La lutte continue

jeudi 6 mai 2010
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Au bout de 58 jours de grève les Fralib ont décidé de reprendre le travail afin de « poursuivre la lutte [sur les salaires] à l’intérieur ». Entretien avec Olivier Leberquier délégué syndical CGT de l’usine.

RM : Alors Olivier pourquoi cette reprise ?

Olivier : Notre revendication des 200€ de plus par mois était et reste légitime. Elle a pris une ampleur énorme grâce au conflit.
Avec les salarié-e-s on a fait le constat des acquis déjà obtenus et aussi des méthodes de la direction qui n’a cessé de jouer la provocation depuis le début du conflit [1] et qui voulait encore accentuer ses manœuvres. En continuant la lutte dans sa forme initiale on courrait le risque de voir le combat transposé sur le terrain judiciaire. Nous aurions dû alors nous battre contre les sanctions et non plus pour les salaires. On a donc décidé de se battre à l’intérieur sous d’autres formes notamment pour préparer la table ronde prévue fin juin/ début juillet avec le PDG d’UNILEVER où sera abordée la question de l’évolution des salaires

RM : quel est le climat parmi les salarié-e-s ?

Olivier : Cette décision de reprise on l’envisageait depuis plusieurs jours. On avait fait une assemblée générale il y a 15 jours où on avait parlé d’autres formes de lutte. Certains salarié-e-s étaient prêts à aller plus loin mais en tout état de cause nous nous étions dits dès le début, on sort ensemble, on rentre ensemble : c’est ce qu’on a fait. Les salarié-e-s rentrent « gonflés à bloc » : on est chez nous ! Ainsi dès ce matin, jour de reprise, un salarié à qui on voulait remettre en cause sa semaine de congés déjà prévue a dit : « je la prends » et est venu voir le syndicat. La hiérarchie a de suite senti qu’on était prêts à ressortir et la semaine a été accordée. Ce climat se traduit aussi par deux adhésions.

RM : Des éléments marquants de ce conflit ?

Olivier : Il y eu une grosse solidarité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’usine. Un haut niveau de conscience aussi qui explique que l’on a tenu 9 semaines et que ça n’a jamais dérapé. La question de la répartition des richesses, les salarié-e-s s’en sont saisis, c’est aujourd’hui une réflexion partagée. C’est un calcul que l’on peut faire dans toutes les entreprises (voir article). Les salarié-e-s sont parti-e-s en lutte à partir de leur situation personnelle puis ils ont saisi toute la dimension politique de leur lutte qui pose au fond la question d’un changement de société.

RM : Justement quel a été le rôle des politiques dans ce conflit ?

Olivier : Au niveau local ils ont toujours été présents [2] en particulier pour apporter la solidarité. Au niveau national cela a été moins évident. Il a sans doute manqué une réflexion et des propositions politiques à la hauteur des questions que posait la lutte des salarié-e-s. Ainsi notre revendication de limiter l’échelle des salaires de 1 à 4 n’a pas été reprise. De même celle de la nationalisation du groupe et des rapports internationaux. Quand on voit comment sont exploités les paysans du Sri Lanka qui vendent le thé à UNILEVER et dont le prix de leur travail n’a pas été réévalué depuis 20 ans (voir)…
Une seule fois la question du rôle d’UNILEVER tant vis-à-vis des salariés que des consommateurs et du Fisc a été bien abordée, c’est lorsque nous avons rencontré Michel Vaxes [3]. Il nous a dit la lutte commence…ce que les salarié-e-s en grève depuis plusieurs semaines ont eu sur le coup du mal à entendre mais que nous avons compris par : la lutte pour une autre répartition des richesses en France doit s’étendre et se poursuivre.

RM : Et alors comment vous allez poursuivre ?

Olivier : On va continuer dans l’usine mais aussi au niveau du groupe UNILEVER. Nous sommes en position de peser davantage dans le futur. Quand nous sommes montés au siège national à Rueil Malmaison des salarié-e-s du siège qui n’avaient jamais débrayé sont sortis avec nous. Ailleurs dans le groupe il y a des entreprises où il y a d’autres syndicats que la CGT [4], cela pose donc la question de l’unité syndicale. En prévisions des négociations salariales de 2011 nous nous sommes déjà mis d’accord avec les autres syndicats pour nous rencontrer d’ici là afin de définir une plate-forme syndicale commune et un plancher en dessous duquel il n’y aura pas de signature.
On va aussi continuer à avoir des contacts à l’extérieur du groupe.

Tu sais ce conflit on n’a pas fini d’en mesurer la portée. On veut faire une fête avant juin sur le site. A GEMATO, une boite de la zone il y a eu un débrayage spontané sur les salaires, comment ne pas voir un lien avec notre conflit ? Je pense que les salarié-e-s qui tous les matins passaient devant l’usine décorée avec le drapeau CGT flottant sur le toit, cela a dû les marquer. Et puis je veux redire toute l’importance de la solidarité (près de 50 000€ récoltés à ce jour et les dons arrivent encore et des initiatives sont prévues devant des entreprises). Pendant le conflit l’un d’entre nous a eu un décès, on s’est tous rassemblés. Ce conflit ça a été aussi une histoire de fraternité.


[1procès des dirigeants, demande d’expulsion alors que les grévistes n’occupaient pas le site, recours à des huissiers, violence verbale et physique, emploi de 5 garde du corps ( !?)…NDR

[2Ballon Rouge, NPA, PCF, Rouge Vif…

[3député PCF de Port de Bouc NDR

[4A Gémenos, la CGT est seule chez les ouvriers/employés et la CGC a participé de bout en bout au conflit NDR



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