Grands patrons, la vraie caste privilégiée.

mercredi 16 août 2006
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La « haute privilégiature » se situe à 3,5 millions d’euros de rémunération annuelle !.

Et elle se limite aux quelques personnages qui dirigent les plus grandes entreprises françaises du fameux indice CAC 40, si cher à la Bourse de Paris et à l’économie française.

- Ils sont donc 40.

Leurs revenus salariaux, et ce qui les accompagne, représentent quotidiennement plusieurs fois le Smic.
Outre les inévitables stock-options, il ne faut pas oublier la retraite supplémentaire (dite chapeau), la prime d’arrivée et celle de départ.

Noël Forgeard, coprésident d’EADS, a ainsi obtenu trois années de salaire, bonus compris, pour quitter une société qu’apparemment il n’aurait pas excellemment dirigée.

- A l’heure de la modération salariale (la moitié des Français touchent moins de 1,5 Smic par mois), ces rémunérations-là peuvent, certaines années augmenter de...125%.

Les justifications sont toujours les mêmes, et toujours fausses : il existerait un marché mondial du grand manager.Ce marché tirerait donc les rémunérations vers le haut.

Or, un seul Français dirige une entreprise étrangère. Il s’agit de Jean-Pierre Garnier, PDG de Glaxo,le numéro deux mondial de l’industrie pharmaceutique.

Et, concomitamment, il existerait un marché mondial du salarié, toujours tiré, lui, vers le ... bas, via l’est de l’Europe, voire, pis, la Chine !

Une comparaison historique permet de mieux prendre conscience de la dérive.

- En 1989, la publication de la fiche de paye du patron de PSA, Jacques Calvet, provoque un immense scandale, parce qu’il gagne 30 fois plusqu’un OS de son entreprise.

- En 2004, son successeur est gratifié de 2,85 millions d’euros par an, soit 200 fois le Smic.Et encore Jean-Martin Folz se situe-t-il sous la moyenne des grands patrons !

Le cabiet Proxinvest, conseil auprès des actionnaires, a récemment fait une proposition de limitation volontaire des rémunérations à 240 fois le Smic.

Aucun manager, et encore moins le Medef, n’a repris cette idée de bon sens.

- Le 14 juillet, Jacques Chirac a émis l’idée qu’il faudrait « assurément encadrer les stock-options ».

- A l’Assemblée nationale, Edouard Balladur a rédigé une proposition de loi limitant non pas le niveau, mais l’usage des stock-options pour éviter un nouveau scandale type EADS.

- Cent vingt députés l’ont cosigné. Là encore, le Medef est parti en guerre.

Ainsi, les grands patrons sont les vrais privilégiés d’aujourd’hui. Ils bénéficient d’un régime tout à fait particulier, exceptionnel, même. A l’image de la noblesse de l’Ancien Régime, ils se sont octroyés les avantages d’un « statut acquiS ».

Pis encore, ce petit monde vit en famille. La loi limite le cumul des postes d’administrateur, cinq en principe. Mais cette même loi n’empêche pas ces mêmes grands patrons d’avoir des conseils d’administration peuplés d’amis, voire d’obligés, eux-mêmes, grands patrons et « compréhensifs » dès qu’il s’agit de « leur » rémunération.

Ainsi, le banquier personnel d’Antoine Zacharias siégeait-t-il au conseil d’administration de Vinci. Un remarquable cas de mélange de genres et d’intérêts.

Quant aux comités de rémunératios du CAC 40, ils sont souvent aux ordres, d’autant plus que les administrateurs salariés, lorsqu’ils existent, évitent soigneusement d’y être représentés.

Le recrutement renforce, celà va de soi, le système de nomenklatura. Une étude récente *démontre le poids grandissant des anciens hauts fonctionnaires issus de l’ENA ou de Polytechnique à la tête des grandes entreprises : ils dirigent désormais 6% des sociétés cotées à la Bourse de Paris, mais ce sont les plus grosses puisqu’elles « pèsent » jusqu’à 52% du marché !

Ironie de l’histoire, ces firmes sont moins dynamiques que celles dirigées par des patrons ayant eu un autre parcours. Et ces ex- hauts fonctionnaires, passés le plus souvent par les cabinets ministériels, ont tendance à s’incruster dans leurs fauteuils de PDG même lorsque l’entreprise va mal...

L’affaire Zacharias est une illustration de toutes ces dérives. Lorsqu’il s’est agi de virer le munificent (désintéressé NDLR) PDG (173 millions d’euros de stock - options accumulées), le débat s’est surtout focalisé sur le cursus du successeur qu’il voulait imposer, Alain Dinin. Celui-ci n’avait fait ni l’X, ni l’ENA. Xavier Huillard qui l’emporta, appartient, lui, aux « bons » réseaux.

La compagnie des grands patrons est donc bien une caste.

- Définition du dictionnaire : « Groupe social attaché à ses moeurs, à ses privilèges, et qui exclut toute personne étrangère. »

Rien à ajouter.

H.N.« Social Networks in the Boardroom », Francis Kramarz et David Thesmar, CEPR.Ecrit dans « Marianne ».

Transmis par Linsay.



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