« Pour Thibault, le compromis ou la démission »

René Mouriaux, politologue et historien, analyse la crise au sein de la CGT
mercredi 9 février 2005
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René Mouriaux, politologue et historien du syndicalisme français, a, en particulier, étudié tous les congrès de la CGT depuis vingt ans.
La Constitution européenne est-elle la seule cause de la crise de la CGT ?

Non. La crise est la résultante de trois questions : l’Europe, les relations de la CGT avec les partis et les ambiguïtés de la ligne de la centrale. Sur la Constitution, Bernard Thibault est en porte-à-faux : le traité pose de réels problèmes aux syndicalistes CGT et leur dire qu’il est porteur de progrès est un peu réducteur ! Affirmer ensuite que la CGT doit s’abstenir de formuler une consigne de vote, alors que la CES (Confédération européenne des syndicats, ndlr), elle, en donne une, c’est paradoxal.

La question du rapport au politique est elle aussi mal posée. A la différence des élections, la Constitution entre bien dans le champ syndical. Et en 2002, face à Le Pen, la CGT s’était positionnée... Si l’on suit Thibault, on accepte donc l’idée que le politique serait supérieur au syndical ! Enfin, la crise provoque le retour du refoulé à la CGT, nourri par le manque de clarté des positions de la direction ou le non-dit de son pragmatisme. Thibault a tenté de rénover son syndicat en évitant les débats de fond. Par exemple, le « syndicalisme rassemblé » inquiète les militants, qui redoutent d’être à la remorque de la CFDT.
La direction de la CGT accuse les partis de gauche de manipuler le débat en son sein...
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une opposition organisée, liant communistes, trotskistes et gauche du PS. Certes les militants n’ont pas tous lu la Constitution, mais il faut être très européen et pas trop regardant sur le social pour lui trouver des qualités. Et puis la direction a commis des maladresses, comme la publication d’une tribune de Joël Decaillon qui semblait trancher le débat, alors que la tradition est de ne pas s’exprimer à l’extérieur.
Faudra-t-il en passer par un congrès extraordinaire pour trancher la querelle de légitimité entre la direction et le comité confédéral national (CCN) ?
Ce n’est encore qu’une hypothèse. En posant la question de la démocratie, Bernard Thibault fait monter les enchères. Il demande au « parlement » de la CGT de se désavouer ou à la base de le désavouer. Il ne m’étonnerait pas que des tractations interviennent. Car désavouer toutes les unions départementales et toutes les fédérations au cours d’un congrès serait difficile. Songez que la Fédération des cheminots, celle de Thibault, a approuvé le texte du CCN ! A moins d’un compromis, le secrétaire général risquerait d’être contraint soit d’aller à Canossa, soit de démissionner.
Y a-t-il eu des précédents ?
Il n’y a pas eu de congrès extraordinaire à la CGT depuis les années 20. Mais en 1956 la CGT avait eu à se prononcer sur l’invasion et la répression de la Hongrie par l’Union soviétique. Sagement, Benoît Frachon, secrétaire général de l’époque, avait argué du fédéralisme de la CGT pour laisser chacun libre de sa position.



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