ANSELM JAPPE : LE CAPITALISME A DEJA ECHOUE

samedi 2 octobre 2010
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Quand on lui demande pourquoi il n’est pas très connu en France, Anselm Jappe s’excuse pour son mauvais français, il est d’origine allemande, il a grandi en Allemagne et dès le lycée, il a eu une double formation intellectuelle, marxiste ( il a commencé à s’intéresser à la théorie de Marx très tôt, et aussi à l’école de Francfort, Marcuse et Adorno ), et de l’autre côté anarchiste, ce qui, dit-il, « m’a toujours évité de tomber dans l’admiration de l’Union soviétique, de la Chine, de Cuba... »

UNE FORMATION MARXISTE

Il considère que son approche était centrée sur l’oeuvre de Marx, éloignée du marxisme traditionnel au sens politique du terme.
« J’avais été, précise-t-il, dès le lycée en contact avec la théorie situationniste, à l’époque particulièrement méconnue en Allemagne, mais j’avais une amie qui animait un groupe pro-situ en Allemagne, qui m’avait fait connaître les idées situationnistes qui, d’ailleurs, étaient très choquantes pour quelqu’un de la nouvelle gauche de l’époque.
« Par la suite, je suis allé en Italie faire une maîtrise, puis un doctorat en France, toujours en philosophie. Ma formation est totalement autodidacte, je n’ai pas du tout l’esprit universitaire, j’ai toujours présenté comme cela mes travaux aux professeurs, « Si cela va tant mieux », j’ai appris au fil des lectures et des rencontres, pas dans le cadre d’une carrière universitaire...
« J’étais à cette époque principalement intéressé par ce que l’on appelle le marxisme occidental, c’est-à-dire Adorno, Marcuse et l’école de Francfort, mais aussi Georg Luckacs et son livre « Histoire et Conscience de classe » ( 1923 ), et par les situationnistes naturellement.

LA CATEGORIE D’ALIENATION

« J’étais un marxiste qui ne se souciait pas beaucoup d’analyse économique ou de la dynamique interne du capitalisme, mais qui était centré sur la catégorie d’aliénation, entendue comme perte de sens pour l’homme moderne dans la société capitaliste...
« En 1992, j’ai découvert un peu par hasard la revue « Krisis » en Allemagne, dont le premier numéro m’avait beaucoup frappé. J’ai eu l’impression de trouver déjà écrites des choses auxquelles j’avais déjà réfléchi sans arriver vraiment à les formuler, ou alors avec beaucoup d’hésitations...
« C’était très stimulant de rencontrer des personnes qui avaient déjà fit une bonne partie du chemin que je pensais parcourir.
« Ce qui m’avait frappé dans cette première lecture de « Krisis », c’est que l’on retournait à une analyse du réel, une analyse des crises, des procès économiques.
« C’était très important car à cette époque, la gauche se cantonnait à une critique des idéologies, de la culture, de l’aliénation. Il était surtout question de la manière de vivre, la théorie critique faisait très rarement des analyses de la dynamique interne du capitalisme, chose également absente chez les situationnistes, chez Adorno et chez Marcuse...

LA REVUE KRISIS

« J’ai donc été frappé, poursuit Anselm Jappe, dans la revue « Krisis », surtout à travers les textes de Robert Kurz, par l’analyse du fonctionnement réel du capitalisme. Par exemple, à une époque ( 1992 ) où tout le monde était convaincu que l’écroulement de l’URSS signifiait la victoire du capitalisme occidental à qui il ne restait plus qu’à conquérir ces grands espaces pour offrir un nouveau souffle à l’accumulation, « Krisis » faisait une analyse en termes marxiens, pour montrer que le capitalisme avait déjà épuisé sa capacité d’accumulation et d’incorporation de nouvelles économies, si bien que l’écroulement des pays de l’Est était une partie de l’écroulement du capitalisme plus qu’une victoire du capitalisme.

