Le refus du libre-échange

lundi 2 mai 2016
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En France, les manifestants réunis par le mouvement Nuit debout espèrent qu’une « convergence des luttes » permettra d’élargir leur audience à des participants moins jeunes, moins diplômés, et de s’insérer dans une dynamique internationale. Un des thèmes d’action qu’ils ont choisis pourrait favoriser ce double objectif : le refus des traités de libre-échange [1]

Les méandres des accords commerciaux découragent souvent les mobilisations, tant il est difficile de comprendre quelle étape surveiller de près, quelle disposition d’apparence technique dissimule une bombe sociale.

Pourtant, malgré le matraquage des milieux dirigeants, du patronat et des médias en leur faveur, l’hostilité à ces traités s’étend. Les mobilisations contre le grand marché transatlantique (GMT, Tafta en anglais) sont puissantes en Allemagne et en Belgique [2].

Aux États-Unis, tous les principaux candidats à la présidence ont dorénavant pris position contre le partenariat transpacifique (PTP, TPP en anglais). Or, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’empire américain jouait un rôle moteur dans la libéralisation des échanges. Sur ce sujet, la concordance des vues fut presque absolue entre les locataires successifs de la Maison Blanche, démocrates ou républicains, de John Kennedy à Ronald Reagan, de M. George W. Bush au président Barack Obama.

Tout à coup, la locomotive libérale cale.
En prétendant que « les entreprises qui ne recherchent que les bas salaires ont déjà quitté le pays », M. Obama n’a pas rassuré. Car les délocalisations continuent, et les accords commerciaux précédents avaient eux aussi vocation à apporter emplois à foison et bons salaires… Il n’est donc pas étonnant que des hommes aussi différents que MM. Donald Trump et Bernie Sanders aient réalisé une percée électorale en pourfendant de tels traités.

Ce qui a obligé Mme Hillary Clinton à renier le soutien qu’elle apportait au PTP lorsqu’elle était secrétaire d’État de M. Obama.
M. François Hollande s’apprêterait lui aussi à changer d’avis sur le GMT. Il y a deux ans, il voulait « aller vite ». Là, ce ne serait plus tout à fait aussi urgent…

Les ouvriers dont le salaire a été laminé par le chantage au chômage et aux délocalisations ne sont plus isolés quand ils rejettent le libre-échange. Les écologistes, les agriculteurs, les consommateurs les ont rejoints. Et les employés du secteur public, jusqu’aux pompiers, se mobilisent à leur tour.

Au point qu’un dirigeant patronal américain n’en revient pas : « Aucun d’eux n’est concurrencé par des importations, mais leur syndicat se montre solidaire des autres [3]. » Celui des employés du secteur public a compris qu’il ne parviendrait pas à défendre longtemps les effectifs et les traitements de ses deux millions de membres si ceux des autres salariés continuent de s’écrouler. Et les pompiers savent que le remplacement des entreprises qui paient l’impôt par des friches industrielles va amputer les budgets municipaux, ce qui menacera nombre de leurs casernes.

En somme, sur ce sujet, la convergence des luttes existe. Et a déjà remporté ses premiers succès.

Serge Halimi

Transmis par Linsay



[1Lire le dossier « Les puissants redessinent le monde », Le Monde diplomatique, juin 2014.

[2Lire Amélie Canonne et Johan Tyszler, « Ces Européens qui défient le libre-échange », Le Monde diplomatique, octobre 2015



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