Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps
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C’est aujourd’hui qu’on enterre Michel Naudy à Pamiers.
Aline participait avec Michel à l’association Lakanal qu’il avait fondée.
Michel Naudy aurait mérité que son œuvre (journalisme, télévision, théâtre, roman) soit reconnue de son vivant.
Michel Naudy ne méritait pas d’avoir été sanctionné dans son métier de journaliste pour son intégrité, son courage, son intelligence fine et brillante.
Michel Naudy était un militant et cela on ne le lui a jamais pardonné !
Et pourtant, pour beaucoup il a représenté l’honneur de notre métier.
Il nous a « recouragés », ( pour reprendre l’expression d’Alain Badiou ), alors même qu’on doutait de l’intérêt du combat dans un monde étouffé par la peur, assommé par la violence capitaliste, éreinté par la complicité molle des dirigeants politiques de « gôche », désespéré par la lâcheté bienpensante des élites journalistiques ou intellectuelles.
Michel ne renonçait pas, ne baissait pas les bras.
Sa colère ne se soumettait pas à la mode des sentiments pâles et tièdes.
Michel était engagé tout entier, corps et esprit.
Michel avait cette générosité des rebelles, des insoumis : il insufflait dans nos quotidiens ternes la flamme de la lutte et la lumière de l’espoir.
Je ne veux donc voir dans le geste de Michel Naudy qu’un choix, une dernière liberté : choisir le moment de sa mort, le rendez-vous de tous les hommes.
Je ne sais pas s’il a laissé un message mais je suis certaine qu’au moment du choix il faut être courageux pour que la main ne tremble pas.
Oui, nous avons le droit, nous les vivants, sa famille, ses amis, ses compagnons de combats de ne pas comprendre, d’être en colère, de lui en vouloir, de douter sur le sens de son geste.
Mais nous n’avons pas le droit de douter de lui, de sa sincérité dans ses engagements et ses sentiments, de son courage, de sa lucidité, de son rêve de révolution pour un autre monde que la société capitaliste et son cortège d’asservissement et de spoliation.
Et puis il y a la part de mystère propre à chacun d’entre nous, celle qui résiste à tout lien, à tout engagement.
Parfois pour préserver ses amours, ses amis, ses camarades.
Parfois parce que cette part de mystère qui nous constitue reste insondable à nos propres yeux.
Il va nous falloir continuer la route avec ce mystère de plus, avec cet ami, cet intellectuel, ce militant de moins… dure tâche !
Mais je sais, nous savons que ce qu’il a semé ne restera pas pétrifié dans les griffes de cet hiver décidément rigoureux.
Il aimait trop la neige de nos montagnes ariégeoises pour ne pas nous souffler qu’au printemps, la terre saura retrouver la force de laisser pousser les semences.
« Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront pas le printemps »
(Pablo Neruda)
Aline Pailler
En médaillon l’étang d’Izourt en Ariège
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