Lili, boniche

mardi 21 avril 2009
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Les différentes mesures fiscales initiées tant sous le gouvernement Jospin que par la droite, et visant à favoriser l’emploi, permettent à quelques petits malins de s’offrir une domestique sans bourse déliée. En voici un exemple édifiant.

Jeunes cadres sortis du “Centre national d’études supérieures de sécurité sociale”, il travaille à l’Urssaf, tandis qu’elle occupe un emploi d’encadrement à la Caisse d’allocations familiales. Leur aisance financière, leur permet d’occuper un appartement de 120 m2 en centre ville. Un premier enfant naît de leur union en 2006 et un deuxième est attendu en octobre 2007. Monsieur, qui s’apprête à devenir sous directeur de la DRSM PACA [1] , n’a guère le temps de s’occuper de sa progéniture. C’est pourquoi, ils font appel à Lili [2] pour occuper un “poste d’emploi à caractère familial” visant à garder un, puis deux enfants à domicile. Le contrat de travail, signé le 16 juillet 2007, doit devenir effectif le 3 septembre. Il stipule que la salariée sera payée 6,50 € net par heure de travail effectif et cela pour une durée de 100 heures par mois, soit un salaire brut mensuel de 843 € 36, le salaire net étant de 650 €, somme déductible des impôts pour le couple d’employeurs. Il est à noter que Lili est rémunérée par chèque emploi de “la Page”, association liée à l’Urssaf dont Monsieur est un cadre dirigeant.

L’appartement est grand. Très grand. Et Madame reprend son travail sitôt achevé son congé maternité. De plus sa mère vient s’installer à la maison, très exigeante quant à son confort ménager. Elle demande à Lili d’abandonner ses différents employeurs (elle fait alors des ménages chez plusieurs particuliers) pour ne plus se consacrer qu’à ses deux enfants. Elle est, à partir de ce moment là, entièrement assujettie à cet unique employeur, contrainte, outre son activité de garde d’enfants, de faire le ménage, le repassage, les courses, la cuisine etc. Sans que n’ait lieu aucune modification de son contrat de travail, son temps d’activité bondit de 100 heures mensuelles à plus de 220. Alors que la “Page” continue de lui verser un salaire identique, celui-ci lui est complété par des sommes versées en liquide.
Une lettre manuscrite (cliquer sur les images pour les agrandir),

ni datée, ni signée, lui est alors transmise stipulant qu’elle doit effectuer 10 heures de travail par jour, 5 déclarées au Smic (6,50 €) et 5, non déclarées, à 8 € (voir tableau ci-après).

En outre, elle devra assurer l’entretien de la maison (120 m2) à raison d’une heure par jour. La missive s’achève par une promesse d’augmentation salariale, liée à la vente de l’appartement et à la promotion professionnelle de Monsieur. Lasse de ces “petits arrangements”, Lili réclame son dû. Le ton monte et les griefs s’accumulent, même si le couple cède en partie en acceptant au mois de juin 2008 de verser un salaire plus proche des heures effectivement travaillées. Mais ce recul un peu forcé ne passe pas.

Le 15 juillet, Lili reçoit une lettre recommandée l’invitant à un “entretien préalable à licenciement”.
Monsieur, très au fait de la convention collective des travailleurs à domicile (seule convention en deçà du code du travail), refuse à son employée d’être accompagnée lors de l’entretien, prétextant que son lieu de travail est aussi son domicile privé. Il ne s’agit plus alors que d’une simple formalité…

Sans préjuger des décisions du tribunal des Prud’hommes, les irrégularités sont multiples : heures supplémentaires non payées, congés payés non rémunérés, double fiche de paie pour les mois de mars, avril et mai 2008 etc. Lili a refusé de se laisser faire et a contacté la CGT, mais il est clair qu’elle n’est qu’un cas parmi tant d’autres.
Les mesures d’incitations fiscales font ainsi la démonstration que, loin de favoriser l’emploi, elles généralisent la précarité et le développement de la fraude. Ainsi, quelques cadres fortunés peuvent s’offrir des domestiques à bon marché, reliant avec un passé qu’on aurait aimé savoir à tout jamais disparu.

Lili se bat, et la CGT (à qui Lili s’est adressée) se bat à ses côtés. L’esclavage moderne ne passera pas par nous !


[1Direction Régionale de la Santé Médicale PACA

[2Les prénoms ont été modifiés



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