Finkielkraut, le FN, et les plages accueillantes de la Méditerranée

mardi 26 novembre 2013
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Quand Sarkozy lança son pseudo débat sur l’identité nationale il est à regretter que le défi n’ait pas été globalement relevé par celles et ceux qui se réclament de l’universalité des droits humains.

Au moment où Finkielkraut cite pour se justifier face aux critiques que suscite son livre [1], Ernest Renan celui qui déclarait « La nature a fait une race d’ouvriers. C’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice en prélevant d’elle pour le bienfait d’un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien » [2] et s’affirme Péguyste ( « Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous un traître pour nous poignarder dans le dos ») [3] tous deux nationalistes et convaincus de la supériorité de la "race française", à ce moment-là donc, le débat entre celles et ceux qui pensent que l’identité nationale est en perpétuel devenir et surtout pas une marque de supériorité et les défenseurs d’une France éternelle inamovible sans doute depuis Charles Martel, est plus que jamais nécessaire.
Cet article y contribue...

Qui peut prétendre s’être choisi lui-même ? Personne… Parce que personne ne se choisit. Ne choisit son sexe, sa couleur de peau, d’yeux, de cheveux, sa date de naissance, son lieu ni son époque, son environnement, sa famille et donc, sa culture… Tout cela survient par hasard, sans que nous n’ayons aucun mérite ou démérite à ce qui nous arrive.

Quand j’entends des gens dire qu’ils sont fiers d’être ceci ou d’être cela, ça me fait sourire… avant de grincer des dents. Quelle bêtise, quel ego et surtout, quelle prétention ! Mais le pire, c’est quand tant de bêtise se mire, se complait, puis s’organise et proclame comme valeur suprême ses critères d’appartenance à une même communauté repliée sur elle-même, un même destin qui serait coupé des autres, une même race définitivement supérieure… « La France aux Français », « Priorité aux Grecs », « Les Russes d’abord », « Les juifs, peuple élu »,… comme tonitruent de plus en plus d’abrutis. Causez toujours… Ceux-là n’ont définitivement rien compris au monde qui change, qui s’ouvre, qui se transforme. Et se racrapotent sur eux-mêmes et leur idéologie puante, pensant échapper ainsi à l’évolution qui tend vers toujours plus de métissage et toute sa richesse, pour qui n’a pas peur de voir autre chose que son nombril et pense malheureuse – voire dangereuse – toute identité multiple…

Il y a quelques années, au retour de plusieurs voyages en Palestine occupée où j’aurais aimé vivre si les conditions le permettaient, profondément dégoûté par la politique européenne dans ce dossier, j’ai décidé de partager mon temps de vie entre l’Europe et un pays arabe. Mon choix m’a amené dans un village du sud marocain où je séjourne de larges périodes de l’année, vivant au cœur de la population. J’y côtoie l’amère vérité des conditions de vie de l’écrasante majorité du peuple marocain. A peine éloignées de quelques kilomètres d’Agadir et de ses luxueux hôtels où les buffets regorgent trois fois par jour de mets savoureux, vivent des familles dans des conditions que les touristes n’imaginent même pas. Au bout d’une semaine ou maximum deux, ceux-ci rentreront chez eux, pensant connaître le Maroc à travers les quelques excursions choisies que le tour-opérateur leur aura concoctées, mais la réalité du pays leur aura complètement échappée. Comme d’ailleurs à ceux qui se rendent en Egypte, en Tunisie, ou ailleurs en Afrique pour quelques aventures ou découvertes exotiques…

Malgré des progrès sensibles ces dernières années, l’éblouissant pays qu’est le Maroc, miné par une administration souvent incompétente et la plupart du temps corrompue, reste un pays où subsiste une grande pauvreté. Et hélas, le roi qui portait tant d’espoirs lors de son intronisation, semble avoir été bien vite appâté par le gout empoisonné de l’argent. Cette pauvreté omniprésente, peut pourtant être appréhendée sans peine, à condition de quitter les sentiers touristiques balisés… Je pourrais narrer des histoires quotidiennes, banales, vécues, mais qui en réalité, n’intéressent personne. Parce qu’elles diraient cette pauvreté. Au jour le jour. Et que définitivement, la pauvreté n’intéresse personne…

Or en Afrique, le Maroc n’est certainement pas le pays le plus à plaindre. N’est certainement pas le pays où la pauvreté revêt les signes de la misère extrême. Du dénuement total. De la famine, parfois. Que dire alors de ces pays situés plus au sud ? Que dire des pays africains sub-sahariens ? De ceux déchirés par des conflits permanents ? Comment en parler sans trembler, sans être effaré des conditions souvent infrahumaines dans lesquelles survivent des millions d’individus, de familles tout au long d’une vie ? Comment détourner le regard et ne pas voir ? Comment choisir de ne pas savoir ? Comment faisons-nous pour éteindre l’émoi que de telles conditions suscitent en nous ? Comment ne pas vouloir que cela change radicalement ? Par quel réflexe réussissons-nous à étouffer nos cris de colère et à nous bâillonner face à tant d’iniquités ? Sommes-nous définitivement amortis ? Sommes-nous encore des êtres humains capables de compassion et d’empathie ? Sommes-nous à ce point encombrés, paralysés, sclérosés par nos biens matériels que nous en avons perdu tout sens d’humanité et de solidarité ? Ou sommes-nous tellement manipulés que nous ne voyons plus-là que les dangers d’un islamisme conquérant qui attenterait à nos si précieuses valeurs – et quelles valeurs !? Incapables désormais de secourir les âmes humaines en détresse qui implorent, supplient qu’on leur vienne en aide…

