie option jauressienne (et non "guediste" comme certains aimeraient le faire croire à son propos ?) ? Qqe chose qui serait comme la sociale démocratie allemande "d’avant" celle de Luxembourg et de Liebknecht mais surtout de Bebel quand il devint l’aile centre du SPD dont on a bien vu ce qu’il en est advenu ( même si j’ai un profond respect pour RL et KL et que certains de leurs textes me semblent d’une pertinence rare..) mais qui serait quand même encore et toujours la sociale-démocratie (y compris au sens qu’on lui donnait au 19è siècle et qui n’est plus du tout le même aujourd’hui) ?

    Et donc avec tout ce qu’un tel courant de pensée politique et de modalités d’actions comportent comme TARES congénitales, de par les portes laissées ouvertes à la pensée libérale , au capitalisme etc ?

    Je ne sais pas - je lis souvent et attentivement ce qu’il écrit sur son blog ou dans les journaux force est de constater, qu’objectivement, JLM ne présente et ne propose à l’heure actuelle rien de plus nouveau qu’une sociale démocratie "à l’allemande 19ème siècle" nécessairement fantasmée mais surtout TERMINEE.

    Il veut refaire l’histoire,"refaire le match" (comme avait fait Mitterrand d’ailleurs d’une certaine manière) oui mais voilà le match est fait et perdu et perdu à chaque fois qu’il est rejoué !!

    Et je crois que, pire, compte tenu des développements du capitalisme, c’est encore plus fou ce désir, ça ne peut être voué qu’à l’échec.

    J’ajoute que le titre de "Marianne" et ce qu’on dit de ce texte est de mon point de vue assez ambigu et ne correspond même pas vraiment au fond de l’article : JLM ne fait aucune critique ouverte du PS (je veux dire de critique politique) ni même, au fond, de la sociale démocratie.

    Et lui qui l’a fréquentée si longtemps, cette sociale démocratie française, il n’en a pas été victime, du décervelage ?

    Pkoi "nous les travailleurs" et pas lui "l’élu et le responsable national" ? Et il y a participé AUSSI et bien, alors pkoi lui ferait on confiance aujourd’hui ?

    C’est pas pour le plaisir d’emm... le monde mais ça me travaille bcp ttes ces questions..et je ne le vois pas y apporter de réponses.

    D’autant que sur ce point je suis tjs extrêmement surprise que le PS qui s’est fait ouvertement barboter plusieurs députés et sénateurs ex PS, élus avec l’argent et les "électeurs" et l’étiquette du PS qui ont filé dans d’autres groupes parlementaires en rejoignant (avec leur mandat comme si c’était LEUR propriété privée...) le PDG, n’en a tjs pas dit un mot !!! Ça me questionne aussi...quand on connait un peu on sait que si la rupture était vraiment consommée patente, y’aurait eu plus de friture sur la ligne .. mais enfin, je ne veux pas faire de procès d’intention bien sûr.

    Sinon bon ça fait des années qu’on sait que son modèle et ami c’est Lafontaine, le PGE, Die Linke etc. C’est son dada, c’est comme ça. Et il a cela en commun avec qqu un comme Fr Wurtz par exemple. Ce sont des sociaux démocrates européistes.

    Et justement donc sur Die Linke, sujet qui m’intéresse bcp , notamment parce que je suis modestement germanophone, j’ai une ou deux choses à dire ( parce que l’article est sorti avant les résultats des régionales et qu’on en dit ensuite que les régionales auraient été un "succès" pour Die Linke...)

    Halte au feu ! Ne prenons pas les vessies pour des lanternes.

    Ok Die linke a fait dans ces 3 landers de bons, très bons scores.

    Ça on ne peut pas le nier - preuve que quand on fait la campagne qu’il faut avec les mots qu’il faut etc, bref qu’on reprend les vieilles recettes, ça marche en ces temps de crise, dans certains cas de figure.

    Mais d’abord, attention, sur quel programme ? Sur quelles bases, ces résultats ? des programmes "anticapitalistes", va t on dire, et "révolutionnaires" (pour employer un mot très galvaudé mais je n’en vois pas d’autres en résumé...)

    Et puis se faire élire c’est très bien mais mais mais... ensuite il y a le grand saut du "gouvernement"...

    Et là, ça se gâte un chouilla...

    A BERLIN par exemple :

    les super méga "radicaux" (cccooocccoooo) de "Die Linke" ("la gôôôôche" que nos petits malins de démiurges politicards ici s’amusent à qualifier de "radicale" ou de "gauche de gauche" mais ...où sont les preuves ???) gouvernent avec ... Les Verts allemands ( bon..) et ....le SPD !! (pas dégoûtés hein ?)

    MAIS j’ajoute... à Hamburg, par exemple, les Verts en question gouvernent, eux, avec .. la CDU....c’est dire leur niveau de "gauchitude" non ?

    Die Linke ça a donc comme un air de "déjà vu" en France, assez troublant, qui s’appelait "gauche plurielle". Ce serait donc reparti pour un tour. Vive la "gauche plurielle" ? - est ce qu’on veut ici, est ce qu il nous faut ici, à nouveau, "noch einmal" ?

    Par ailleurs, le succès de Die Linke en Sarre, faut pas oublier que c’est du en très grande partie à Oskar Lafontaine (ancien "patron" des soces dém allemands), ministre-président sarrois pendant dix ans et de maire de Sarrebruck durant quatorze ans.

    De mon point de vue le score de Die Linke en Sarre est donc un cas d’espèce, et ne peut pas servir de mètre-étalon.

    Quant au résultta obtenu en Thuringe, c’est là que c’est très très savoureux mais que bcp se garderont bien de le dire, le score de Die Linke ets waow, décoiffant, bien meilleur que celui obtenu dans les deux autres LaNders !!

    Et oui mais voilà.

    La Thuringe, c’est l’ex RDA si je n m’abuse... Tirez les conclusions tout seuls :)

    Également, on rappellera que l’Allemagne a une constitution fédérale deux organes va t on dire le Bundesrat et le Bundestag. Les législatives restent à venir. Là c’était des régionales , et plus que la politique "nationale" de Merkel ,c’était le gouvernement régional qui a été sanctionné, probablement.

    Bref...on sait bien où certains veulent en venir avec Die Linke, personne n’a oublié les papiers dithyrambiques de JL Mélenchon sur Die Linke, sa grande amitié avec Lafontaine etc...

    Moi je suis ok pour qu’on discute avec tt le monde mais je n’aime pas qu’on avance masqué et je trouve que pour que les cocos français où qu’ils soient commencent à vraiment discuter avec JLM et son PDG, il y a quand même qq points ( le PS DIe Linke etc) à clarifier d’urgence...

    Et là de mon point de vue tant le PCF que le NPA font une colossale erreur politique et tactique en se laissant dicter le calendrier et la loi par le PDG et JLM.

    Fraternellement

    LL

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