DIEBOLD : distributeur de chômeurs...

mercredi 14 février 2007
par  Charles Hoareau
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« La navale c’est fini, les doubles coques cela ne sert à rien » disaient ils ....15 ans avant l’Erika.
Il fallait tourner la page selon les experts européens et le pouvoir en place en France..
Alors l’Etat cet « être qui a deux bras un long pour ses amis, un court pour les autres » comme disait Machiavel, se mit à donner à des entreprises « nouvelles, modernes, de haute technologie » ce qu’il refusait au chantier de La Ciotat. C’est dans ces conditions qu’en 1986 BULL et OLIVETTI créent la Société Industrielle d’ Automatisation Bancaire (SIAB) avec force financements publics. A l’époque les deux compères s’engagent, en contrepartie des subventions, à garantir dans les 20 000 m² de locaux 300 emplois industriels dans le secteur de l’automatisme bancaire, la fabrication des cartes à puce. [1]

En Juillet 1998, SIAB devient une filiale de Wang Global (lui-même racheté par Getronics en mai 1999) et Bull.

En Avril 2000, DIEBOLD, entreprise américaine, prend le contrôle de SIAB. [2]

A l’époque d’aucuns y voient une véritable opportunité pour SIAB d’appartenir au leader mondial de son marché et de bénéficier ainsi de sa notoriété internationale. De même pour DIEBOLD il peut paraître judicieux de s’implanter sur le vieux continent en détenant un site de production tel que celui de Cassis.

En Septembre 2001 enfin, SIAB devient DIEBOLD CASSIS MANUFACTURING, (DCM) filiale à part entière de Diebold Incorporated.

Au passage la garantie du nombre d’emplois est passée à la trappe :
254 CDI en 1998
253 en 1999
242 en 2000
204 en 2004
126 en 2005
130 en 2006

C’est ce qui s’appelle le respect de la parole donnée version MEDEF et le contrôle des fonds publics version gouvernements...

En 2004 dans un Plan de sauvegarde de l’Emploi la Direction de Diebold prend un certain nombre d’engagements destinés à assurer, voire à développer, la pérennité et l’emploi du site de Cassis :

En 2005 nouveaux engagements : le site de Cassis est pérennisé ceux qui en doutent ne sont que des mauvaises langues !

25 avril 2006 la direction annonce sa décision de fermer définitivement le site de production de Cassis dans les semaines qui viennent et de le délocaliser en Hongrie. 130 emplois à la casse et vive l’Europe sociale !

Les salariés et leurs délégués CGT au CE avaient senti venir le coup. Dès octobre 2005, ils avaient lancé un droit d’alerte pour « sensibiliser la direction américaine du groupe aux multiples dysfonctionnements de notre organisation industrielle et sociale qui pénalisent fortement nos performances économiques. » En vain. Aujourd’hui Diebold explique tranquillement que la délocalisation va permettre d’être « le plus proche possible de ses fournisseurs pour une logique simplifiée ».

Comme le dit la CGT de l’entreprise « cette logique simplifiée, c’est toujours la même : on rachète une entreprise française performante, on lui « pique » son savoir-faire, puis on ferme l’entreprise pour délocaliser dans des pays à bas salaires et on fait payer les dégâts sociaux par la collectivité publique (Etat, Collectivités locales). C’est le règne de la finance, et des actionnaires qui veulent gagner toujours plus d’argent quelles qu’en soient les conséquences humaines, sociales et économiques. ».

Alors face à cette logique depuis le 10 janvier 2007 les salariés occupent le site pour faire valoir une autre logique.

Deux ans après les beaux engagements de 2005 force est de constater avec les occupants du site qu’ « aucun des moyens nécessaires pour assurer la pérennité du site de Cassis n’ont été mis en œuvre et ce en dépit du lancement de la nouvelle ligne de produits du Groupe Diebold en 2005 (la gamme Opteva).

