Wasiwa komori nidi ndzima*
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Ainsi donc le référendum colonial a eu lieu et Mayotte est devenue un département français. Les partisans de l’annexion peuvent faire claquer le résultat de ce vote de dupes (95% de OUI). On notera quand même pour l’exactitude des chiffres que seul un mahorais sur deux a voté et que par contre les métropolitains vivant sur l’île (militaires, fonctionnaires…) ont eux aussi participé au vote. Ces deux éléments relativisent donc fortement le résultat obtenu.
Pour autant on ne peut nier que nombre de mahorais ont voté pour ce statut de Département d’Outre-mer (DOM) et donc à partir de 2011 Mayotte deviendra une RUP « Région ultrapériphérique » de l’Union européenne comme disent ceux qui nous gouvernent.
Faut-il le rappeler ? Cette annexion a eu lieu malgré vingt résolutions de l’ONU condamnant fermement la France depuis 1975 et reconnaissant Mayotte comme comorienne, malgré l’opposition de l’OUA et celle de la ligue arabe. [1]
Des arguments ont pesé dans la balance
Il y a d’abord la question du niveau de vie. Le pouvoir d’achat est à Mayotte neuf à dix fois plus élevé que celui des 3 autres îles de l’archipel (Anjouan, Mohéli, Grande Comore) tout en étant en moyenne trois fois inférieur à celui de la Réunion, département français le plus proche. Donc voter pour la France c’était en quelque sorte voter pour gagner plus.
Il y a eu ensuite la promesse que la départementalisation apporterait aux mahorais de nombreuses aides tant de la métropole que de l’UE. [2]
Dans une île sous équipée, aux infrastructures quasi inexistantes il est évident que la perspective d’être dans un département français à part entière peut faire rêver. Mais là encore entre le rêve et la réalité il y a un grand fossé.
Des lendemains qui risquent de déchanter
Le pouvoir d’achat
Les conflits récents ou en cours dans les autres DOM devraient amener à plus de réalisme. D’autant que le gouvernement lui, n’en manque pas. Et de cynisme non plus d’ailleurs.
Tout d’abord il faut noter que l’application de l’ensemble des lois et dispositifs de protection sociale en usage dans les autres départements, ne débutera pas avant 2011 et s’étalera sur vingt ou vingt-cinq ans. ;
Quant au RSA et autres minima sociaux, ils ne seront versés qu’à partir de 2012, et encore avec un niveau fixé au quart de ce que perçoivent les allocataires dans l’hexagone. au nom du fait que « la départementalisation ne doit pas ajouter des bouleversements et des frustrations provoqués par une élévation artificielle des niveaux de vie » et qu’« Il ne paraît pas envisageable que les habitants de Mayotte disposent immédiatement de l’ensemble des transferts sociaux en vigueur dans les départements de métropole » (rapport parlementaire sur la départementalisation).
Les aides de la métropole et de l’UE
Là aussi l’exemple des autres DOM montre clairement ce qu’il en est de la politique d’aide au développement de territoires considérés avant tout comme des avant poste stratégiques de la France dans différents points du monde ;
Concernant l’UE c’est tout aussi aléatoire : comment des gouvernements européens qui ont voté toutes les résolutions de l’ONU condamnant l’annexion de Mayotte vont-ils allouer des crédits reconnaissants de fait cette annexion ?
Et puis il y a le reste
Comme le souligne l’association Survie :« Parallèlement [à l’annexion] la partie indépendante de l’Archipel a été déstructurée politiquement par une série de coups d’État [3] était organisés par des mercenaires français (Mayotte leur servant souvent de relais), ce qui explique l’extrême faiblesse économique de ce pays. C’est une stratégie jouée par la France pour conserver Mayotte : maintenir à Mayotte un niveau de vie supérieur à celui du reste de l’archipel des Comores, afin que les Mahorais préfèrent l’administration par la France à l’achèvement de la décolonisation. »
C’est cette stratégie qui a conduit à la situation effroyable que connait l’île et sur laquelle peu d’informations parviennent jusqu’à nous : des comoriens considérés comme des étrangers sans droits alors même qu’ils vivent à Mayotte depuis longtemps ou qu’ils y ont de la famille proche dont ils sont maintenant séparés par la nationalité, les traversées clandestines sur de frêles embarcations au prix de nombreuses noyades (plus de 1600 morts connus depuis le visa Balladur de janvier 1995), les expulsions par milliers :13 000 en 2008, à comparer aux 29 000 depuis la métropole, la campagne innommable lancée en 2005 par le gouvernement sur le thème du « droit du sang », les centres de rétention surpeuplés, les chasses sauvages aux « mahorais non légitimes »….
Et l’on peut craindre que cela ne s’aggrave encore quand on lit les propos de Yves Jego, secrétaire d’État à l’Outremer déclarant que la départementalisation devra avoir pour contrepartie « davantage de fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine » (c’est donc possible ?!) et que « les Mahorais doivent apporter leur concours à cette politique ». Bienvenue sur l’île de la délation…
Les limites d’une opération coloniale
Mais si la France avance vers son projet sans apparemment se soucier des protestations internationales et des résolutions de l’ONU, elle ne peut longtemps ignorer le refus des comoriens de voir leur souveraineté bafouée et leur pays séparé. Samedi 21 mars à Marseille une manifestation à l’appel d’un collectif d’associations comoriennes et soutenue par PCF, NPA et Rouges Vifs 13 le clamait haut et fort. "Nous avons tous le même sang, la même culture" criaient ils en comorien et en français.
Tout au long du parcours, entre deux slogans, l’animateur de la manif interrogeait les passants : « Vous accepteriez vous qu’une puissance étrangère s’attribue un quart de la France ? Vous accepteriez qu’un pays, sous prétexte qu’il est plus fort et plus riche fasse sa loi contre les vôtres ? » A voir les hochements de tête, à entendre les propos dans la foule, la réponse ne faisait aucun doute. La France devrait pourtant savoir qu’aucune puissance n’a pu durablement imposer sa volonté à un peuple uni et déterminé. Comme le criaient les manifestants : « la lutte ne fait que commencer ! »
*Nous comoriens avons le même sang
Photo Nanou et Rouge Midi
[1] Au sommet d’Addis Abeba de janvier 2009, les 53 pays de l’Union Africaine ont été unanimes pour condamner une nouvelle fois ce référendum, ainsi que l’inscription de Mayotte dans la constitution française.
[2] : « La départementalisation, si elle est, en tant que telle, sans effets sur le statut de Mayotte vis-à-vis de l’Union européenne, appellera une nouvelle batterie de réformes, notamment fiscales, tendant à faire accéder ce territoire, au sein de l’Europe, au statut de Région ultrapériphérique [RUP] et, par là-même, aux financements communautaires. » (Jean-Christophe Lagarde député UMP, AN, séance du 11 février 2009.)
[3] une vingtaine depuis l’indépendance dont le plus célèbre par le mercenaire français Bob Denard soutenu par l’Afrique du sud de l’apartheid
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