D’AUTRES AUTEURS

Anselm Jappe évoque d’autres sources, Lukacs, Roubine, Kral et Hans-Georg Backhaus en Allemagne, et des auteurs contemporains comme Moishe Postone aux Etats-Unis et Jean-Marie Vincent...
« Chacun de ces auteurs a repris une partie des analyses de Marx, mais dans des directions différentes, et souvent ce sont des auteurs qui ne se connaissent pas entre-eux...Bref, il ne faut pas chercher de courant...
Dans mon livre, je pioche ce qui me sert des différents auteurs... Mais ce que je trouve plus important et ce qu’a fait, je pense, « Krisis », c’est analyser ce qu’il se passe aujourd’hui, par exemple démonter le mythe de la croissance asiatique, ou expliquer pourquoi il n’y aura pas une espèce de retour au plein-emploi, ou expliquer pourquoi la crise écologique est due à la dynamique de la valeur... »

LE FETICHISME DE LA MARCHANDISE

Jappe rappelle à nouveau que sa lecture de Marx était centrée sur la notion d’aliénation qui reste un concept difficile et obscur... « Krisis » mettait l’accent sur le concept de fétichisme de la marchandise qui est un concept central de Marx, et qui est quand-même beaucoup plus précis que le concept d’aliénation.
« Ici, dit Jappe, on ne parle pas d’une sorte de déchéance originaire, mais du fonctionnement systémique et anonyme de la société capitaliste que Marx appelle le sujet automate.
« Ma thèse a donc consisté à préciser le concept de fétichisme chez Marx parce que c’est un concept qui souvent a été mal compris, y compris par de nombreux marxistes qui ne voyaient dans le fétichisme qu’un voile, une sorte de mystification.
« En réalité, si on lit bien le texte de Marx, on voit que c’est beaucoup plus radical : le fétichisme est un phénomène bien réel, les objets prennent vraiment la place des personnes.
« Ce n’est pas une sorte d’idéologie, c’est la réalité capitaliste...
« Le fétichisme chez Marx nait du concept d’aliénation qui présuppose une espèce d’état naturel de l’homme, qui se retrouve de manière dégradée dans la réalité capitaliste, parce que ce qui appartient à l’homme, il le trouve dans les objets, et vice versa. Cet aspect se retrouve naturellement dans le concept de fétichisme de la marchandise, qui ne dit rien sur la nature de l’homme, mais explique simplement pourquoi l’homme abandonne le contrôle des choses à une logique qu’il a lui-même créée, la logique de la marchandise. »

LA DOUBLE NATURE DE LA MARCHANDISE

Ce qu’analyse Marx dans ce concept, c’est le fait que les décisions d’ordre social et économique ne sont pas prises de manière consciente par les acteurs, même pas par la classe capitaliste, mais sont le produit d’un mécanisme automatique qui est le mécanisme de la valorisation : l’utilité réelle des objets ne compte plus, seule compte la quantité de travail qu’ils renferment. Le seul but est d’agrandir ce système et cette quantité de travail. Pour répondre à cet impératif, chaque acteur économique est obligé de courir derrière ce système. Ce n’est plus quelque chose qui est décidé par les grands méchants du capitalisme mondial, mais c’est le fait d’un système social et économique basé sur ce que Marx appelle la double nature de la marchandise, où chaque objet a en effet une double nature, l’utilité réelle étant subordonnée à son contenu en travail. C’est donc la valeur, c’est-à-dire l’argent, qui est le fétichisme réel, ce que certains appellent l’abstraction réelle.

PAS DEUX CONCEPTS, MAIS TROIS

Anselm Jappe précise : « Il n’existe pas seulement une opposition entre valeur d’usage et valeur d’échange, mais surtout entre valeur d’échange et valeur.
« Marx a mis longtemps à se rendre compte qu’il y avait non pas seulement deux concepts mais trois. De plus, on pourrait regarder de plus près le concept de valeur d’usage parce qu’elle présuppose un usage abstrait, alors qu’en réalité il existe une multitude d’usages pour chaque objet.
« La valeur d’échange, c’est une marchandise qui correspond à une autre marchandise. Là n’est pas le noeud du problème car, en vérité, il est inévitable qu’une marchandise corresponde à une autre marchandise...
« La valeur en tant que telle, elle, n’est absolument pas naturelle. Dans d’autres sociétés, il n’est pas du tout évident que les objets soient estimés sur la base du travail socialement nécessaire pour les produire, et non par le travail concret...
« Ce qui compte sur le marché, ce n’est pas l’utilité réelle des produits mais seulement leur capacité à réaliser leur valeur dans une quantité d’argent.
« L’autre côté de la marchandise, le travail incorporé, compte naturellement, à condition qu’il rencontre un besoin payant. Dans un régime capitaliste, l’argent n’est pas une simple médiation entre les marchandises, l’argent est investi pour produire des marchandises, pour les vendre, et cette opération n’a de sens que si la somme d’argent est supérieure à la fin de cette opération. Ce point est absolument capital...
Ce processus contient de manière intrinsèque une croissance... »

COMMENT SE MANIFESTE LA CONTRADICTION ?

