Quand TF1 pleurniche dans les jupes de l’Etat

jeudi 13 mars 2008
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Supprimer la publicité dans l’audiovisuel public, une idée du président ? Non ! Une idée de TF1, venue quémander à l’ami de Martin Bouygues un moyen de relancer le fournisseur n°1 de temps de cerveau.

Pour contrer l’effritement des recettes publicitaires, rien de tel qu’un président de la république ! Alain Minc n’aurait donc pas été le seul inspirateur de la suppression de la pub sur le service public, l’une des rares idées sorties du chapeau présidentiel lors de la conférence de presse de début d’année. C’est un « livre blanc » pleurnichard remis par TF1 en décembre dernier, qui aurait inspiré la compassion de Sarkozy pour la pauvre petite chaîne de son ami Bouygues et qui aurait conduit à cette décision charitable.

Quand ça ne va pas, qu’il a un gros coup de blues, que son audience baisse et ses recettes publicitaires aussi, vers qui se tourne en pleurnichant le champion français de la télé privée ?
L’Etat bien sûr.

Et c’est donc un livre blanc, pas moins, que TF1 a remis au gouvernement en fin d’année dernière, et dont Les Echos ont révélé l’essentiel du contenu la semaine dernière. Ce document répertorie tous les gros malheurs qui s’abattent sur la pauvre chaîne martyre du nouveau paysage audiovisuel de ces dernières années.
- Une panne d’imagination dans les programmes ?
- Des spectateurs qui désertent des émissions nulles et racoleuses ?
- Un manque de vista dans les nouvelles technologies ?
- Une incapacité à se développer à l’international ?

Vous n’y êtes pas.

Si TF1 souffre depuis quelque temps, c’est qu’il y a vraiment trop de concurrence et pas assez de chiffre d’affaires. Et que cette situation « intenable » met en péril notre « chaîne historique », ce qui conduit irrémédiablement à la « destruction de valeur collective ». Rien que ça.

Pauvre petite chaîne riche

C’est vrai quoi, la réglementation en matière de pub est vraiment trop contraignante ! TF1 n’a pas le droit de mettre autant de pub que l’on voudrait pendant les films. Et puis il y a la TNT, technologie numérique « marxiste » stigmatisée par l’inoubliable Le Lay, qui permet aujourd’hui aux téléspectateurs de recevoir gratuitement quatre fois plus de crétineries qu’au bon vieux temps de l’analogique.

C’est-à-dire que maintenant, les spectateurs ont droit non seulement à TF1, mais à des tas d’autres mini-TF1, encore plus trash, comme TMC, NRJ12 ou NT1 (dont certaines appartiennent d’ailleurs à TF1). Cette TNT diabolique a ouvert les portes du PAF à d’autres grands groupes, et pas des moindres : Lagardère, NRJ et Bolloré, qui eux se fichent sûrement de la « valeur collective » comme d’une guigne.

Sans compter les centaines de chaînes qu’on peut voir sur le satellite, le câble ou l’ADSL. Trop c’est trop ! La concurrence c’est comme toutes les bonnes choses, il ne faut pas en abuser. La télévision selon TF1, c’est tout de même mieux quand on n’est pas nombreux, quand on peut accumuler des centaines de millions d’euros de bénéfices chaque année (presque 300 millions d’euros en 2007 pour 2,8 milliards de Chiffre d’affaires) et profiter d’une position dominante sur la publicité avec 40% du marché (unique en Europe) sans être inquiété par trop d’importuns. Le tout en exploitant gratuitement une fréquence hertzienne de première bourre. Rappelons-le en passant, cette fréquence est un bien public (et donc une « valeur collective » ?) dont la jouissance a été accordée à Bouygues en 1987, en échange du respect d’un certain cahier des charges. Or on le sait, les obligations en terme de programmes sont depuis un sujet de plaisanterie de fin de repas chez les dirigeants de TF1.

Puisqu’on ne peut pas supprimer la concurrence...

Après lecture du livre blanc, Sarkozy est bouleversé (d’autant que la scène se passe en pleine période de Noël). Ce héros de la politique industrielle et des entreprises en difficulté n’hésite donc pas une seconde à voler au secours de ce champion de l’audiovisuel et du bon goût. Les médias, c’est encore plus son truc que les usines.
Surtout si c’est Bouygues, un ami de la famille, qui lui envoie un livre blanc en forme d’appel au secours. Qu’à cela ne tienne, inspiré par Minc, un fan de la télévision de qualité, il propose tout à trac la suppression de la publicité sur France Télévisions pendant son one man show de début d’année. Pas mal.

Mais est-ce suffisant pour faire cesser les gémissements et les malheurs de la pauvre chaîne ? Probablement pas.

Alors que faire de plus ? Supprimer la concurrence ? Difficile, les concurrents Bolloré et Lagardère sont aussi de la famille. Une solution plausible pour notre spécialiste des sauvetages industriels pourrait être d’organiser le rachat de TF1 par Bolloré, qui en rêve depuis longtemps, ou par Lagardère, qui n’a jamais réussi à se payer Canal+.

Mais il y a mieux encore. Une botte secrète proposée par Emmanuel Todd et reprise dans ces colonnes par Bernard Maris : pour sauver notre champion de l’audiovisuel français en péril, nationalisons-le. Un rachat de TF1 par France-télévisions, ça ce serait de la rupture !

Par JR le 11/03/2008 web Marianne2

Transmis par Linsay

Un retour au monopole public ? Chiche ! Mais alors vraiment démocratique ce coup-ci, sous le contrôle des salariés et des téléspectateurs...



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