Pour la seconde indépendance

mercredi 25 avril 2012
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Du 12 au 14 avril s’est tenu à Cartagena en Colombie le VIe sommet des Amériques. La position ferme des états d’Amérique du sud et de Caraïbe change la donne et met un terme à la domination sans partage des états nord américains. C’est ce que souligne la déclaration du gouvernement révolutionnaire cubain que nous reproduisons dans son intégralité.

En Colombie, à Cartagena de Indias, il a été démontré qu’il existe un abîme croissant entre « Notre Amérique » dont rêvait José Marti et « le Nord convulsif et brutal qui nous méprise ».

Il s’est produit une rébellion de l’Amérique latine et de la Caraïbe contre l’imposition d’« un gouvernement et demi » qui opposait son veto impérial aux paragraphes du projet de Déclaration finale du dénommé Sommet des Amériques exigeant la levée du blocus et la fin de l’exclusion de Cuba des réunions continentales.

Depuis le précédent Sommet de 2009, dans la foulée des illusions suscitées par la politique du président Obama, une brèche s’est ouverte entre ses discours et ses actes, il n’y a pas eu avantage de changement dans la politique vis-à-vis de l’Amérique latine et la Caraïbe ; le blocus exercé contre Cuba a été maintenu et il s’est même durci dans le secteur financier en dépit de la condamnation internationale et du vote écrasant de l’Assemblée générale des Nations unies, dans le but de « provoquer la faim, le désespoir et la chute du gouvernement » ; ce qui à présent est connu comme un « changement de régime ».

L’ALBA s’est réunie le 4 février dernier à Caracas à l’occasion de l’anniversaire du Soulèvement civico-militaire héroïque de 1992, et elle a adopté une Déclaration sur la Souveraineté argentine sur les Malouines, une autre sur le blocus, et elle a qualifié d’injuste et inacceptable l’exclusion imposée de Cuba de ces rencontres. Le président Correa a fermement affirmé que si cette question n’était pas résolue, l’Équateur n’irait pas au Sommet de Cartagena, ce qui a secoué la région. Cette position courageuse a été le prélude à ce qui s’est passé.

Le président Raul Castro avait signalé à cette occasion : « Je tiens à vous remercier, en particulier le président Correa, le président Evo Morales, vous tous, pour ces déclarations. C’est une question de vitale importance et vous avez tout à fait raison. Nous n’avons jamais demandé l’adoption d’une mesure comme celle-ci, mais ce n’est pas pour autant que nous n’allons pas soutenir cette mesure que nous considérons comme très juste ».

Le président colombien Juan Manuel Santos, qui nous a rendu visite, d’une manière respectueuse, a reçu comme réponse du président Raul Castro Ruz que si Cuba était invitée au Sommet, elle y assisterait comme de coutume avec tout le respect et sans abandonner sa position traditionnelle d’attachement à la vérité et à sa politique extérieure de principes. Il a eu le mérite d’introduire directement la question du blocus et de l’exclusion de Cuba.

Le président bolivien Evo Morales, qui avait été le premier à remettre en cause ce Sommet à la réunion de l’ALBA tenue en février à Caracas, a livré bataille à Cartagena et a affirmé : « Nous vivons une étape de désintégration. Il est impossible qu’un pays puisse s’opposer à la présence de Cuba. Par conséquent il n’y a pas d’intégration, et avec l’absence de l’Équateur, une absence juste, en protestation contre le veto opposé par les États-Unis en ce qui concerne Cuba, de quelle d’intégration pouvons-nous parler ?

Le président Chavez, le 13 avril dernier, s’était exclamé :

« Maintenant, si vraiment ces deux gouvernements, les États-Unis et le Canada, refusent de discuter de sujets qui tiennent profondément à cœur à l’Amérique latine et la Caraïbe comme la question de Cuba, de la République sœur de Cuba, de la Cuba solidaire, ou de la question des Îles Malouines… Pourquoi tenir d’autres Sommets des Amériques ? Il faudrait en finir avec ces Sommets. Auparavant j’avais écrit : " Nous exigeons également la fin du blocus honteux et criminel que l’empire exerce depuis plus de 50 ans, avec cruauté et acharnement contre la République sœur de Cuba et contre le peuple héroïque de José Marti" ».

Daniel Ortega, lors d’un meeting de solidarité avec Cuba organisé par les jeunes au Nicaragua, le 14 avril à Managua, avait déclaré : « Je pense que le moment est venu pour le gouvernement des États-Unis d’écouter toutes les nations latino-américaines, aux idéologies les plus diverses, aux pensées politiques les plus diverses ; des pensées les plus conservatrices aux plus révolutionnaires ; et tout le monde s’accorde sur le fait que Cuba doit être présente à ces réunions, ou alors il n’y aura plus de ces Sommets dits des Amériques ».

