Recrudescence des suicides dans les prisons françaises

jeudi 23 octobre 2008
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En une semaine, la maison d’arrêt de Metz-Queuleu (Moselle), présentée en août comme un établissement « modèle » par la ministre de la justice Rachida Dati, a connu trois tentatives de suicide et une pendaison : celle d’un jeune homme de 16 ans, Nabil L., incarcéré dans le quartier des mineurs, qui a mis fin à ses jours lundi 6 octobre.

Le délégué maison de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP) a expliqué que les détenus « utilisaient la pendaison comme moyen de pression auprès des surveillants », pour obtenir « un changement de cellule ou un téléviseur », et qu’ils y étaient encouragés par leurs camarades. Il s’agirait donc d’un « jeu qui a mal tourné » (« A la prison de Metz, “un jeu qui a mal tourné” », LeMonde.fr, 9 octobre 2008). « C’est un jeu où ils s’encouragent entre eux à se pendre pour demander une télévision, un changement de cellule, une boîte de tabac, des choses comme ça », a renchéri sur France Inter le secrétaire régional de la CGT-pénitentiaire.

Apparemment, les détenus français ont été d’humeur particulièrement joueuse ces derniers mois : on recense en effet 87 suicides en prison depuis le début de l’année 2008, soit, comme l’indique l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un communiqué intitulé « Indigence de la politique de prévention des suicides à l’égard des mineurs détenus » (9 octobre 2008), une hausse de 27% au premier semestre 2008 par rapport au premier semestre 2007.

Mme Maria Inès, cosecrétaire nationale du syndicat Snpes-PJJ-FSU, s’insurge contre l’usage du mot « jeu » : « Cette explication défend le système carcéral sans aller beaucoup plus loin. Elle ne met pas suffisamment en avant les souffrances de ces jeunes. Elle ne rappelle pas non plus que ces souffrances sont amplifiées par l’enfermement » (« “Entendre la souffrance des jeunes, au-delà de la demande d’une télévision” », entretien au site NouvelObs.com, 9 octobre 2008).

Jeudi 9 octobre, Mme Dati s’est rendue à la prison de Metz-Queuleu pour annoncer des mesures visant à prévenir les suicides de détenus mineurs : tout mineur condamné devra être présenté, avant son incarcération, à un magistrat du parquet qui lui expliquera les raisons pour lesquelles il entre en prison ; une « grille d’évaluation des risques suicidaires » spécifique aux mineurs, selon laquelle ces derniers seront « évalués » par des médecins à leur arrivée en détention, devra être élaborée en collaboration avec le ministère de la santé ; enfin, la formation des surveillants à la prévention des suicides de mineurs sera poursuivie.

Evolution de la population en prison

L’OIP déplore « qu’aucune stratégie spécifique n’ait été mise en œuvre à ce jour alors même que la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait demandé, dès décembre 2004, qu’une étude comparative soit réalisée pour mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus ».

Mme Inès, elle, commente : « Les magistrats expliquent toujours les raisons pour lesquelles ils sanctionnent un individu. Rachida Dati semble méconnaitre la fonction. Mais ce n’est pas parce que l’on explique au jeune la sanction qu’il va l’accepter ou qu’il ne va pas gravement déprimer. Tout cela participe d’une méconnaissance de ce qui se joue psychiquement chez les mineurs. Le fond du problème est que l’incarcération produit de la violence. »

Plus d’une centaine de suicides sont annuellement répertoriés dans les prisons françaises par l’administration pénitentiaire (AP) ; un décès presque tous les trois jours : sept fois plus qu’à l’extérieur. Parmi eux, une majorité de courtes peines, de prévenus, de jeunes issus de l’immigration, de malades. Lire « En France, suicides ou morts suspectes ? », par Jérôme Erbin, Le Monde diplomatique, juin 2003 (dossier « Prisons »).

Le Monde diplomatique 10/10/2008

Transmis par Linsay



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