Quand on l’interroge sur la façon dont se manifeste dans ce processus la contradiction entre la valeur d’usage et la valeur d’échange à l’échelon mondial, Jappe prend l’exemple d’un paysan qui, jusqu’alors, pouvait bien vivre sur sa terre parce qu’il produisait pour un petit marché local. Une fois qu’il doit vendre pour un marché lointain, sa technique de production et le travail qu’il emploie peut toujours rester le même, mais s’il entre en concurrence avec l’agriculture industrielle américaine, qui est capable de produire le même blé à l’aide d’une machinerie sophistiquée à un prix trois fois moindre, le travail de ce paysan se retrouve d’un coup diminué d’un tiers.
« Ici, dit Anselm Jappe, on voit bien le double aspect de la marchandise : alors que du côté concret, du côté de la valeur d’usage ou de la fatigue réelle du paysan, rien n’a changé, tout d’un coup il ne peut plus vivre alors qu’il fournit le même travail, la valeur d’échange de son produit ayant brusquement diminué.
« Ce qui fait mourir de faim les paysans africains, ce ne sont pas les échanges inégaux, ni même l’endettement de leur pays, c’est le marché mondial avec son égalité forcée, qui oblige tous les producteurs à se mesurer à un paramètre de productivité qui est toujours fixé par ceux qui ont le plus de capital à investir dans les technologies.
« C’est cette chose si abstraite pour vous, l’opposition entre la valeur d’usage et la valeur d’échange qui est très concrètement responsable de la famine dan,s les pays africains... »

LES SOURCES DE LA CRISE ECOLOGIQUE

Cette crise est due au fait qu’on produit énormément de choses pour lesquelles il n’y a aucun besoin social, celui-ci étant créé après coup par la publicité.
« Le mouvement écologique, poursuit Anselm Jappe, n’a pas une conscience très claire de la nature de ce productivisme, cette tendance folle à toujours produire, la considérant comme une sorte de pulsion anthropologique à avoir toujours plus d’objets de consommation à sa disposition.
« Dans la production marchande, chaque objet ne vaut que par la quantité de travail qu’il contient. Or, le régime de concurrence – fait absolument central dans la production capitaliste - confère au travailleur qui travaille sur une machine le pouvoir de fournir plus de plus-value à son employeur. Chaque capitaliste a intérêt à investir le plus possible dans les machines, ce que Marx appelle le capital fixe, pour avoir le moins possible de travailleurs et obtenir le plus de profit. Malheureusement pour le capitaliste, dans un régime de concurrence, cet avantage ne dure pas longtemps, car les acteurs qui le peuvent achètent les mêmes machines, et leur gain s’annule, jusqu’à l’invention technologique suivante.
Jappe rappelle que, selon Marx, il n’y a que le travail vivant, le capital variable, qui crée de la plus-value. En vérité, les machines, les technologies, contiennent de la valeur, mais ne produisent pas de valeur nouvelle. Elles ne font que transmettre leur valeur au produit. Ce point est assez évident : la seule source de plus-value, c’est l’ouvrier qui travaille plus que ce qui est nécessaire pour reconstituer son salaire.
« Mais, indique Jappe, la course à la technologie, inévitable à cause de la concurrence, a comme effet de diminuer toujours plus la quantité de travail vivant et de plus-value dans la marchandise. »