Aujourd’hui, au fil des infos, en voyant régulièrement ces tas d’hommes, de femmes et d’enfants entassés dans des embarcations de fortune, jetés les uns sur les autres au gré des flots, avec le fol espoir de fuir la misère, je me dis que si j’étais né Africain, si j’étais jeune et si comme la plupart de mes frères j’essayais de survivre tant bien que mal à cette misère quotidienne, omniprésente, continuelle, obsédante, je tenterais sans aucun doute de faire pareil et de rejoindre les rivages de l’Europe… Même au péril de ma vie. Parce que je n’aurais plus d’autre choix. Parce que tant d’injustice entre pays riches et pays pauvres me révolterait. Parce que tant d’égoïsme des nantis plus préoccupés par leurs loisirs, leurs matchs de foot, leurs régimes caloriques et leur confort douillet que par nos détresses m’indignerait. Parce que tant d’argent jeté dans des campagnes de pub pour des produits inutiles me choqueraient. Parce que je serais poussé en mon for intérieur à tenter quelque chose plutôt que rien. Parce que je n’aurais plus rien à perdre. Et parce que tant que les pays riches auront la politique étrangère qui est la leur en ce qui concerne les échanges avec nos pays pauvres pillés depuis des siècles, il n’y aura pas d’alternative, pas d’avenir pour nous. Cette jeunesse et avec elle, l’avenir de nos pays sont condamnés par ces politiques assassines. Et je hurlerais, je gueulerais de toutes mes forces pour dénoncer tant d’injustices, tant d’égoïsmes, tant d’hypocrisies ! Et risquerais donc l’impossible…

Face à cette immense détresse, quand j’entends les mesures prises par cette grise Europe de misérables technocrates – ceux-là mêmes qui revendiquent leurs valeurs chrétiennes (!) et nous expliquent statistiques à l’appui que l’Afrique connaît une progression remarquable – allant toujours dans le même sens d’un accroissement des contrôles, des murs, des barrières et des barbelés pour se défendre et se protéger toujours plus des quelques milliers de pauvres hères atteignant leurs côtes, ma rage ne fait que décupler. M’ébouillante la tête et me noue le ventre, m’amenant à plus de détermination encore. Vous nous pillez nos richesses et avez bâti vos empires depuis des lustres, mais ne voulez pas de nous !? Sauf pour une poignée afin de réaliser vos besognes les plus détestables. Sachez donc, que cela vous agrée ou non, que le cours de l’Histoire est irréversible. Que les flux et les échanges entre pays et continents ne s’arrêteront pas, malgré les obstacles que vous multiplierez sur nos routes. Et qu’in fine, si vous ne vous décidez pas à prendre le problème à sa racine, à savoir une plus juste répartition des richesses que vous n’avez de cesse de nous voler et continuez à accaparer sur notre dos, sachez que ce que vous ne voulez pas partager avec nous aujourd’hui, nous viendrons vous le prendre demain. De force s’il le faut ! Et nous sommes nombreux, déterminés, quoi que vous fassiez et malgré toutes les mesures de dissuasion que vous inventerez contre nous !

En attendant, après les images insupportables de ces vies damnées, ruinées, sacrifiées à l’approche des côtes de la Méditerranée, quand le choc émotionnel sera bien vite retombé, il sera temps de penser aux prochaines vacances d’été, « le long des golfes clairs… » et des plages accueillantes du cimetière-sud de la riche Europe, si fière d’elle-même…

Daniel Vanhove
Observateur civil
13.11.13

Transmis par Linsay



En médaillon d’après un dessin de Frep paru dans www.crayondenuit.com


[1L’identité malheureuse

[2(Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, 1871). Sur l’islam il dira : « L’islamisme [on dirait religion musulmane aujourd’hui NDR] ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira à l’état de religion libre et individuelle, il périra. L’islamisme n’est pas seulement une religion d’État, comme l’a été le catholicisme en France, sous Louis XIV, comme il l’est encore en Espagne, c’est la religion excluant l’État (…) Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d’Ismaël sera mort de misère ou aura été relégué par la terreur au fond du désert. L’islam est la plus complète négation de l’Europe ; l’islam est le fanatisme, comme l’Espagne du temps de Philippe II et l’Italie du temps de Pie V l’ont à peine connu ; L’islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c’est l’épouvantable simplicité de l’esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle, pour le mettre en face d’une éternelle tautologie : Dieu est Dieu (…) » (Discours au Collège de France De la part des peuples sémitiques dans l’Histoire de la civilisation, 1862). Un précurseur en matière d’islamophobie en quelque sorte...

[3Petit Journal daté du 22 juin 1913



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