Chronique chinoise (I)

jeudi 7 août 2008
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Nous avons déjà écrit ici ce que nous pensions du brusque intérêt des médias au service des puissances occidentales pour les droits de l’homme en Chine. A l’occasion des jeux de Pékin nous souhaitons nous aussi faire connaître une série de points de vue sur la situation chinoise, points de vue apportant des éléments de connaissances, de critiques et d’analyse...sans qu’ils soient dictés par Bruxelles, la Maison Blanche ou l’Elysée...

30 juillet 200 8

Pour le moment, on peut voir de nombreux reportages ou lire de nombreux articles sur la Chine, vu la proximité des jeux olympiques. Du très (très) hostile au modérément amical, il y a de tout, pour dire que là-bas c’est la misère, les inégalités, les injustices, etc. Pour un pays sur lequel plane une surveillance de tous les instants (d’après ce que je lis), je n’ai jamais vu autant d’informations sur les « dysfonctionnements » du régime chinois.

Mais de temps en temps sortent des infos, sous forme d’entrefilets, en pages secondaires, à côté d’autres nouvelles apparemment anodines, qui remettent en cause des clichés.

Un exemple : un avocat de renom en Belgique, spécialiste des causes liées au sport, Me Misson est interrogé sur le rôle des sportifs en Chine pendant les jeux olympiques. J’ai épinglé cette déclaration : « les Chinois sont sous-payés depuis des années ». Cette affirmation est répétée également à longueur d’année. C’est indubitable que les salaires sont plus bas que chez nous. Mais qui peut penser qu’un pays qui se développe va payer 2000 euros par mois ses travailleurs, tout simplement pour éviter de concurrencer les salaires occidentaux. Il y a des inégalités de salaires, c’est évident (chez nous aussi). J’ai visité en Chine des usines où les ouvrier(e)s travaillaient pour 90 à 100 € par mois, dans de bonnes conditions de travail. C’est un bon salaire là-bas. Mais dans une grosse boîte de la sidérurgie, c’était 600 €, ce qui est un très bon salaire. Mais ça reste toujours inférieur aux nôtres, en chiffres absolus.

Certaines catégories sont (ou étaient) certainement sous-payées. Mais les choses changent. De nouvelles lois sur le travail (contrats, salaires, etc.). font que les entreprises peuvent de moins en moins faire ce qu’elles veulent. La présence de l’ACFTU (syndicat officiel) pèse, malgré toutes les critiques adressées à son égard par les médias occidentaux.
Et voici donc la seconde partie de mon argumentation. Toujours dans Le Soir du 29/07/08, cet entrefilet en page économique :

« TEXTILE : Adidas retire progressivement sa production de Chine
Le numéro deux mondial des équipements sportifs, l’allemand Adidas, juge le niveau des salaires en Chine dorénavant trop élevé et va transférer une partie de sa production vers des pays encore plus compétitifs, a déclaré son patron Herbert Hainer. Adidas va transférer sa production en Inde, au Laos, au Cambodge et au Vietnam, mais aussi dans les pays de l’ex-URSS et en Europe de l’Est. »

Les entreprises occidentales ne vont donc pas dans un pays pour l’aider à se développer (ce n’est pas nouveau) mais pour en tirer un max de profit (ça s’appelle diminuer les coûts). La Chine était un bon filon, elle commence à ne plus l’être.

La Chine a sorti la majorité de sa population de la pauvreté extrême.

« La population chinoise dans son ensemble a très largement bénéficié de ce décollage puisqu’en vingt-cinq ans, le revenu par habitant a été multiplié par cinq ! Il était, d’après la Banque mondiale, de 190 dollars l’an en 1978, il est de 1000 dollars environ en 2004 ; Cela a permis à 400 millions de Chinois de sortir de l’extrême pauvreté-moins d’un dollar par jour. Réservés à l’élite pendant un temps, le réfrigérateur, le vélo et le téléphone sont devenus des biens de consommation courante pour des centaines de millions de personnes. Globalement, les Chinois ont aussi accru, au cours de ce quart de siècle, d’un tiers au moins leur consommation moyenne de calories-ce qui n’est pas sans expliquer l’allongement de leur espérance de vie….

Cela étant, …la Chine reste un pays pauvre, très pauvre même. Près de la moitié de la population vit encore avec moins de deux dollars par jour. Le revenu moyen a augmenté, mais à 1000 dollars par an (à peine 800 euros), il reste à des années-lumière de celui des pays qui ont fait leur révolution industrielle il y a un ou deux siècles-trente fois moins qu’en France, quarante fois moins qu’aux Etats-Unis…Le Chinois trouvera peut-être quelque source de satisfaction en apprenant que son revenu moyen est deux fois supérieur à celui de l’Indien…

Si l’on prend le PIB calculé en volume plutôt qu’en valeur, en pouvoir d’achat plutôt qu’en monnaie courante donc, l’écart de la Chine est moindre : en termes de « parité de pouvoir d’achat », la Banque mondiale estime à 4000 dollars le PIB par habitant, dix fois moins « seulement » que celui des Etats-Unis. » [1]

Pour conclure ce commentaire, on peut reprocher les pires choses aux Chinois ou plutôt à la Chine et son gouvernement, et certains ne s’en privent pas. Mais d’autres qui étudient la Chine depuis longtemps, qui y ont séjourné essaient de garder un esprit ouvert (et critique mais sans hostilité rabique). Tout ne me plaît pas, mais au vu d’un pays gigantesque, avec une population d’une telle ampleur, je reste très modeste. J’ai été très impressionné par la taille des villes (de 10 à 20 millions d’habitants) et sincèrement (très sincèrement), je ne voudrais pas être à la place des dirigeants.

Ce que confirme d’une certaine manière une journaliste belge qui y a vécu six ans. Elle est interrogée dans « Télémoustique » (2 au 8 août).
A la question « Notre vision de la Chine est-elle simpliste ? »,
Rachel Delcourt répond ceci :
« Oui, presque forcément. Ne fût-ce qu’à cause de sa taille. La Chine n’est pas cette réalité monolithique de plus d’un milliard d’habitants. C’est avant tout une diversité géographique et culturelle incroyable, riche de plus de 50 ethnies différentes. Prenons un thème qui revient beaucoup dans nos médias, celui de la Chine du grand écart, entre très riches et très pauvres. C’est une réalité, mais parmi d’autres…Ce n’est qu’en passant un certain temps sur place que vous pouvez vous rendre compte de la difficulté pour un gouvernement, quelle que soit son orientation politique, de gérer une telle complexité. »

Marc van Campen


[1Ce dernier extrait est tiré de « Quand la Chine change le monde », d’Erik Izraelewicz (chez Grasset en 2005).



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