Si tu veux l’Europe, prépare la guerre

mercredi 15 octobre 2008
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Rien n’est plus dangereux que le capitalisme en crise. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur l’histoire récente. « Plutôt Hitler que le Front populaire », disait la bourgeoisie française en 1939, avant de plonger le pays dans la honte de la collaboration. Le fascisme et la guerre sont, pour le capitalisme en crise, des échappatoires de choix. Les bruits de bottes, qui résonnent en Europe et dans le monde, inspirent à Pierre Rimbert (Le Monde Diplomatique) le réflexion suivante.

« L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre », rappelait Robert Schuman en annonçant, le 9 mai 1950, la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Quelques jours plus tôt, Jean Monnet lui avait soufflé un slogan : « Faire l’Europe, c’est faire la paix [1]. » La paix : aspiration des peuples meurtris par deux conflits mondiaux et menacés d’un troisième, elle justifia la construction du Marché commun. Puis elle fournit un argument décisif lorsqu’il fallut valider la monnaie unique par les urnes alors que les nationalismes embrasaient les Balkans. Peu avant le référendum sur le traité de Maastricht de septembre 1992, Jacques Delors prêchait ainsi : « On ne peut dire que “oui”, oui à la paix, oui à la compréhension entre les peuples » (L’Yonne républicaine, 24 août 1992). En 2005, les partisans de la Constitution européenne expliquèrent à nouveau : « Il nous est demandé de choisir entre la routine de la guerre et l’aventure de la paix [2]. »

Las ! Après les « non » français, néerlandais puis irlandais, l’heure aurait sonné, nous explique le journaliste Jean Quatremer, de remiser « cette vision du monde “woodstockienne” » au grenier des idées mortes. Pour secouer l’indolente populace européenne d’un souffle plus viril. « Et si Vladimir Poutine avait rendu un service à la construction européenne en envahissant la Géorgie ? », s’interroge-t-il dans Libération (9 septembre). Puisque rien ni personne n’est parvenu à cheviller l’amour de l’Union au corps des citoyens, « on peut se demander si un “ennemi” n’est pas la condition sine qua non, surtout pour une société européenne qui n’a même plus conscience du confort dans laquelle elle vit, pour qu’émergent une identité commune et un sentiment d’appartenance. » Lesquels tardent à se manifester.

« En clair, développe Quatremer, la guerre ou plutôt la possibilité d’une guerre est la condition pour que l’Union s’affirme selon les mêmes mécanismes qui ont permis aux Etats-nations de se construire. » Les affrontement dans le Caucase en offrent l’occasion, poursuit le correspondant de Libération à Bruxelles, bien en phase avec la ligne farouchement atlantiste de son journal. « Le choix qui se pose désormais à l’Union est brutal : la soumission ou l’affirmation de sa puissance militaire. »

Un demi-siècle après le traité de Rome, il ne s’agirait plus de faire l’Europe pour faire la paix. Mais de faire la guerre pour faire l’Europe.

Pierre Rimbert l08/10/2008

Le Monde diplomatique

Transmis par Linsay.


[1« Mémorandum Monnet » du 3 mai 1950

[2Philippe Val, Le Référendum des lâches, Le Cherche Midi, Paris, 2005, p. 113



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