L’Etat de droit

jeudi 1er février 2007
par  Charles Hoareau
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Ainsi donc il s’est trouvé un juge (un conseiller exactement) pour casser l’arrêt de la cour d’appel d’Aix qui avait donné raison aux 35 chômeurs recalculés marseillais.

Près de 60 pages de conclusion, des centaines de pièces, des milliers de pages de documents annexes, bref un dossier énorme pour un procès hors du commun qui au final avait abouti à ce que plus d’un million de chômeurs retrouvent leurs droits, un procès qui avait donné à tout un pays le sentiment que la justice peut être juste, tout cela balayé par 7 lignes, 7 misérables lignes qui se résument en une phrase « le PARE ne contenait aucun engagement de l’ASSEDIC de verser une allocation de retour à l’emploi pour une durée et un montant déterminé »

Circulez y a rien à voir !

-  Pas un engagement les notifications de droits que reçoivent les chômeurs à leur inscription après vérification qu’ils remplissent bien les conditions nécessaires ?
-  Pas un engagement alors qu’il y a obligation pour le salarié de souscrire à une assurance chômage, encadrée par l’Etat, et destinée à garantir un revenu de remplacement selon les termes même du code du travail ?
-  Pas un engagement le PARE imposé à chaque chômeur malgré un procès fait par ceux-ci dès sa mise en place en 2001 ?
-  Pas un engagement le courrier envoyé par l’ASSEDIC à Jean Michel (l’un des 35) qui disait en substance : en cas de création d’entreprise vous pourrez compter sur une allocation constante versée pendant toute la durée de vos droits et qui avait cru à cette phrase ?
-  Pas un engagement le document ASSEDIC intitulé : « Nous nous engageons, vous vous engagez ?...et on pourrait allonger la liste sur des dizaines de pages

Selon que vous serez puissants ou misérables les jugements de cour vous rendront blanc ou noir !!!

Car c’est bien là le fond du problème, il n’était pas question pour le MEDEF et le gouvernement de laisser le pot de terre gagner contre le pot de fer. J’entends encore la question d’un journaliste : « Vous croyez que c’est un jugement politique ? ». Je vois encore la moue d’un autre à qui je disais : « Avec ce jugement on n’est pas dans un état de droit mais dans un état de droite ! »

Evidemment que la décision est éminemment politique ! Se rappelle-t-on qu’un des (nombreux) arguments des juges du TGI avait été de dire que les chômeurs n’avaient pas à faire les frais d’une « volonté délibérée de l’UNEDIC d’organiser elle même son propre déficit » ? Et comment expliquer que le représentant d’un Etat qui a pris par décret, suite au procès, la décision de rétablir les chômeurs dans leurs droits vienne ensuite dire devant la cour de cassation que l’UNEDIC avait eu raison ?
Le MEDEF va-t-il maintenant demander au gouvernement de revenir sur sa décision - ce serait dans la logique de la décision de la cour de cassation - et exiger du million de chômeurs qu’ils rendent à l’UNEDIC les indemnités reçues ?

Et maintenant ?

Quelles sont les conséquences de cette décision d’injustice, de cette insulte faite au peuple de France ?

-  Pour les 35 : on est revenu au jugement du 15 avril 2004 au TGI. L’ASSEDIC a 4 mois pour faire appel devant la cour d’appel de Lyon. [1] Si elle le fait elle pourra alors exiger le remboursement des 1000€ de dommages et intérêts et des frais d’avocats. Aura-t-elle le culot de le faire ? Nous verrons bien mais nous n’attendrons pas l’arme au pied !!

-  Pour ceux qui attendent le procès d’appel : [2] l’UNEDIC va s’appuyer sur cet arrêt pour obtenir le remboursement des dommages et intérêts là où ils ont été obtenus. Les juges suivront-ils l’arrêt ? En théorie rien ne les y oblige... C’est une question d’indépendance... puisque le juge est souverain. Résisteront-ils ?

-  Pour tous les autres : La décision est « apparemment » sans conséquence. La décision gouvernementale tient.

-  Pour chacun de nous : C’est là que le « apparemment » est important. Contrairement à ce que déclare l’UNEDIC la décision de la cour de cassation n’est pas que « symbolique ». Elle dit clairement que l’UNEDIC peut à tout moment changer la règle du jeu, puisque « elle n’a aucun engagement » malgré tous les écrits qu’elle produit disant l’inverse.
Par extension demain une compagnie d’assurance pour un contrat d’assurance vie, une banque pour l’achat d’une maison, une caisse de retraite... peut à tout moment changer la règle du jeu et nous n’aurons pas le droit de contester !!!

C’est le retour à la rétroactivité de Pétain !

Quand on voit comment gouvernement et MEDEF ne supportent aujourd’hui plus aucun frein à la recherche effrénée de profits on comprend ce que cette décision veut dire. Dans un pays où le gouvernement est prêt à laisser faire et justifier au nom de la compétitivité des délocalisations d’entreprises qui font d’énormes bénéfices et où le coût de la main d’œuvre représente 8% du produit fini [3] on comprend la portée d’une telle décision.

La France on le sait peu est recordman du monde de la productivité. Avec cette décision elle devient lanterne rouge du droit européen où la notion de sécurité juridique s’est imposée.

Il ne nous reste plus qu’à saisir la commission des droits de l’homme de l’ONU où la France s’illustre régulièrement en stigmatisant la politique bananière de dictateurs africains qu’elle soutient par ailleurs.

Je les entends rire d’ici...


[1Ironie ou choix délibéré c’est le seul endroit de France où l’ASSEDIC n’a pas fait appel du jugement la condamnant en 1re instance et donnant raison à 53 chômeurs.

[2Plus de 300 à Bordeaux, 76 à Narbonne, des milliers à travers la France

[3A Fralieb en lutte pour sauver les emplois le coût de la main d’œuvre représente 14cts pour un paquet de thé vendu 2,30€ ! Evidemment on pourrait multiplier les exemples !



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jeudi 1er février 2007 à 21h05 - par  AUBERT
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jeudi 1er février 2007 à 19h28 - par  Charles Hoareau
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