LA BAISSE TENDANCIELLE DU TAUX DE PROFIT

Le problème est donc celui de la diminution de la valeur de chaque produit, ainsi que de la plus-value, et donc du profit pour chaque capitaliste, ce que Marx appelle la baisse tendancielle du taux de profit. Parmi les contre-stratégies possibles des capitalistes, il y a l’augmentation de la production.
« Si bien, conclut sur ce point Anselm Jappe, que toute l’histoire du capitalisme est l’histoire d’une augmentation continuelle de la production matérielle, en terme de valeur d’usage, pour plus ou moins produire la même masse de valeur.
« Mais la même masse de valeur, définie en terme de travail humain vivant, a besoin de se représenter dans une quantité toujours plus grande de marchandises. Une des raisons principales de la crise écologique provient de cet impératif de produire toujours plus... »

ET TOUJOURS MOINS DE FORCE DE TRAVAIL

Ainsi, le système capitaliste est un système qui ne fonctionne qu’en valorisant le travail, en transformant le travail en capital, c’est-à-dire en transformant le travail vivant en travail mort, dans un cycle toujours plus large.
« Le problème, ajoute cependant Anselm Jappe, c’est que, en même temps, la concurrence pousse nécessairement les capitalistes à investir dans les technologies, et donc à utiliser toujours moins de force de travail. Donc la valeur a tendance à baisser, chose que l’on peut contrecarrer, à un certain moment, en augmentant l’exploitation des ouvriers, ou en leur payant un salaire réel mineur grâce à la baisse du prix des produits, même si apparemment il est majeur car il permet d’acheter un plus grand nombre de biens de consommation. »

LE BESOIN D’ETAT

D’autant que d’autres facteurs de production apparaissent nécessaires, comme les routes, la formation des ouvriers, leur santé, une police et une armée por défendre le régime capitaliste...Il y a donc tout un réseau de « faux-frais », Marx utilise le mot français, précise Anselm Jappe.
« Dès le début, la production capitaliste a besoin d’infrastructures, et naturellement personne ne veut les payer...C’est pour cela qu’existe l’Etat, dont la fonction économique essentielle est de garantir les infrastructures...
« Parmi les nombreuses raisons qui expliquent le développement des infrastructures, on trouve la pacification sociale : après la Deuxième guerre surtout, on a construit l’Etat social comme un compromis dans la guerre des classes, et tout cela coûte de l’argent. On avait besoin de travailleurs beaucoup plus éduqués, la concurrence plus forte entre les différents capitalismes nationaux a créé les guerres et la nécessité d’investir toijours plus dans l’armement, etc.... »

UN ETAT DE CRISE PERMANENTE

Pour Anselm Jappe, tout cela veut dire qu’une partie toujours plus croissante du PIB doit être investie pour maintenir les infrastructures... « Tout cela signifie qu’il est dans la nature même de la production capitaliste d’être dans un état de crise permanente, ce qui n’était pas le cas des sociétés précédentes. Pour le féodalisme ou les sociétés tribales, la production s’opère plus ou moins de la même façon, et leur fin s’explique plutôt par des raisons externes.
« Le capitalisme, au contraire, se base sur l’accumulation, et ne peut donc vivre qu’en grandissant sans cesse, c’est d’une certaine façon inscrit dans son code génétique qu’il doit connaître sa fin. C’est pour une raison écologique, parce qu’il doit consommer à des rythmes toujours plus soutenus. Il est toujours obligé de s’entourer d’infrastructures, qui sont comme je l’ai expliqué, des frais improductifs dans un sens capitaliste. Chaque marchandise contient une quantité toujours plus petite de valeur, phénomène que l’on appelle également excès d’accumulation : il devient toujours plus difficile pour le capital d’être placé de façon rentable... »

LE CREDIT ET LE CAPITAL FICTIF

Cependant, le renouvellement technologique exige sans arrêt de nouveaux capitaux, et il devient de plus en plus difficile de placer les capitaux de façon rentable, raison pour laquelle la grande majorité des capitaux se place aujourd’hui dans des structures financières, et non plus dans une production industrielle directe, car là il faut soit investir dans les technologies, soit dans les pays à bas salaires.
Aussi, pour Anselm Jappe, « la théorie de la valeur est identique à une théorie de crise, et à une théorie de la diminution de la masse de la valeur. Or ce n’est pas une simple théorie, le désindexation du dollar en est effectivement la preuve... »

Anselm Jappe montre alors que la monnaie avait une véritable valeur marchande en tant que métal précieux, et que tout le travail social se représentait doublement : par les marchandises et par la quantité totale d’argent. L’étalon-or était une garantie.