La position unitaire et ferme de Notre Amérique par rapport au blocus, à l’exclusion de Cuba et aux Îles Malouines, a été impressionnante. Et la fermeté et la dignité de la présidente argentine dans la défense de ces causes a été essentielle.

Grande a été notre fierté de voir la présidente du Brésil, Dilma Rousseff souligner avec une dignité sereine devant Obama que la Grande Patrie ne peut être traitée que d’égal à égal, et confirmer la position commune de soutien à l’Argentine et à Cuba.

Les dirigeants des pays de la Caraïbe ont montré la solidité de la Communauté de la Caraïbe (Caricom), et que celle-ci et l’Amérique latine sont une et indivisibles. Leur défense de la souveraineté argentine sur les Malouines et leur traditionnel et ferme soutien à Cuba ont été très importants.

Les forces de gauche, les mouvements populaires, les organisations syndicales, juvéniles et étudiantes, ainsi que les organisations non gouvernementales réunis dans le cadre du Congrès des Peuples à Cartagena, ont exprimé leur émouvante solidarité à Cuba. La Réunion interparlementaire des Amériques a formellement condamné notre exclusion et le blocus exercé contre notre pays.

Les États-Unis ont sous-estimé le fait que, le 2 décembre 2011, à Caracas, année du Bicentenaire de l’indépendance, sous le leadership de Chavez, et le 55e anniversaire du Débarquement du yacht Granma, ont marqué la naissance de la Communauté des États d’Amérique latine et de la Caraïbe (CELAC), ce que le leader de la Révolution cubaine Fidel Castro avait anticipé en février 2010 en qualifiant cette organisation d’« événement institutionnel le plus important de notre continent au cours du dernier siècle ».

Lorsqu’au premier Sommet, Cuba a été élue à la présidence de la CELAC pour 2013, le général d’armée Raul Castro Ruz avait déclaré : « Avec les décisions que nous adopterons ici, et avec le travail conjoint des trois dernières années, nous revendiquons plus de deux siècles de luttes et d’espoirs. Nous avons dû consentir beaucoup d’efforts, mais aussi beaucoup de sang et de sacrifices pour arriver jusqu’ici. Les métropoles coloniales d’antan et les puissances impériales d’aujourd’hui se sont opposées à ce dessein ».

Obama ne semble pas non plus saisir la signification de la victoire bolivarienne du 13 avril 2002, ni du fait qu’aujourd’hui, précisément, nous commémorons le 10e anniversaire du coup d’État organisé contre le président Hugo Chavez par son prédécesseur, avec le soutien de l’OEA et du gouvernement espagnol d’Aznar, qui avait pour but de détruire la Révolution bolivarienne et d’assassiner son leader. Comme le lui a rappelé le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Nicolas Maduro, en le regardant dans les yeux, dans son mémorable discours au Sommet de Cartagena, le gouvernement des États-Unis persiste dans son entêtement à vouloir intervenir dans les affaires intérieures du Venezuela et à appuyer les putschistes aujourd’hui reconvertis en candidats aux élections.

Le président Obama devrait se rendre à l’évidence que le Sommet de Cartagena n’a pas été une occasion propice pour recommander la démocratie à Cuba. Et encore moins si l’orateur qui prétendait le faire s’est retrouvé complètement isolé, contraint d’exercer un veto impérial par manque d’idées et d’autorité politique et morale. Il se consacre à la démagogie, à l’approche d’élections scabreuses. Il ferait mieux de s’occuper de ses guerres, de sa crise et de sa politicaillerie, et de laisser aux Cubains le soin de s’occuper de leur pays.

Les États-Unis n’ont jamais voulu débattre sur les terribles conséquences du néolibéralisme en Amérique latine et dans la Caraïbe, ni sur la situation des immigrants aux États-Unis et en Europe, séparés de leurs familles, rapatriés cruellement ou assassinés au pied de murs comme celui du Rio Bravo. Il n’ont jamais accepté non plus de discuter des pauvres, qui représentent la moitié de l’Humanité.

L’empire et les anciennes métropoles coloniales font la sourde oreille aux revendications des « indignés », à celles de leurs citoyens et des minorités qui vivent dans la pauvreté dans ces sociétés opulentes, tandis qu’ils n’hésitent pas à payer des sommes exorbitantes pour sauver des banquiers corrompus et des spéculateurs. Dans la superpuissance, 10% des familles concentrent 80% des richesses. Ces ressources suffiraient à résoudre les problèmes de la planète.

