Avec Carrefour, je précarise

jeudi 17 juin 2010

Après dix ans sur le marché belge, Carrefour licencie de nouveau. Outre-Quiévrain, les manières du groupe français passent mal.

Comment ce gâchis a-t-il pu se produire ? Comment se fait-il qu’un groupe de la taille de Carrefour ait pu échouer, pendant dix ans, à redresser les anciens magasins GB [leaders du marché belge au moment de leur rachat, en 2000], et doive aujourd’hui, après déjà tant de restructurations, annoncer encore 1 672 suppressions d’emplois ?

Face à une telle hécatombe, on aurait aimé, dans la bouche du patron de Carrefour Belgique, entendre parler d’autres choses que de commissions paritaires et de coûts salariaux. Gérard Lavinay serait sorti grandi s’il avait, au nom du groupe, fait son mea-culpa. S’il avait dénoncé les errements stratégiques de ces dix dernières années. Les valses-hésitations qui ont complètement brouillé l’image de la chaîne aux yeux du consommateur. Les erreurs d’appréciation face à la concurrence. Les magasins délabrés… Non. Au lieu de ça, il est retombé dans le travers de ses nombreux prédécesseurs : rejeter la faute sur le personnel et les syndicats.

Certes, il reconnaît que de nombreuses fautes ont été commises par le management. “Qui ne fait pas de fautes ?” lâche-t-il, badin. Pour ensuite expliquer le plus sérieusement du monde que, si Carrefour n’a pas réussi à s’imposer en Belgique, c’est parce qu’il n’a jamais pu aller au bout de ses projets en raison d’une structure de coûts plus lourde que dans la concurrence… Comme si la responsabilité de cet échec pouvait uniquement être imputée à des syndicats intransigeants et à des travailleurs surpayés.

C’est un peu court, même si c’est une partie de l’explication. Tout n’est pas noir et blanc. Lavinay insiste sur la différence salariale entre ses employés et ceux de Colruyt [enseigne belge concurrente, comme Delhaize]. Il se garde bien de dire que les travailleurs de Delhaize sont, dans certains cas, mieux payés que chez Carrefour. Le groupe français n’a tout simplement pas assuré, et le reconnaître simplement et publiquement aurait sans doute aidé tous ceux qui vont perdre leur emploi à un peu mieux surmonter cette épreuve. Carrefour voulait, avec ce plan, “repartir sur de nouvelles bases”. On peut craindre que cet objectif ne soit déjà compromis.

Par Jean-François Munster dans Le Soir le 04/06/2010

Transmis par Linsay



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