Chape de plomb

dimanche 13 février 2011
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Sous ce titre La Marseillaise du 7 février dernier a publié un important dossier signé Myriam Guillaume et consacré au saturnisme lié à l’habitat insalubre. Nous le reproduisons ici agrémenté de documents officiels qui confirment la pertinence de ce dossier...et l’inertie des pouvoirs publics...

A l’heure où la Fondation Abbé Pierre rend son 16e rapport, toujours aussi accablant sur le mal-logement en France, où elle fait le compte de « 33 000 logements vacants sur les 18 communes de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole », où les associations réclament l’application de l’ordonnance de 1945 qui permet la réquisition d’immeubles vides, confortée par la loi contre les exclusions de 1998… le scandale du saturnisme persiste.

Un scandale parce que, sans pouvoirs magiques, on sait comment éradiquer le mal. Persistant parce qu’il est imbriqué au mal-logement, comme le sont beaucoup de maladies, d’accidents aussi, d’incendies.
Mais s’attaquer aux murs comme aux sols, c’est toucher au foncier. Et là, l’équation devient épineuse. La flambée des prix, soutenue par une politique libérale décomplexée, n’a pas aidé au renouveau. Bien au contraire, elle a eu pour effet d’encourager un sinistre marché de la misère, contre lequel la justice patine.

Maisons malades

Pâleur, signes de fatigue, trouble du comportement, du sommeil, baisse du QI, mauvais développement psychomoteur, troubles digestifs… de banales alertes, mais si en plus l’enfant vit dans un habitat dégradé et ancien, il y a toutes les raisons de consulter le CHU spécialisé le plus proche pour demander à faire pratiquer une plombémie, examen permettant de déceler l’intoxication, pris en charge par les CPAM pour les femmes enceintes et les enfants.

« Quand la plombémie est positive, le médecin est obligé de faire une déclaration au médecin inspecteur de santé publique », indique Brigitte Moisonnier, responsable du service santé environnement, déléguée territoriale à l’Agence régionale de santé [1]. A partir de là, tout doit être mis en œuvre pour supprimer l’origine de l’intoxication. Et comme « le saturnisme rejoint complètement la problématique de l’habitat indigne », souligne la responsable, l’ensemble des acteurs de la santé et du logement doivent travailler de concert.

40 adresses plombées à Noailles

En 1994 et en 2008, deux campagnes de dépistage ont été réalisées dans les Bouches-du-Rhône, pilotées par le Réseau Saturne Sud qui réunit CG 13, santé scolaire, CHU, ARS et centre antipoison. Si la première campagne a beaucoup fait, il reste qu’un nouveau cas sera toujours un cas de trop. L’étude de 2008 préconise « une intervention ciblée sur des quartiers à risque, plutôt qu’une opération systématique ». Des cartographies ont été élaborées sur Saint-Mauront /Belle de Mai et Noailles, à Marseille. Une autre sur les 15e et 16e arrondissements est en cours de réalisation. « Dès que nous le pouvons, nous instruisons le dossier en procédure, mais déclarer un immeuble insalubre n’est pas une mince affaire, on touche au droit de propriété très encadré. »

De précieux outils de travail… que les adjoints au maire délégués à la sécurité et à la santé semblent ignorer. Si José Allégrini assure « ne pas avoir eu connaissance de ces documents », Françoise Gaunet Escarasse met en avant « le respect du devoir de confidentialité médicale ». Or les données portent sur le bâti. Par ailleurs, les 40 adresses indiquées par la carte de l’ARS dressée sur Noailles correspondent au listing que l’association Un centre ville pour tous a mis à disposition du public en mai 2009. C’est pourtant là que la lutte contre les maladies environnementales achoppe : le parc de relogement reste largement insuffisant pour organiser une mise à l’abri de ces locataires. Et le péril, souvent simple, n’oblige pas à reloger.

Ne pas attendre l’effondrement pour agir

Or, pour les associations, le péril ne se réduit pas à l’imminence d’un effondrement. « La lutte contre l’habitat indigne date de 1996 », rappelle Nourredine Abouakil d’Un centre ville pour tous. Un effort est bien visible sur quelques immeubles de Noailles où fleurissent des panneaux « Habiter autrement ». Et le même périmètre cumule les dispositifs PRI OAHD, OPAH… « Ca coûte cher en frais de fonctionnement et les résultats ne sont pas au rendez-vous (lire ci-dessous), estime le militant, les logements acquis par la Ville restent trop longtemps vacants. »

Pour mémoire du Marseille sordide, le 29 rue d’Aubagne est repéré dès 1986, et fermé en 2007 suite au décès d’un locataire. On ne lui connaît aucun traitement jusqu’à aujourd’hui. Au 35, rue Thubaneau, l’hôtel Achille, soit 1 500 m2 d’habitation, est resté muré depuis 2004. Le 6 rue de La Fare connaît le même sort depuis 2002. On les compte par centaines, d’autres, 23, 31, 35, 39 rue d’Aubagne, 22, 24, 43 rue du Musée, 36 rue de l’Académie ou 3 rue Pollak… dans un piteux état, « ne figurent même pas dans la Déclaration d’utilité publique ».

« Ça ne peut pas fonctionner car on déplace juste l’insalubrité, analyse encore Nourredine Abouakil. Chaque personne non relogée devient la nouvelle victime d’un nouveau marchand de sommeil. » Beaucoup d’affichage et encore trop peu de réalisations.

« Un PRI (sur les PRI et les combines financières liées à ceux-ci lire l’article Il y a un projet pour Marseille (II). )en panne car bâti sur l’intérêt financier. » Or l’habitat ne présente pas d’intérêt fiscal du point de vue de la loi Malraux, qui considère davantage les immeubles vides.
MYRIAM GUILLAUME

Les risques d’exposition au plomb et cas de saturnisme sur Noailles.

Données Ddass, 1999-2000.

Présence potentielle

- 2, rue des Feuillants,
-  7 et 40, rue du Musée,
-  2, 31, 37, 61, 63, 77 et 83, rue d’Aubagne,
-  1, 17, rue de La Palud, 14, rue Rouvière,
-  36, rue de l’Académie, 19, rue de l’Arc,
-  12, 28, rue Châteauredon,
-  9,11, 13, 29, rue Jean-Roque

Présence avérée :

- 22, rue des Feuillants,
-  23, 39, rue du Musée,
-  6, rue des Récolettes,
-  3, rue Vacon,
-  22, 52, rue d’Aubagne,
-  18, rue Jean-Roque.

Immeubles dont les locataires sont imprégnés au plomb :

- 7, rue Méolan,
-  13, 20, rue d’Aubagne,
-  18, marché des Capucins,
-  13, rue de l’Arc,
-  17, rue Moustier.

Immeubles dont les locataires sont intoxiqués au plomb :

- 22, rue du Musée,
-  14, rue des Capucins,
-  1, rue Pollak,
-  5, 53, rue de La Palud,
-  14, rue de l’Académie,
-  15, rue Estelle.

Myriam Guillaume


Les illustrations sont de Rouge midi


[1ARS anciennement Ddass



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