Les mots écrits de la liberté

mercredi 31 janvier 2007
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Petite devinette : Qu’y a-t-il entre la soumission à une soi-disant fatalité et l’accompagnement de ses conséquences et la résistance radicale et argumentée à cette même « fatalité » ?

Entre la soumission et la résistance, il y a le projet politique, la volonté politique, le courage politique.
Mais de quoi puis-je bien parler car la soumission à une « fatalité » peut concerner malheureusement de nombreux champs ?

Je parle de ce qui nous fonde en tant que peuple.
Je parle de ce qui fonde la culture, la civilisation même.
Je parle de ce que certains ont instrumentalisé, vidé peu à peu de son intérêt et de son sens pour mieux le condamner à disparaître aujourd’hui.

Je parle de ce qui pourrait sauver le monde plus sûrement que le progrès technique, je parle de la littérature.
Ah , la belle affaire ! J’entends déjà les quolibets condescendants de ceux qui renient parfois ce qui les a instruits et, au plus haut niveau, mais qu’ils récusent pour les autres. Vous les connaissez aussi bien que moi, ces normaliens et autres énarques qui pérorent, arrogants, et distillent un mépris mondain et hypocrite pour les filières, les contenus et les écoles qui leur ont fourni les bases de l’ accès aux postes de pouvoir.

La littérature ne serait plus adaptée à notre société, à notre jeunesse, aux besoins du marché de l’emploi ou des marchés tout court ! Tiens donc, maintenant que je sais nager, je ferme les piscines et je vous propose, soit de rester loin des côtes et de ses horizons ou de vous jeter à l’eau, mais seulement dans des pédiluves où vous ne risquerez pas la noyade !

Loin de moi de prôner un élitisme réactionnaire et égoïste, non ! Il s’agit seulement d’offrir le meilleur aux enfants, aux jeunes, de ne leur interdire aucune voie, surtout pas celle de l’émancipation qui passe, n’en déplaise aux briseurs de rêve et aux statisticiens des esprits prosternés devant leurs calculettes, par la littérature, les arts et la philosophie.

Vous vous demandez peut-être quelle mouche m’a piquée pour que je me mette ainsi en colère ?

Seulement un coup de plus, après ceux portés aux associations ou institutions culturelles, à l’édition, aux libraires ou aux artistes, aux intermittents et autres statuts refusés aux créateurs.

Il s’agit aujourd’hui d’un rapport de l’Inspection Générale qui constate, fatalitas, que la filière littéraire de l’enseignement secondaire est en voie d’extinction.

Alors la Maison des écrivains a lancé un appel qui pose par exemple cette question : « Aucun ministre de l’Education Nationale ne s’est jusqu’ici avisé de requalifier cette filière. Fatalité ou volonté délibérée de la laisser disparaître ? »

Et que l’on ne renvoie pas ses signataires à un repli frileux sur une langue quand cet appel poursuit :
« Dans l’état présent : quasi plus de littérature et civilisation en langues étrangères. Pas de traduction, réputée impure, ou alors en échantillon, en un temps où l’on se réclame de l’Europe à tous coins de rues ! Comment affronter le renouvellement générationnel et les exigences de l’intégration, initier aux circulations métissées du monde en restant étanche aux oeuvres de l’imagination et des idées venues d’ailleurs. En fossilisant programmes et pédagogie de la littérature face aux mutations des outils modernes. En laissant se dévaluer une formation intellectuelle et artistique, indispensable dans tous les champs de l’activité sociale.

Est-il encore temps de crier au scandale devant l’impéritie ? D’affirmer que l’enfant, héritier légitime du patrimoine artistique et acteur vivant de sa propre culture, se nourrit autant aux Å“uvres de l’art et de l’esprit qu’aux sciences réputées exactes et aux savoir-faire techniques . Que la littérature n’est pas une « discipline » parmi d’autres.

L’art littéraire est irréductible aux autres. Il est par essence l’espace critique où la langue travaille, en pensée et en imaginaire, où fermentent les réalités et les utopies, sans lesquelles aucune société n’est viable. Face aux fanatismes, croyances irrationnelles et dérives idéologiques qui feront le lit des horreurs de demain, la transmission du capital intellectuel et artistique de la littérature est une affaire de vie ou de mort. »

Vous pouvez lire ce texte, signer la pétition sur le site de « La Maison des écrivains ».



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