Regards d’Europe septembre 2007

mercredi 19 septembre 2007
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LA POSTE EN DANGER

En octobre 2006, la Commission européenne a proposé la libéralisation complète des services postaux de l’Union européenne à l’horizon 2009 ainsi que l’abolition des domaines réservés dans tous les Etats membres. La présidence allemande (pendant le premier semestre 2007) n’avait pas réussi à dégager un accord comme le soulignait « Le Monde » du 7 juin 2007 : « Angel Merkel espérait un compromis européen d’ici fin juin, afin de rassurer son allié social-démocrate dans la perspective d’une libéralisation anticipée au 1er janvier 2008. Sans obtenir gain de cause, le SPD exigeait de conditionner cette échéance à une ouverture rapide dans les autres pays de l’Union ». La position du SPD en faveur de la libéralisation a été relayée au Parlement européen par les groupes socialiste, démocrate-chrétien et libéral qui ont fait adopter en session plénière le 10 juillet (par 512 voix contre 155 et 3 abstentions) un rapport favorable à la libéralisation totale du marché au 31 décembre 2010. Un report de deux ans par rapport à la proposition initiale de la Commission mais une confirmation de la libéralisation totale. Avec toutefois des dérogations autorisant le maintien du monopole d’ici 2013 pour des pays ayant des difficultés topographiques particulières comme la Grèce et pour les Etats adhérents à l’Union européenne après 2012. La mobilisation des salariés (grèves et journées d’action) et des usagers (la pétition sosposte.eu a obtenu plus de 120.000 signatures sur le plan européen) a permis d’obtenir un délai mais n’a pas réussi à faire échec à la directive.

Une question mérite d’être posée : si cette mobilisation s’était développée dès le début de l’ouverture à la concurrence des services postaux, n’aurait-elle pas permis d’empêcher que le processus de libéralisation aille jusqu’à son terme ? En effet, la directive actuellement en discussion n’est que l’aboutissement d’un long processus qui a démarré en décembre 1997 avec la directive 97/67/CE qui limitait les domaines réservés : d’abord les plis d’un poids inférieur à 350 g ramené à 100 g en 2002. Dès cette époque, la présidence irlandaise déclarait que la directive constituait « un jalon sur la voie de la libéralisation totale ». De 1997 à 2002, la mobilisation des organisations syndicales françaises a manqué de la puissance nécessaire, en raison notamment de l’appui du gouvernement de la gauche plurielle aux directives ouvrant le secteur postal à la concurrence qui ont entraîné la perte de plus de 200.000 emplois en Europe ces dix dernières années. Le rouleau compresseur de la déréglementation s’est engouffré dans la brèche sans véritable résistance. En 2006, le domaine réservé a été ramené au courrier inférieur à 50 g. Aujourd’hui, les grandes entreprises postales,
qui lorgnent sur un marché européen de 90 milliards d’euros, veulent faire sauter le dernier verrou en supprimant le domaine réservé en-dessous de 50 g qui représente encore la moitié du courrier. Dans de nombreux pays, les entreprises ont obtenu des gouvernements d’accélérer le mouvement de déréglementation bien au-delà de ce que prévoyait la directive (Grande-Bretagne, Finlande, Suède). Parallèlement, la privatisation des postes a gagné du terrain dans l’Union européenne ; les postes allemande, autrichienne et néerlandaise sont cotées en Bourse. La Belgique et le Danemark ont fait appel à des fonds d’investissement. La Commission européenne s’est appuyée sur cette déréglementation - privatisation pour prolonger et proposer la libéralisation totale du secteur.

Aujourd’hui, où en est-on ? Après le vote du Parlement européen le 10 juillet, la balle est maintenant dans le camp des gouvernements puisqu’il revient au Conseil des Ministres des 27 d’examiner le 1er octobre la proposition de directive et les amendements parlementaires. La présidence portugaise a présenté le 5 septembre aux délégations nationales un compromis reprenant l’essentiel des amendements du Parlement européen.

