Situation mondiale et syndicalisme international
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Intervention de Jean Pierre Page lors d’une rencontre syndicale internationale dans le cadre de la session du BIT (Bureau International du Travail) à Genève en juin 2006.
1- L’aggravation de la crise
Premièrement et tout d’abord, je pense qu’on ne peut pas réfléchir à ces questions de la gouvernance mondiale, de l’OIT, de la nouvelle centrale syndicale internationale que la CISL et la FSM ambitionnent de fonder, sans réfléchir plus à fond sur l’aggravation de la crise du système capitaliste. Mais aussi a la montée des résistances, des luttes de classe à l’échelle internationale, des enjeux de civilisation, confrontés à la volonté farouche du système capitaliste et impérialiste d’imposer une domination sans partage et dans tous les domaines de la façon la plus brutale qu’il soit parce pour eux il n’y a d’autres alternative que d’accélérer et d’aggraver toujours plus encore l’exploitation et partout des travailleurs, des peuples, des nations.
Par conséquent, ce à quoi nous assistons avec la réforme de l’architecture des institutions internationales, celle des Nations Unies, comme avec leurs traductions au niveau syndical, que ce soit dans la vie et l’activité des organisations nationales ou internationales, tout en fait est marqué du sceau d’une cohérence inspiré par la nature et la logique même de la mondialisation. Cette mondialisation soyons clair n’est rien d’autre que ce qu’en disait Lénine dans son fameux opuscule : « l’impérialisme » qui n’est rien d’autre que le stade suprême du développement du capitalisme.
2 Le syndicalisme face à des responsabilités inédites
Cette situation radicalement nouvelle entre socialisme et barbarie, montre que le mouvement syndical est confronté à des responsabilités tout à fait inédites, des enjeux tout à fait considérables, et que dans la mesure où il n’est pas en capacité, comme c’est le cas me semble-t-il, de monter au niveau requis sa riposte, son action, ses propositions toute idée de perspective , d’alternative est handicapé, a fortiori parce qu’il s’agit également d’une question de fond : le rôle et de la place des travailleurs dans le processus de transformation.. En fait il en est ainsi parce que le syndicalisme mais aussi les partis politiques issus du mouvement ouvrier sont confronté à une crise profonde, d’efficacité, de crédibilité, de représentativité, de représentation en particulier par rapport au monde du travail mais également des jeunes comme de tous les secteurs qu’on a l’habitude d’appeler : travail informel, flexible, précaire, sans statuts, sans conventions, sans droits, chômeurs, etc., où le mouvement syndical est quasiment absent.
Prenons un exemple : on a parlé de la CGT, c’est la première organisation syndicale en France, mais sa base repose sur 65 % d’affiliés dépendants du secteur public et nationalisé, c’est une réalité. En fait la grande masse des travailleurs aujourd’hui dans les pays industrialisés ou les pays en développement échappent totalement au mouvement syndical, à son intervention. C’est un enjeu, un défi tout à fait considérable que l’on doit confronter, sous peine de continuer à s’affaiblir comme c’est le cas actuellement.
3- Les institutions internationales
Il a été fait beaucoup état dans le rapport introductif de l’OIT et de sa défense. Je suis d’accord. En même temps, il ne faut pas sombrer dans l’innocence et la naïveté. L’OIT certes est une institution qui a joué un rôle important dans l’élaboration de normes, de conventions, etc., capitales pour les travailleurs, mais en même temps, on en connait les limites, en particulier en ce qui ne concerne et pas uniquement la ratification mais l’application de ces normes et conventions. A ce sujet on ne répétera jamais assez que les USA demeure l’état qui au monde en a ratifié le moins mais de plusse refuse à les appliquer
D’une façon plus générale, ce qui vaut pour l’OIT vaut pour le système des Nations Unies. L’OIT est le reflet du rapport des forces, et il ne faut pas s’étonner à partir de là de voir l’organisation non plus évoluer mais se voir dévolu une autre finalité. Ce qui est clair c’est qu’aujourd’hui c’est vers tout autre chose que nous allons c’est-à-dire autre chose y compris que la simple instrumentalisation mais vers un système qui participe activement a la gouvernance mondiale.
Ces choix et orientations à mon avis sont en rupture avec un passé, des normes, un fonctionnement considérées par le système impérialiste dominant anachronique et qui tournent radicalement le dos aux intérêts des travailleurs et des organisations syndicales. On parle du tripartisme et de défense du tripartisme. Je veux bien. Mais le tripartisme aujourd’hui c’est quoi ? C’est un système qui fonctionne à 2 contre un. Il ne faut donc pas enjoliver les choses !
J’ajoute qu’en ce qui concerne le fonctionnement de l’OIT il faut avoir le courage de dire qu’, on est confronté depuis des dizaines et dizaines d’années à l’hégémonisme d’une organisation internationale qui s’appelle la CISL, qui empêche par son rôle réactionnaire et le poids qu’elle exerce dans le fonctionnement de l’organisation, toute véritable représentativité comme toute intervention réelle des travailleurs, des syndicats du monde dans les différentes instances de l’Organisation internationale du travail. Évidemment les pays riches au premier rang les USA et les pays européens, les patrons, s’accommodent de cela mieux encouragent cette situation, mais aujourd’hui elle a atteint ses limites. La CISL est incapable de confronter cette situation nouvelle parce qu’on lui impose de choisir : ou se faire hara- kiri ou cette fuite en avant dans la gouvernance, d’où le but imparti a cette nouvelle internationale.
