Les turqueries de l’Assemblée.

mercredi 11 janvier 2012
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Intéressant de revenir sur cet article du Canard Enchaîné qui donne cet aperçu des débats qui ont eu lieu à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la reconnaissance du génocide arménien.

La discussion sur la proposition de loi contre la négation du génocide arménien, le 22 décembre à l’Assemblée, promettait beaucoup. Elle n’a pas déçu. Une cinquantaine de députés (sur 577) ont assuré le spectacle.

Le député communiste Jean-Paul Lecoq ouvre le feu et appuie, d’emblée, là où ça fait mal.

Il fait mine de se demander si les Français d’origine arménienne (450 000) sont un enjeu électéroral et s’écrie :

"Il serait insupportable que l’histoire de ce peuple puisse être instrumentalisée par le président-candidat de la République.
-Que faîtes-vous de la séparation des pouvoirs ?"
lui répond, l’air fâché, Patrick Ollier, le ministre chargé des Relations avec le Parlement.

Sourires dans l’hémicycle.

Tous les députés savent que c’est Sarkozy en personne qui se cache derrière la proposition de loi défendue par Valérie Boyer.

Ce 22 décembre, l’Elysée vient d’ailleurs de distribuer aux ministres et parlementaires de la majorité une note de trois pages, avec des « éléments de langage » pour défendre ladite proposition et répondre aux Turcs.

Cette note commence par souligner que le texte en discussion est « d’initiative parlementaire ».

Ollier insiste aussi sur cet aspect et annonce que le gouvernement s’en remet à « la sagesse de l’Assemblée », qui, il le sait, « est grande ».

Moyennant quoi, le ministre ne pourra s’empêcher de contrer tous ceux qui critiqueront le texte en discussion.

Une manifestation de « grande sagesse », sans doute.

Sarkozy-Hollande même combat.

Arrive l’examen d’un amendement déposé par deux députés, le villiériste Dominique Souchet et l’UMP Jacques Remiller, qui proposent de « reconnaître le génocide vendéen de 1793-1794 ».

« Hors sujet ! » s’écrie Ollier, du banc du gouvernement.

Remiller se met à table :

« Vous m’avez demandé, M. le ministre, de retirer mon amendement, je vais le faire ».

Murmures.

Ollier sursaute.

Ce genre de réflexion n’est pas de mise dans l’hémicycle, au nom, précisément, de « la séparation des pouvoirs ».

Il y a tout de même quelques notes discordantes.

François Bayrou votera, explique-t-il, contre un texte « déraisonnable et dangereux », susceptible de « faire flamber les braises ».

Le candidat centriste se fait ingénu :

« Le président de la République aurait dû s’adresser à la majorité, qui le soutient, pour la prévenir contre une telle imprudence ».

Le député UMP Michel Diefenbacher, président du groupe Amitié France-Turquie vote contre, lui aussi, parce qu’« aucun Etat souverain » ne peut « accepter qu’un autre Etat souverain vienne revisiter son histoire, imposer sa propre lecture et santionner ceux qui ne la partagent pas ».

Débarque alors dans les travées le député socialiste Jean Glavany, qui lance :

"Si je suis venu de mon bureau - car je ne voulais pas initialement participer à ce débat -, c’est à force d’entendre les députés répéter :
« Ce n’est pas une loi mémorielle. » En psychiatrie cela s’appelle la dénégation-aveu... Dans la course folle au communautarisme, certains d’entre nous doivent dire stop".

Réplique séche de Bruno Le Roux, porte-parole du candidat Hollande.

« Je le répète, n’écrivons ni ne réécrivons l’Histoire. Nous permettons aujourd’hui l’application de la loi de la République que nous avons votée dans cet hémicycle (en 2000) ».

Autrement dit, le candidat Hollande a la même analyse que le candidat Sarko.

Le 3e tour du Conseil constitutionnel.

Une drôle de carte électorale se dessine nettement.

Les députés qui, à droite comme à gauche, soutiennent avec enthousiasme le texte de Boyer représentent tous des circonscriptions où réside une forte communauté d’origine arménienne.

Ainsi le député-maire PS de Sarcelle, François Pupponi, le député UMP du Val-d’Oise Jean Bardet.

Ainsi le député-maire PS d’Alfortville René Rouquet, et le député-maire UMP du Raincy, Eric Raoult.

Avec une prime spéciale pour les parlementaires marseillais, qui, tous partis confondus, appellent tour à tour à voter le texte sur la négation du génocide.

A savoir Renaud Muselier (UMP), Sylvie Andrieux (PS), Henri Jibrayel (PS).

Sans oublier, bien entendu, Valérie Boyer, rapporteuse de la proposition de loi.

On connaît la suite.

Le vote a été acquis à une large majorité.

Mais, vu le calendrier parlementaire chargé et la violence des protestations de la Turquie, son adoption définitive est encore en pointillé.

D’autant que certains parlementaires, tel Bernard Accoyer, le président de l’Assemblée, n’excluent pas de saisir le Conseil constitutionnel.

Le mot de la fin revient provisoisement à l’ancien ministre Patrick Devedjian, fervent défenseur de la proposition Boyer.

« Si la loi n’est pas adoptée avant la fin de la législature, Sarkozy aura perdu sur les deux tableaux : avec les Turcs et avec les Arméniens ».

Pas si mal vu.

Source Le Canard enchaîné du 28/12/2011

Transmis par Linsay



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