Les actions et les interventions des salariés et des usagers peuvent encore, à condition d’avoir l’ampleur suffisante, empêcher un accord au Conseil en montrant notamment que la mise en oeuvre de cette directive aurait de graves conséquences économiques et sociales : importantes suppressions d’emplois et leur précarisation, pression renforcée sur les salaires et casse des statuts, détérioration des conditions de travail, accélération des fermetures de bureaux de poste (déjà bien engagées) [1]. avec de graves répercussions sur l’aménagement du territoire, dégradation de la qualité des services aux usagers et augmentation des tarifs (en Suède, la baisse des prix n’a profité qu’aux grandes entreprises). La mobilisation doit reprendre pour exiger le retrait définitif de la directive. C’est possible si le gouvernement français lui oppose un veto.


PROGRESSION DES ACTES RACISTES

Créée le 1er mars 2007, l’Agence européenne des droits fondamentaux, qui a son siège à Vienne en Autriche, a présenté son rapport sur les phénomènes racistes dans l’Union européenne.

D’après ce rapport, les crimes racistes ont progressé au cours des six dernières années dans au moins 8 des 27 Etats membres de l’Union européenne, dont la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Pologne. « Il y a de nombreuses preuves selon lesquelles la violence raciste et les discriminations perdurent et même augmentent dans une partie de l’Europe », a dénoncé Anastasia Crickley, présidente du conseil d’administration de l’Agence. D’après le rapport, la discrimination raciale dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et du logement constituent un problème sérieux dans de nombreux pays.

Malgré la montée de ces actes racistes, de nombreux pays n’ont pas encore pris de mesures législatives ou pénales, ni même désigné d’organismes spécialisés pour analyser et lutter contre le fléau du racisme. Certains pays se sont même abstenus de publier des données pour l’année 2005-2006 (dont l’Espagne, l’Italie et le Portugal) sur l’évolution des phénomènes racistes. D’autres n’appliquent pas de sanctions ou se contentent de sanctions sporadiques ou légères, donc peu dissuasives. Le rapport est actuellement soumis à la discussion des parlementaires européens qui peuvent donc être saisis par les associations antiracistes et de défense des droits de l’homme.


TOUJOURS PAS DE SALAIRE MINIMUM DANS TOUTE L’UNION EUROPEENNE

« L’Europe sociale », dont se gargarisent de nombreux dirigeants politiques et syndicaux, n’a même pas réussi à accoucher d’un salaire minimum garanti dans tous les Etats membres de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de la fixation d’un salaire minimum européen qui serait le plus petit dénominateur commun et contribuerait à tirer toutes les rémunérations vers le bas. Chaque Etat devrait fixer un salaire minimum et en garantir le montant en fonction du coût de la vie et des besoins des salariés.

On en est loin puisque de nombreux Etats ne disposent pas de ce salaire minimum. La dernière tentative pour le fixer a échoué en Allemagne en juin 2007 ; les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates qui participent au gouvernement Merkel n’ont pas réussi à trouver un accord sur un salaire minimum généralisé alors que les « travailleurs pauvres » sont de plus en plus nombreux malgré une croissance soutenue.

Avec l’Allemagne, six pays de l’Union européenne n’ont pas de salaire minimum : Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède. L’existence de salaires minima n’empêche pas les fortes disparités entre pays : 92 euros en Bulgarie et 1570 au Luxembourg, soit un écart de 1 à 17. Mais, si les chiffres sont exprimés en standard de pouvoir d’achat afin de tenir compte du coût de la vie, les écarts se réduisent de 1 à 7. A titre de comparaison, le salaire minimum aux Etats-Unis est de 676 euros par mois. Il existe aussi des disparités selon le pourcentage de salariés au SMIC : c’est en France et en Bulgarie que l’on trouve le plus fort pourcentage, soit 16%, alors que dans d’autres pays comme l’Espagne ou la Grande-Bretagne le pourcentage est inférieur à 3%.

Bien entendu, le combat ne doit pas se mener exclusivement pour la fixation d’un salaire minimum dans tous les Etats membres. Il doit également -et prioritairement-avoir pour objectifs la revalorisation des salaires et l’augmentation du pouvoir d’achat ainsi que la mise en échec de toutes les tentatives, nationales et communautaires, pour faire baisser le niveau des salaires au nom de la lutte contre l’inflation et de la rentabilité des entreprises.

Jean-Paul Le Marec


[1En Grande-Bretagne, dans certaines communes, les guichets de poste sont gérés par des églises



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