Renouons avec la victoire, construisons-la !!

dimanche 12 décembre 2010
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Jean-Claude Guillebaud, à l’occasion d’un de ses derniers billets de Sud Ouest Dimanche, mettait en évidence la « sourde inquiétude » qu’il percevait en France et, plus largement encore, chez les peuples d’Europe. A sa façon, il montrait ce que je m’efforce de faire depuis pas mal de temps déjà, à savoir que « la question des retraites n’était pas seule en cause » dans la crise sociale actuelle.

Le sourd malaise

« Cette réforme-là, poursuivait-il, lancée dans un climat de suspicion et de scandales, a favorisé la cristallisation de quantités de frustrations éparses, de colères rentrées, de désarroi confus...Une chose est sûre : le sourd malaise est plus profond qu’on ne le croit.
« L’avenir dira jusqu’où cette grande inquiétude nous conduira...Ce n’est pas la « pédagogie explicative » promise par les ministres, ni les stratégies électorales déjà en oeuvre à gauche comme à droite, qui pourront la conjurer. Elle est plus globale, plus sérieuse, plus grave.
Il ajoutait encore, parce que c’est aussi une réalité, « qu’elle n’est pas propre à la France », qu’elle « court aujourd’hui dans toute l’Europe comme un frisson de fièvre, même si elle prend ici et là des visages divers... »
Et il en arrivait aux causes, au moins aux symptômes, lesquels peuvent être différents, mais procèdent d’une même maladie : celle du déclin historique...du spectre du déclin, car ce dernier n’est pas fatal. »

Le déclin historique

Et il développait son idée : « