De la truelle à la scène : vivre pour des idées

mardi 13 octobre 2015
par  Charles Hoareau
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Son nom ne dira peut-être rien à de jeunes lecteurs mais il en est autre chose pour nombre de militants plus anciens. Celui qui chantait « mourir pour des idées ce n’est qu’un accident » en conclusion de sa chanson « VIVRE POUR DES IDEES » sur la lutte sous Franco était un chanteur à part. A part du show-business bien sûr et à part par l’itinéraire de sa vie. Comme il le disait l’une des rares fois où il s’exprimait à la télévision, ses parents avaient fait toute la guerre d’Espagne et n’en étaient partis contraints et forcés qu’une fois vaincus.

Arrivé en France à 7 ans, il apprit à lire et à écrire et plus tard le métier de maçon qu’il exerça. Il raconte que c’est sa sœur qui le poussa à chanter sur scène les textes qu’il écrivait tout seul chez lui sur des cahiers d’écoliers. Si « Pour une amourette » l’a fait connaître cela ne peut occulter les autres titres hérités de son histoire comme il le dira lui-même « on ne peut pas oublier que vos parents ont pris devant vous le fusil pour vous défendre. » Cette fidélité à l’engagement familial, à la lutte contre les injustices, au fait d’avoir « fait parfois des concessions, mais jamais de compromis » marquera toute sa vie ses rapports au métier et aux médias.

Invité d’une émission de Philippe Bouvard, la coqueluche du Figaro, qui avait trouvé judicieux de faire une émission de variétés dans le restaurant de luxe « Chez Maxim’s » il ne se démonta pas. (extrait)
Bouvard « Lény Escudéro vous chez Maxim’s c’est une surprise ?
- Mais ce n’est pas la 1re fois que je viens !
- Ah oui ?
- Oui j’étais encore maçon et, à la pause midi, pendant qu’un de mes collègues occupait le singe qui est devant l’entrée, je suis rentré en bleu de travail pour demander si on pouvait me chauffer ma gamelle et je peux vous dire qu’ici on ne fait pas chauffer les gamelles ! »
Rires gênés.
Bouvard essaie de se reprendre.
« Si vous aviez des choses à dire aux riches qu’est-ce que vous leur diriez ?
- Je leur dirais qu’ils essaient avec tout leur argent de pisser pendant deux heures… »

Plus de rire il est temps qu’il aille chanter et il entame alors « L’an 3000 ».
« ça se passe en l’an 3000, sur terre, notre paradis (…)
Dis-moi comment c’était un arbre
Etait-ce en pierre ou bien en marbre »
.

Applaudissements polis des convives pas encore remis de ses deux répliques qui tranchent si fort avec le lieu

Le succès ne lui est jamais monté à la tête ni ne lui a fait perdre de vue ce qui lui semblait important.

Lény qui était capable de refuser des galas lucratifs pour aller construire un hôpital au Dahomey ou une émission de télévision pour soutenir une grève des caméramans, ne cherchera pas non plus à surfer sur le succès de son tube « Pour une amourette » mais choisit de partir pour l’Amérique du Sud, puis entreprend un tour du monde qui durera cinq ans avec femme et enfants, d’abord avec ses droits d’auteur, puis comme un routard. « C’est sûr que pour faire carrière, admettait-il, je ne suis pas quelqu’un de très prudent ».
Il ajoutait « Je ne passe pas vraiment à la radio, puisque je ne fais pas des chansons qu’on appelle formatées. Elles durent parfois six ou huit minutes, ça bouffe la pub ». Il reçoit pourtant le prestigieux prix de l’Académie Charles Cros. Toute sa vie il restera un ouvrier dans l’âme et le revendiquera. Ce qui faisait que nous nous reconnaissions en lui et dans nombre de ses textes. Pêle-mêle et sans pouvoir tout citer d’un auteur qui a écrit et publié près de 140 chansons :
« Fils d’assassin »« coupez moi les mains de futur assassin ».
« Vivre pour des idées »… « je sais lire et écrire et mon père est vivant. »
« Il va mourir le bohémien »… « mais citadins dormez tranquilles, sa mort n’est pas sur le chemin… »
La grande farce

Il avait été régulièrement présent à la fête de l’Huma, en mettant sa notoriété d’artiste au service du stand de section qui l’invitait et s’était même fait invité surprise du centenaire du journal.

Il nous reste ses musiques et les deux livres de son autobiographie : « Ma vie n’a pas commencé » et « Le début... la suite... la fin. »

De la truelle à la scène à la truelle il est resté le fils de républicains espagnols se battant pour la liberté et contre toutes les injustices.

Leny avait raison, vieillir n’est pas toujours un naufrage, lui qui disait encore récemment "je ne changerais pas un seul souvenir d’enfant pauvre contre tous les souvenirs d’enfant riche"

Demain



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