Le système ne répond plus par rapport à ce que l’on attendait de lui. Il faut donc le changer le transformer, dans une vision qui n’est rien d’autre que celle décrite dans le fameux rapport sur « les conséquences sociales de la mondialisation » élaboré par un groupe d’experts associant : Syndicats, ONG, Multinationales, institutions financières internationales, etc.....
J’ajoute encore une chose : l’OIT est le promoteur d’un certain nombre d’objectifs partagés d’ailleurs par une partie importante du mouvement syndical international, en particulier la CISL, mais aussi des Etats et non des moindres comme les Etats-Unis et les pays européens, par le patronat, comme par exemple : avec la clause sociale. L’idée du partenariat entre l’OIT et l’OMC, dont Clinton qui était venu à Genève en faire la promotion. Aujourd’hui c’est un objectif qui est repris par le mouvement syndical international en tout cas clairement par la CISL.
Et c’est ce partenariat entre l’OIT et l’OMC qui vise à déterminer le progrès social en fonction de l’évolution du commerce international qui est évidemment l’un des éléments qui va dans le sens de ce que l’on cherche à mettre en place avec la nouvelle gouvernance.
Donc je crois qu’il y a besoin d’un regard non seulement lucide mais combatif à l’égard de l’OIT, de son fonctionnement, sans cela on assistera évidemment à cette espèce de saut qualitatif auquel l’OIT entend participer et qui est non plus de servir d’instrument comme les Nations unies à la politique capitaliste et impérialiste mondiale, mais d’en être un promoteur actif.
La réforme que propose Kofi Annan n’est rien d’autre que cela.
4- La nouvelle centrale internationale.
Je partage les réflexions évoquées dans le rapport. C’est effectivement quelque chose de très important et il y a une bataille à mener dans chacune de nos organisations et aussi un débat à entretenir au niveau international. Parce que lorsqu’on participe à un certain nombre de congrès dans le monde ou dans son propre pays, on est quand même amené à constater une ignorance des objectifs véritables de cette organisation. Je pense qu’il faut que nous fassions attention à bien les situer en rapport avec les conditions de la crise du syndicalisme, sa recomposition et les objectifs du capital. Cela dit entre les intentions et la réalisation, il y a quand même une marge, on n’en est pas là même s’il y a une volonté effective de la part de la CISL et de la CMT, mais aussi, ça n’a pas été dit, et j’insiste là-dessus, de la part de la CES. N’oublions pas que ce projet de nouvelle centrale internationale est fondamentalement un projet européen, des syndicats des pays riches. Gabaglio en est l’un des initiateurs, et il est l’ancien secrétaire général de la CES.
Cela dit, leur objectif n’est pas encore atteint, parce que d’abord il heurte une idée que nous devons prendre à bras le corps. Tout le monde est d’accord sur le besoin d’unité syndicale. Mais l’unité syndicale pour quoi faire pour lutter, développer des solidarités ou pour accompagner voir être un partenaire de la gouvernance’Ensuite unité mais alors pourquoi faire le tri entre les organisations qui doivent participer à ce type de débat, de réflexion, c’est totalement insupportable, c’est pourtant le choix de la CISL/CMT.
De plus il y a une troisième organisation internationale, qui s’appelle la FSM, qui vient de tenir son congrès à la Havane avec 250 organisations nationales de 78 pays, et qui aujourd’hui est une force indiscutable. Il a été question de la CUT du Brésil, eh bien la deuxième tendance à l’intérieur de la CUT qui représente 20% de ses forces vient d’adhérer à la FSM, bien que la CUT soit adhérente à la CISL. Il y a donc d’autres organisations syndicales internationales.
Mais il y a aussi et c’est à mon avis très important, une majorité de centrales dans le monde qui ne sont pas affiliées internationalement et qui sont exclues de ce débat. Et je trouve que c’est tout à fait inacceptable.
Je crois que poser le problème de l’unité syndicale est un vrai problème. Et c’est vrai qu’il y a un besoin urgent pour les travailleurs et les syndicats dans le monde de s’unir pour lutter contre la globalisation capitaliste. Mais ce projet n’y répond pas. il répond d’ailleurs a des objectifs totalement opposés.. Y compris parmi les centrales qui ont été sollicitées pour participer à ce débat. Si ce qui a été dit de la CGT est vrai, il faut préciser toutefois qu’il s’agit de la direction de la CGT. Je rappelle pour l’histoire que l’année dernière sur le débat sur la Constitution européenne, la direction de la CGT, et de la CES, B Thibault en tête ont été mis en minorité par 83 % des membres du CCN sur le rejet de la constitution européenne.
Je ne sais pas si la même chose se passera avec la nouvelle centrale internationale, mais c’est une réalité que bien des gens sont inquiets de voir les choses se renouvelér, d’autant que tout est fait par les directions syndicales CGT compris pour éluder le débat véritable.
On abuse d’ailleurs beaucoup les responsables syndicaux, car il faut le dire ce projet ne fait pas quand même recette, y compris dans la CISL, j’ajoute que ceux qui ont été approchés pour adhérer ont dans leur majorité décliné la proposition.
Ce qu’il faut c’est un grand débat sur le contenu du syndicalisme international dont nous avons besoin. Devant la faillite qui est quand même celle du syndicalisme européen face aux politiques économiques et sociales, s’inspirer de cette vision, de ses principes d’organisation que l’on veut mettre en place dans cette nouvelle centrale pourrait c’est le moins que l’on puisse dire provoquer de nouvelles déconvenues mais mettre en cause également la finalité du syndicalisme lui-même.
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