Dans les années 1920, puis dans les années 1970, les Etats ont abandonné l’étalon-or, en raison du fait qu’il ne pouvait plus y avoir de rapport entre l’argent circulant en tant que représentation du travail réel, et l’argent qui était créé par l’Etat de l’autre côté. On en arrive à un point où il n’y a plus de limite à la création d’argent...

« On peut créer ce que Marx appelle le capital fictif », poursuit Anselm Jappe, « après la fin de l’étalon-or en 1971, l’économie réelle a doublé, tandis que le volume des marchés financiers et boursiers a été multiplié par dix... Il y a une disproportion entre l’économie réelle et l’économie fictive...Si on essayait de réinjecter tout cet argent dans l’économie réelle, on aurait un tel excès de capital qu’on ne pourrait plus le placer de manière rentable, et on obtiendrait une situation bien pire que ce qu’elle est maintenant.
« Il est ridicule de demander de distribuer de l’argent en disant qu’il y a assez d’argent pour tout le monde. Le problème est qu’une bonne partie de cet argent ne correspond à rien, ce sont des crédits émis sur le vide... »

LE CAPITALISME A DEJA ECHOUE

Selon Anselm Jappe, il convient de rappeler deux choses importantes :

« Tout le mouvement révolutionnaire s’est posé la question du renversement du capitalisme, le capitalisme semblait très fort, toujours en expansion, et le problème semblait le suivant : comment mouvoir les masses, comment lancer l’assaut contre le système capitaliste ? »
« En même temps, il semblait évident qu’une fois lancé cet assaut, une fois le capitalisme aboli, adviendrait quelque chose de meilleur. La volonté d’abolir le capitalisme semblait suffisante. Depuis la Première Internationale jusqu’à aujourd’hui, c’est comme cela que l’on entend le changement social...
« Aujourd’hui, on assiste à un revirement total. L’auto-abolition du capitalisme a beaucoup progressé. L’analyse de la crise n’est pas une prophétie, elle ne dit pas : le capitalisme va cesser ; elle parle de ce qui se passe déjà, devant nos yeux. Le capitalisme ne va pas échouer dans l’avenir, il a déjà échoué. Le projet des années 1950 et 1960, d’étendre le mode de vie capitaliste au monde entier a déjà échoué. Car depuis les années 1970 le régime capitaliste a réduit son expansion mondiale. Il y a une majorité de personnes qui se trouvent obligées de vivre sans argent, ou avec de l’argent mais d’une certaine façon seulement, en marge de circuits internationaux, en vendant de la drogue aux pays riches. Même en Europe. En Yougoslavie, comment font les gens pour vivre avec 100 euros par mois ? Ils font de petits trafics, mais tout cela n’est pas prévu par la logique capitaliste qui veut qu’une majorité travaille et consomme en laissant une petite marge, ce que Marx appelait l’armée de réserve industrielle.

Aujourd’hui, il n’y a qu’une minorité qui vit selon le type fordiste, et une majorité qui ne correspond pas aux critères capitalistes. Et ce qui reste à la base des systèmes marche grâce à la fiction, grâce aux crédits financiers... »

PREPARER DES ALTERNATIVES

Aussi, pour Anselm Jappe, « le problème aujourd’hui n’est pas tant de penser comment casser le système actuel mais surtout de préparer des alternatives.

« Je pense, dit-il, qu’à cet égard le travail théorique n’est pas du tout inutile. « Krisis » s’est démarquée d’une production théorique qui se veut immédiatement au service des mouvements sociaux, pour se laisser la liberté de réfléchir sur les bases mêmes de la société capitaliste...Marx avait très bien vu que le développement même du capitalisme va casser la logique même de la valeur...Ce qui ne veut pas dire que le capitalisme produit pacifiquement quelque chose qui va le dépasser, mais le capitalisme produit sa propre crise... »

(Les lecteurs intéressés se reporteront avec intérêt à cette « Discussion avec Anselm Jappe » autour de son livre : « Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur. » )



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mardi 16 août 2011 à 10h50 - par  Max Vincent

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