Bien agir pour bien vivre
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De nos jours, nous avons compris que la vie est seulement un état intermédiaire entre la naissance et la mort. Nous ignorons que nous naissons avec l’essentiel GRATUIT pour la vie absolument gratuit : l’air et le soleil, sans eux nous ne pourrions exister et pourtant ils n’ont pas de prix. Mais arrêtons-nous un instant sur cet aspect des choses : si nous acceptons que l’air et le soleil indispensables à la vie soient gratuits alors qu’est-ce qui peut coûter plus ? En réalité, rien. Cependant, beaucoup de gens paient des sommes gigantesques pour des choses dont l’importance et la valeur sont insignifiantes, bien qu’elles essaient de nous prouver le contraire.
Il y a ceux qui accumulent des biens qui leur permettraient de vivre trois vies quand ils n’en ont qu’une. Ils laissent des héritages pour leurs enfants alors que s’ils avaient pris le temps nécessaire de les éduquer ils n’auraient pas besoin de cet héritage. Ces enfants sont les adolescents puis les adultes qui apprennent à vivre de l’effort des autres et deviennent exigeants vis-à-vis des autres alors que l’effort incombe à chacun de nous.
Aujourd’hui nous gaspillons une partie de notre vie dans des choses qui ne sont pas fondamentales. Nous vivons comme si nous n’allions jamais mourir, nous ne prenons pas le temps pour nous arrêter sur ce qui est essentiel. Quant un enfant naît, nous cherchons des ressemblances au lieu de découvrir des originalités. Au collège, nous éduquons en faisant des comparaisons alors qu’en réalité un cours est la somme de nombreuses individualités différentes. Nous voulons qu’ils découvrent le monde à l’intérieur du collège quand le monde est à l’extérieur.
Nous leur enseignons l’histoire mais nous ne leur avons pas expliqué comment vivre le présent. Les écoles sont pleines de matières compliquées et difficiles mais aucune n’explique comment doit-on faire pour vivre bien ? On nous enseigne de nombreuses connaissances, on fait tout pour nous rendre intelligents mais rien n’est prévu pour devenir des sages.
Ainsi, beaucoup d’êtres humains ont choisi leurs défis dans le monde extérieur, ils ont accepté de donner plus d’importance à ce qui ne se voit pas, l’aspect matériel dominant le fondamental. L’homme est devenu l’esclave de ses propres sens : tout ce qu’il voit il veut l’obtenir, tout ce qu’il touche il veut le posséder. On enseigne aux enfants à être autonomes, qu’ils doivent tout obtenir par eux-mêmes, qu’ils doivent être indépendants à l’adolescence quand en réalité à la naissance nous avons besoin des autres, de la complémentarité et de savoir que l’originalité réside dans la complémentarité. Il n’y a pas de pères sans fils, de fruits de la terre sans semences, sans eau, sans soleil, sans quelqu’un qui les sème.
Actuellement, nous rendons un culte à certains canons de beauté ce qui aboutit à perdre toute originalité. Il suffit de regarder la nature avec toutes ses fleurs : elles sont toutes belles mais seuls notre propre regard et ressenti font que certaines nous semblent plus belles que d’autres.
Tout ce qui vient d’être mentionné démontre que l’homme fait fausse route dans la recherche du bonheur et de la paix. Nous croyons que le bonheur et la paix viennent de l’extérieur alors qu’il provient de notre propre intérieur.
Par conséquent, les plus grandes menaces sur l’Humanité sont le mensonge, l’égoïsme et le pouvoir. Nous avons cessé d’appeler les choses par leurs noms et aujourd’hui cela pèse. Nous apprenons à nos enfants à être les meilleurs ou les premiers au lieu de leur montrer qu’à partir de l’originalité ou de l’identité individuelle il n’y a pas de bonnes personnes ou de mauvaises personnes mais simplement des individus aux missions différentes pour des compétences diverses.
Nous leur parlons de pays développés et sous-développés sans leur expliquer le sens de ces mots. Or, on constate que les pays les plus développés sont ceux où leurs habitants se sentent le plus seuls. Les personnes du troisième âge sont abandonnées et les enfants souffrent d’un manque de tendresse. Ce sont pourtant les pays les plus riches mais ce ne sont pas pour autant ceux qui vivent le plus heureux ni ceux qui vivent le mieux. Ce fameux « développement » a rendu les gens très dépendants de l’argent, ils sont subordonnés à lui. Le développement ne doit pas impliquer « avoir plus » mais « bien vivre avec Dieu avec soi-même, avec les autres et avec la Nature ».
