Referendum colonial à Mayotte
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Les puissants mouvements sociaux, qui agitent la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, ne se sont pas encore tus que le gouvernement français s’apprête à proposer aux Mahorais le statut visiblement peu enviable de « département français d’outre-mer ». Un référendum sur la départementalisation de Maoré (Mayotte) - la seule île de l’archipel des Comores restée française après l’indépendance - est en effet prévu le 29 mars 2009.
Cette perspective est vigoureusement contestée par les Mahorais et les Comoriens en général, qui dénoncent la volonté de l’Etat français de maintenir à tout prix les colonies de « la France des Trois Océans ». Il faut dire qu’en ce début du vingt-et-unième siècle, la France est, avec les Pays-Bas et le Grande Bretagne, l’un des derniers pays européens à posséder encore des vestiges d’empire colonial.
A mi-chemin entre Madagascar et le continent africain, dans le canal du Mozambique, Mwali (Mohéli), Maoré (Mayotte), Ndzuwani (Anjouan), N’gazidja (Grande-Comore), les quatre îles principales de l’archipel des Comores ont été colonisées au dix-neuvième siècle.
En 1975, à l’heure (tardive) de l’indépendance, elles devaient former un unique état, conformément au droit onusien, qui impose le respect des frontières issues de la colonisation. Las, en décembre 1974, contrairement au projet initial qui prévoyait un comptage global des résultats du référendum d’autodétermination, la France décide de décompter les suffrages île par île. Ainsi, alors que le corps électoral du futur état comorien se prononçait clairement pour l’indépendance, sous prétexte de résultats inversés dans cette île, l’état français gardait Maoré dans son giron.
Ce « coup », formellement condamné par l’O.N.U., a mis la France en contradiction avec le droit international depuis près de 34 ans. Mais ce n’est pas le seul, depuis l’indépendance la France n’a pas cessé de saper l’existence du jeune état comorien : citons pour mémoire le passage très médiatisé du mercenaire Bob Denard [1] ou l’assistance non dissimulée au séparatiste Mohamed Bacar sur l’île d’Anjouan.
Pour ne pas ajouter à l’occupation illégale de Mayotte le déplacement forcé de population, la France a laissé les Comoriens circuler entre les îles jusqu’en 1995. A cette date, le gouvernement Balladur invente un « visa » pour empêcher les Comoriens des autres îles de se rendre à Mayotte.
Depuis, les familles sont séparées par un bras de mer de 70 kilomètres de large qu’elles tentent de traverser sur de frêles embarcations, au prix de leur vie : autant qu’on puisse les compter, ils sont plus de 7000 à avoir disparu au cours du voyage depuis janvier 1995. Et ceux qui parviennent à passer risquent l’expulsion : en 2008, plus de la moitié des objectifs chiffrés nationaux de Brice Hortefeux concernent les Comoriens de Maoré.
C’est dans ce contexte La France entend organiser un nouveau « coup » le 29 mars 2009 à Maoré en proposant un référendum sur la départementalisation ; après quoi elle envisage d’en faire une Région Ultra Périphérique (RUP) de... l’Union Européenne.
Réuni à Addis Abeba en janvier 2009, le sommet de l’Union africaine (53 pays) a condamné la perspective de ce référendum, ainsi que l’inscription de Mayotte dans la constitution française. De leur côté, la majorité des pays de l’Union Européenne ont voté la vingtaine de résolutions de l’ONU reconnaissant Mayotte comme partie intégrante de l’état comorien.
« Depuis plus de 33 ans, la France piétine délibérément le droit international en occupant l’une de nos îles », accuse le Mouvement pour l’Unité et la Souveraineté des Comores (MUSC), qui organise le 21 mars 2009 une grande manifestation à Marseille (départ 9h30 Porte d’Aix). Il réclame l’annulation du référendum du 29 mars, l’abrogation du visa Balladur et l’ouverture de négociations sous l’arbitrage d’instances internationales pour la restitution de Maoré à l’Union des Comores. Dans le même esprit, l’association « Survie » a lancé une pétition à signer sur internet.
La France va-t-elle une fois de plus se salir en cédant aux vieux démons du colonialisme ? La réponse nous concerne tous.
[1] Pour plus de précisions, voir dans la même rubrique notre article N° 275 « Retour sur une manifestation comoro-marseillaise »
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