Tous les présidents étasuniens ont été...

mardi 20 novembre 2018
par  Dr Benjelloun
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Tous les présidents étasuniens ont été attentifs à ne pas perturber l’électeur de la classe
moyenne réduit au cours du temps à l’un de attributs essentiels. Il est devenu un
automobiliste dépendant de son moyen de locomotion pour effectuer le trajet
biquotidien séparant sa maison individuelle dans une banlieue lointaine et son job.
Trump, comme ses prédécesseurs, n’entendait pas froisser les Deplorable avant les
élections de mi-mandat. Il l’a expressément dit, le pétrole ne doit pas être trop cher et il
a accusé les Séoud d’organiser une pénurie qui a fait grimper le prix du baril à plus de 70
dollars en octobre. L’argument était fallacieux, aucune raffinerie n’était en manque de
provisionnement, les fluctuations du prix sont d’ordre spéculatif, la preuve en est que
dès novembre, il est retombé vers les 53 dollars. En plus de fallacieux, il est notoirement
cynique car l’industrie d’extraction des hydrocarbures non conventionnels a besoin d’un
prix plancher élevé pour être un minimum rentable et continuer de pomper dans
l’épargne mondiale pour s’endetter.
Expatrier une partie de la classe moyenne en dehors des centres urbains qui
concentrent les activités tertiaires du néo-capitalisme s’est inscrit il y a quelque
décennies dans une reconfiguration urbaine de la société américaine. La sub-
urbanisation, avec un habitat peu dense implique des comportements avec peu de
rapports entre voisins, a fait consommer du crédit immobilier hypothécaire et de la
voiture. Toute une industrie financière s’est organisée autour de ce principe
d’acquisition de son logement avec des garanties de l’Etat et des assurances pour couvrir
les risques, une spéculation effrénée par des prix longtemps en hausse continue par les
acquérants eux-mêmes, suivie d’une spéculation sur le risque spéculatif aboutissant à la
fameuse crise des subprimes. L’autre jambe sur laquelle reposait la fabrication de
lotissements de plus en plus reculés était l’industrie automobile, il faut plus d’une
voiture par famille pour travailler, se divertir, aller à l’école.
Le carburant était ridiculement peu cher, payé universellement par un dollar garanti par
l’or.
Les crises financières ont induit chez les nouveaux clercs, cette pléthore des travailleurs
intellectuels qui doit trouver des objets d’étude et de distraction, une réflexion pour
repenser l’urbanité. Il faut actualiser la conception de nouveaux ensembles où la rue
devient un lieu, sinon de convivialité, d’un ‘nouveau mode d’ancrage de la spacialité’. Elle
a été suscitée dans le sillage de la catastrophe de 2007-2008 où des millions
d’Américains se sont trouvés en difficulté ou à la rue. Elle a même fait naître l’idée d’une
énième adaptation au nouveau néo-capitalisme. Il avait été suggéré aux banques
détentrices de millions d’unités d’habitation de les louer aux anciens propriétaires à un
prix inférieur à celui des mensualités qu’ils ne pouvaient plus payer. Cette stratégie
assurerait une meilleure mobilité des travailleurs disponibles pour migrer plus
aisément vers de nouveaux jobs. L’ère Obama a correspondu à l’abolition du ‘rêve
américain’, celle de la voiture et de la maison individuelles. Fluidité spatiale et flexibilité
temporelle sont les deux concepts clés d’un capitalisme désormais sans frontières ni
règles. Les Deplorables ont alors sanctionné le cynisme des Démocrates en optant pour
Trump.

En France, l’influence de l’expérience américaine s’est concrétisée en 1965 pour la
première fois grâce au constructeur William Levitt. La maison uni-familiale à plusieurs
dizaines de kilomètres du gros centre urbain voyait le jour. La classe moyenne, avec ou
sans transport en commun, allait jouir ’égoïstement’ de la tranquillité de la campagne,

loin de son lieu de travail. Toute une activité de prêt bancaire s’est développée, arrimant
le travailleur à ses obligations de remboursement, l’éloignant de toute considération de
solidarité. Il ne se vit plus comme un simple rouage d’une immense machinerie et
machination, il se croit propriétaire alors qu’il est assujetti à une dette pour une bonne
tranche de vie. Sa dépendance aux transports publics et individuels lui soustrait des
heures d’existence et le rend chatouilleux quand se décident des grèves des agents de la
RATP ou de la SNCF. Selon la formule consacrée par les medias dominants il est alors
l’otage des seuls travailleurs en mesure d’enrayer la bonne marche du système,
incapable de se voir comme victime d’un mécanisme qui l’asservit.
L’actuelle protestation des gilets jaunes a eu comme détonateur la charge de plus qui
rend impossible ou très difficile le fonctionnement de cette classe moyenne inférieure
qui est la justification et le pilier de toute l’architecture du système.
Elle n’a plus les moyens de se reproduire et de reproduire fidèlement le système.
Elle avait jusque là tout encaisser. Sa précarisation par les réformes successives
aboutissant à la Loi Travail concocté par Macron et présentée par El Khomri, la
raréfaction des services publics en voie de disparition et une privatisation rampante de
la sécurité sociale. L’allègement des cotisations patronales récemment appliqué
correspondt à une diminution drastique du salaire social différé.
Là, elle ne peut plus aller travailler sans s’endetter encore davantage.
Les révoltes populaires prennent des formes souvent inattendues. Celle-ci même colorée
de jaune fluorescent ne semble pas avoir été inspirée par un quelconque Soros. Elle
agrège tous les mécontents et laissés pour compte qui ne sont pas audibles lorsqu’ils
manifestent sagement par catégorie sociale isolée.
Qui a entendu les retraités aux revenus ponctionnés par une nouvelle contribution à la
CSG et désormais aux pensions désindexées de l’inflation, les infirmiers ?
Ce mouvement sans encadrement syndical ni politique s’essoufflera peut-être. Il
s’oppose frontalement et sans ambiguïté aux factotums de l’Union européenne et aux
fondés de pouvoir des patrons des multinationales à la tête de l’exécutif et du législatif
depuis des décennies dans ce pays et les autres, adjacents ou lointains. Il laissera des
traces, celle d’une future auto-organisation (ne disons pas les Soviets, le mot a été
démonétisé par des couches trop épaisses de propagande) qui devra rompre avec tout le
système d’organisation hiérarchisée orientée vers la destruction, les guerres et les
guerres sociales. Déjà une contre-offensive très commode a été agitée, une cellule
terroriste (de radicalisés islamistes) qui projetait d’utiliser les rassemblements gilets
jaunes pour commettre un crime aurait été arrêtée à temps.
Il a un parfum de 1787.
Le fondé de pouvoir des banques et des multinationales en France redoute une édition
française de la victoire de Trump, d’autant que celui-ci vise actuellement le
démantèlement de l’union économique européenne, trop indépendante des Usa malgré
sa soumission à l’OTAN.

Badia Benjelloun

1. http://www.revue-urbanites.fr/limage-ou-les-representations-de-la-maison-
individuelle-aux-etats-unis-un-eclairage-sur-les-debats-apres-la-crise/
2. https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2002-1-page-167.htm
3. https://francais.rt.com/france/55646-ca-va-saigner-islamistes-auraient-voulu-
frapper-mobilisation-gilets-jaunes



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