En Bolivie, le soi-disant sous-développement signifie que les familles des enfants aux grands-parents, restent ensembles jusqu’à ce que la mort les sépare. Pour nous, les grands-parents constituent des bibliothèques ambulantes car nous pensons qu’on apprend à être enfants quand nous devenons parents, et on apprend à être parents quand nous devenons grands-parents. Nous sommes convaincus que les personnes intelligentes apprennent de leurs propres erreurs tandis que les sages apprennent des erreurs d’autrui.
Notre propre égoïsme nous crée de faux besoins pour des bénéfices personnels. Il est insolite de voir la quantité incroyable d’entreprises et de personnes dédiées à inventer et créer des besoins avec ce « marketing » au lieu de découvrir les besoins réels et tenter de les satisfaire.
Regardez la différence entre une clé USB et le coca-cola. Dans le premier cas, nous n’avons pas connu de propagande mais nous en possédons tous une, tandis que pour le Coca-Cola nous connaissons tous l’énorme publicité que ce produit requiert. Et les produits dont nous avons besoin parlent d’eux-mêmes et n’ont pas besoin de publicité.
L’égoïsme ou l’excessif intérêt pour soi-même a conduit au fait qu’aujourd’hui il n’existe pas une vraie démocratie. Nous croyons qu’un pays est démocratique parce que ses citoyens vont aux urnes. Nous ne nous sommes pas rendu compte que la démocratie politique, vue comme le droit au vote, est une minuscule expression de la véritable démocratie. Nous devons aujourd’hui pouvoir donner le véritable sens à ce mot. La démocratie doit être économique, sociale, culturelle, environnementale et spirituelle. Un pays est démocratique quand les besoins fondamentaux de tous ses citoyens sont satisfaits.
Le pouvoir compris comme capacité à dominer, à imposer ou subordonner à partir de la richesse matérielle a engendré la violence. Nous avons perdu de la perspective entre les personnes les groupes et les pays. Malgré le fait d’être un des pays les plus riches en ressources naturelles puisqu’elle possède le gisement de lithium le plus important au monde, la Bolivie a la mine d’argent à ciel ouvert la plus grande du monde, elle occupe la quinzième place en matière de ressources hydriques et possède 66 des 113 écosystèmes existants dans le monde. Elle occupe la septième place pour le fer et le manganèse et offre 10 des aliments originaires les plus nutritifs au monde : la quinua, la cañagua, le tarwi. La Bolivie est persuadée que chaque pays n’est qu’une couleur dans l’univers et que seulement tous ensemble nous formons l’arc-en-ciel.
Ainsi, le pouvoir mal compris et la perte du sens de la vie ont donné lieu au fait que la Bolivie soit stigmatisée comme productrice de drogues. Or, de la drogue saisie aux Etats-Unis seulement 1% est d’origine bolivienne. Et de la drogue saisie qui entre en Europe à travers l’Espagne seuls 11,83% est d’origine bolivienne et pourtant on a stigmatisé tout un pays et ses coutumes millénaires par rapport à la feuille de coca. Les pays consommateurs de drogue sont essentiellement ceux qui soutiennent la liberté de marché c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’offre si il n’y a pas de demande et chacun sait que l’éradication de consommation de cocaïne dans leurs nations trouve une solution très rapide : cesser de consommer et protéger les frontières.
Le pouvoir n’est fécond et ne trouve un sens que lorsque nous avons compris deux choses : la temporalité de ce pouvoir et l’obligation de service auquel oblige ce pouvoir.
Tout ce qui vient d’être signalé précédemment montre que tant que nous ne diront pas la vérité, que nous ne globaliserons pas la complémentarité et la solidarité et que nous ne comprendrons pas que le pouvoir n’est pas domination mais service, la planète ne sera pas harmonieuse et ses habitants ne pourront pas vivre bien.
Pour conclure, signalons que les défis les plus grands de l’homme et ceux auxquels les scientifiques, malgré toutes leurs ressources, ne peuvent répondre sont : comment donner un sens à la vie, comment faire pour que la complémentarité, la solidarité et le respect soient globalisés, comment développer la stratégie d’un marketing afin que la paix, la vérité et le service aient les mêmes campagnes promotionnelles et soient acquis comme principes de vie pour tous et, finalement, comment faire pour que tous agissions bien afin de vivre bien ?
En attendant, la Bolivie espère le réveil d’une nouvelle aube pour tous c’est-à-dire le Pachakuti.
Par Antonio Eguino
Transmis par Linsay
Discours prononcé par Estela VARGAS GARECA Vice Ministre de l’interculturalité lors d’une table ronde « Bien agir pour bien vivre » à l’initiative de la Délégation permanente de l’Etat plurinational de Bolivie près de l’UNESCO
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