La nouveauté à Cartagena, c’est qu’une bonne partie des gouvernements, avec leurs différences naturelles et chacun avec son point de vue, ont demandé un modèle alternatif qui privilégie la solidarité et la complémentarité face à la concurrence basée sur l’égoïsme ; qui favorise l’harmonie avec la nature et non pas le pillage des ressources naturelles, ni le consumérisme effréné. Ils ont demandé que soit préservée la diversité culturelle et qu’on ne cherche pas à nous imposer des valeurs et des styles de vie étrangers à nos peuples ; ils se sont prononcés pour la consolidation de la paix et contre les guerres et la militarisation.

Ils ont appelé à recouvrer la condition humaine de nos sociétés et à construire un monde où la pluralité d’idées et de modèles soit reconnue, un monde axé sur la participation démocratique de la société dans les affaires du gouvernement, y compris la consultation des politiques économiques et monétaires ; ils ont appelé à combattre l’analphabétisme, la mortalité infantile et maternelle, les maladies curables. Nos pays se sont également prononcés pour l’accès à une information libre et fiable, mais aussi à l’eau potable. Ils ont reconnu qu’il existe une exclusion sociale et que les droits humains sont valables pour tous les êtres humains et ne doivent pas servir d’arme politique aux puissants.

Cette fois, le gouvernement des États-Unis a été contraint d’écouter non pas une voix presque unique comme cela a été le cas pendant des décennies, ni celle d’une faible minorité comme jusqu’à il n’y a pas longtemps. À présent ce sont la majorité des peuples qui se sont exprimés par la voix de leurs présidents et de leurs chefs de délégations pour donner lieu à ce débat indispensable, ou à travers l’attitude de ceux qui étaient absents. Et le Sommet a dû être censuré parce que l’empire a fait la sourde oreille.

Ce Sommet de Cartagena a mis à nu la doctrine Monroe de « l’Amérique aux Américains » (du Nord). Comme si personne ne se souvenait de la duperie de l’Alliance pour le Progrès, en 1961, et de l’Initiative pour les Amériques ou ZLEA, en 1994 ; ils ont maintenant voulu nous faire avaler la pilule de l’ « Alliance égalitaire ».

Comme l’avait souligné le commandant Fidel Castro lors d’une rencontre internationale dans cette même ville de Cartagena, les dénommés Sommets des Amérique n’ont profité qu’au Nord.

José Marti, faisant le bilan d’une réunion semblable tenue il y a 105 ans à Washington, signalait : « Après avoir examiné et jugé les antécédents, les causes et les facteurs de l’invitation, il est urgent de dire, parce que c’est la vérité, que l’heure est venue pour l’Amérique espagnole de déclarer sa seconde indépendance ».

Pendant le Sommet de Cartagena, l’ALBA a annoncé officiellement et publiquement que si un changement radical n’intervenait pas dans la nature de ces Sommets, elle n’y assisterait plus. D’autres dirigeants continentaux ont aussi envoyé une mise en garde dans ce sens.

De l’OEA, ce cadavre sans sépulture, cela ne vaut pas la peine d’en parler.

La République argentine doit exercer son droit inaliénable de souveraineté sur les Îles Malouines, Georgie du Sud et Sandwich du Sud et sur les espaces maritimes environnants.

Cuba rappelle que la Grande Patrie ne sera pas complète tant que le peuple frère portoricain n’exercera pas son droit inaliénable à l’autodétermination, et tant que Porto Rico, cette nation latino-américaine et caribéenne soumise par les États-Unis au colonialisme, n’aura pas obtenu sa pleine indépendance.

Avec un solide consensus de souveraineté régionale et pour la défense de notre culture, dans notre riche diversité culturelle ; avec presque 600 millions d’habitants ; avec d’énormes ressources naturelles, Notre Amérique a une occasion de résoudre les graves problèmes d’extrême inégalité dans la distribution des ressources et peut, avec sa force déjà évidente, contribuer à l’ « équilibre du monde », à la défense de la paix et à la préservation de l’espèce humaine.

Pour ce faire, face aux tentatives pour nous diviser et nous écarter de notre route, notre région doit rester unie.

Que personne n’oublie dans le Nord, qu’il y a 51 ans, le peuple cubain défendait déjà, à cette même époque, une Révolution socialiste sur les sables ensanglantés de Playa Giron, et que depuis lors, « tous les peuples d’Amérique furent un peu plus libres ».

La Havane, le 18 avril 2012

Source Granma le 19/04/2012

Transmis par Linsay



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