Le bras de fer

dimanche 23 octobre 2005
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C’est un véritable bras de fer qui est engagé par celles

et ceux qui sont en grève aujourd’hui pour l’emploi et les services publics, mais à travers eux, par le pays tout entier pour défendre les conceptions mises en place à la Libération.
Protection sociale et services publics sont dans le collimateur du MEDEF et du gouvernement non pas pour des raisons de faillite de l’économie française (on ne redira jamais assez que la France est un pays où, tous les 40 ans, la richesse double) ou même de difficultés temporaires, mais parce que par essence ces deux notions sont anticapitalistes puisque dégagées de la notion de profit et de rentabilité.

Prétendre, au lendemain des journées des 15 et 20 octobre, tirer les leçons des conflits en cours serait prématuré. De plus - et ce rappel paraît particulièrement nécessaire en ce moment - c’est d’abord aux organisations syndicales qu’il appartient de s’exprimer sur le sujet, en particulier sur la stratégie syndicale à adopter. Il semble évident que la généralisation du conflit dans les services publics aurait aidé à gagner à la SNCM. La CGT au plan national pouvait-elle faire mieux pour cette généralisation ? L’a-t-elle voulue ? Ce débat appartient aux syndiqué-e-s.

Cependant quelques éléments des conflits, pour les enseignements politiques qu’ils comportent, nous semblent nécessaires à mettre en débat.

Que les salariés se mettent à vouloir donner leur avis sur la gestion de leur entreprise est insupportable. Il n’y a qu’à entendre les propos de Gaudin ou de la direction de la RTM sur la prétendue illégitimité d’une grève « politique » pour s’en convaincre.

Oui, la grève de la RTM, comme celles du Port autonome ou de la SNCM, est une grève politique dans le sens où elle est une réponse à une politique de gestion de l’Etat qui va à l’encontre des intérêts des salariés, des usagers et du peuple.
Oui les luttes à ST Micro, à Nestlé, à Lustucru sont aussi des grèves politiques parce qu’elle s’opposent à des choix de gestion.
Les tenants de la « pensée unique » espèrent affaiblir le mouvement en agitant le spectre de la politisation des luttes. Ils pensent pouvoir encore convaincre, les millions de citoyens qui ont dit NON le 29 Mai à la Constitution Européenne, que leurs choix économiques sont dénués de sens politique !

Le battage médiatique organisé contre les syndicats qui luttent aux côtés des salariés, en premier lieu contre la CGT, met à nouveau en lumière le rôle d’une grande majorité de Medias dans la« guerre idéologique » qui est livrée à tous ceux qui contestent leurs choix.

- La grève sur le port aurait mis en danger 40 000 emplois : tiens donc n’est-ce pas les mêmes qui nous traitaient de ringards quand nous disions que ce dernier est le poumon de la ville et du département ?

- On nous agite le spectre de la prise en otage des marseillais. Mais qui les prend en otage ? Ceux qui mettent en avant des projets qui vont à l’encontre de l’intérêt général où celles et ceux qui sont prêts à perdre une part de leur seule richesse à savoir leur salaire pour défendre le bien public ?

- La presse, qui n’a décidément pas tiré les leçons du discrédit de sa campagne pour le OUI au référendum, a utilisé tous les arguments possibles et imaginables. De l’affrontement interne dans la CGT, jusqu’à l’accusation grave de vol portée contre le syndicat des marins lui-même, en passant par des considérations fumeuses qui n’ont de sociologiques que le nom.

Combien de gens croisés, dans la rue, en particulier des auditeurs du service public, nous ont dit leur dégoût de la campagne de presse actuelle ?

La droite aux affaires est à l’offensive et l’on observe, au passage, qu’il lui arrive de s’appuyer sur des dispositions prises par l’ancien gouvernement qu’il s’agisse des directives européennes transposées sur les transports et l’énergie ou du processus de « décentralisation ».

De ce point de vue il est cocasse de voir François Hollande signer un appel contre la privatisation d’EDF alors que c’est son parti au pouvoir qui en est à l’origine.

Pour être crédible, porteuse d’espoir et de perspective, la gauche ne peut s’en tenir aux vÅ“ux pieux sur le mode « il ne faut plus décevoir ». Elle doit faire l’analyse de ses erreurs passées et dire en quoi concrètement elle s’engage à ne plus décevoir.
Si nul ne nie la nécessité d’étapes, les demi-mesures prises par le passé sont à bannir. Une union qui se proclame de gauche doit concrètement tourner le dos au capitalisme et s’engager sans ambiguïté, dans le sens du progrès social.. Pour ne prendre que quelques exemples :

- Un gouvernement de gauche s’affranchira-t-il des règles de Bruxelles et, par exemple, abrogera-t-il la loi Joxe véritable coup de poignard dans le dos de la SNCM pour ne prendre qu’elle ?

- Ira-t-il dans le sens de renationaliser tout ce que le gouvernement Jospin a privatisé ? Abandonnera-t-il la notion de mixité public privé, qui a permis de faire rentrer le loup dans la bergerie en donnant les moyens au capital de s’imposer par étape jusqu’à faire disparaître toute notion de service ?

- Devant de nouveaux Danone ou Michelin prétendra-t-il être impuissant comme par le passé ou fera-t-il preuve de fermeté quitte à confisquer les entreprises de ceux qui veulent les fermer ? L’exemple du Venezuela nous montre que c’est possible...

- Dans le domaine du logement, prendra-t-il de vraies mesures, en abrogeant par exemple la loi Barre (loi qui a supprimé l’aide à la pierre et fait ainsi grimper le prix des logements sociaux) ou en appliquant enfin les réquisitions nécessaires ?

- Il devra aussi abroger la CSG et moderniser le financement de la sécu pour qu’elle ne soit plus déficitaire et couvre tous les besoins de santé.

Faute de répondre précisément à ces questions la gauche ne retrouvera pas la crédibilité qui lui manque et les prochaines échéances électorales ne feront pas reculer les millions de refus de votes.
Dans le spectacle pitoyable donné par tous ceux et celles qui rêvent de participer à la course à la présidentielle - comme si c’était la préoccupation première de notre peuple - si la question du contenu du changement n’est pas clairement exposée c’est bien la droite et pire un Le Pen même vieillissant qui risquent de gérer demain les affaires du Peuple.

Si Rouges Vifs n’avait qu’une seule justification à son existence ce serait bien celle de peser sur le contenu du rassemblement nécessaire pour et avec celles et ceux qui souffrent et veulent en finir avec ce système.



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