Pourtant, le lancement de cette nouvelle ligne avait été au cœur de la justification de la restructuration de DCM fin 2004 et avait été présentée par le Groupe Diebold comme une garantie pour l’avenir du site de Cassis....Dès lors, nous pouvons légitimement nous interroger sur la réelle volonté du Groupe Diebold de maintenir ses activités à Cassis, et ce depuis près de 18 mois. »

Ils peuvent d’autant plus s’interroger que leurs arguments ne manquent pas et ils les développent largement sur leur blog . [3]

Comme ils l’expliquent longuement et clairement des solutions existent pour sauver DCM : investissement, réorganisation de la production...Voir le détail sur le blog
Ces propositions ont été remises à la direction de DCM et discutées avec le représentant du groupe Diebold début avril 2006 avant même l’annonce de la fermeture. A l’époque la pertinence de ces propositions a été largement partagée par l’ensemble des acteurs de l’entreprise : les opérateurs, l’encadrement, les élus et l’actionnaire.

Alors pourquoi partir ? D’abord parce que le politique le lui permet : c’est cela le libéralisme, au nom de la « liberté » de quelques uns au détriment de celle de tous et de leur bien être, on laisse aux entreprises la « liberté » de faire et de défaire le social au gré des affaires.
Ensuite parce que sans doute le groupe Diebold estime qu’il a consommé ici un maximum d’aides publiques et que 18 ans après la fermeture du chantier naval le flot des aides n’est plus assez important à son goût même s’il représente en France - faut il le rappeler - 62 milliards d’euros pour l’année écoulée !

Il va ailleurs chercher sur les bas salaires la poursuite de sa production à moindre coût.

Suite à l’annonce de la fermeture, 9 mois plus tard, la seule solution proposée était la délocalisation, sur une partie du site de Cassis, de la société Moteur BAUDOIN de Marseille, et la création de seulement 20 emplois en 2007 avec la bénédiction de la Chambre de Commerce et de la mairie de CASSIS. Dans cette optique cette dernière a voté lors d’un conseil municipal le rachat du bail emphytéotique à la Société Diebold pour un montant de 4,7 Millions d’Euros. On licencie et en plus on empoche !!

Evidemment les Diebold sont décidés à ne pas laisser faire. Après plus d’un mois d’occupation ils tiennent ce jeudi 15 février une conférence de presse et annoncent pour le 23 une manif pour l’emploi à Aubagne en compagnie entre autres des Fralieb, leurs voisins en lutte pour les mêmes raisons et contre la même logique.

Du côté de la préfecture on est bien obligé de constater le manque de volonté de dialogue de Diebold (c’est le moins que l’on puisse dire !!!). A défaut de mesure politique forte (mais avec ce gouvernement personne ne rêve !) du style nationalisation et mise sous séquestre de l’outil de production on accède aux demandes de la CGT d’organiser des tables rondes sur l’avenir du site et sa revitalisation. Vous avez remarqué vous aussi que l’on n’a jamais autant parlé de revitalisation que depuis que le grand patronat passe ses journées à casser l’emploi industriel ?

De tables rondes en actions diverses, sous la pression des salariés, le gain en emplois sauvés augmente.... Aujourd’hui la mode étant aux pôles de compétitivité, la préfecture promet une revitalisation... compétitive.

Et vous savez qu’elle est la première condition posée aux entreprises qui voudraient s’installer aujourd’hui sur le site de Cassis et y créer des emplois ?

Que ceux-ci soient liés à la navale !!!

Vous allez voir qu’après avoir fermé toutes les mines et les chantiers navals de ce pays on va les rouvrir ...et donner raison à la CGT 15 ans et des milliers de licenciements plus tard...

On est chez les fous...


[1Le chantier naval qui avait salarié jusqu’à 11000 ouvriers employait jusqu’en 1989 6000 salariés. Le projet de relance du groupe Lexmar soutenu par la CGT prévoyait la création de 2000 emplois dans la construction de pétroliers double coque et double fond afin d’éviter les marées noires.

[2Diebold vous connaissez certainement : rappelez vous l’élection de Bush grâce aux merveilleuses machines à voter : c’est Diebold ! http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=1878 .Elle emploie 14 000 salariés à travers le monde

[3Marché en pleine croissance (+26% en 2 ans de 2003 à 2005), DCM sous utilisé par le Groupe Diebold (si le Groupe donnait à DCM tous les systèmes à produire pour l’Europe, la production de DCM serait de 15.500 systèmes, contre 6.000 aujourd’hui), les composants pour fabriquer les systèmes viennent principalement des Etats-Unis et de Chine : les expédier en Hongrie serait plus cher...



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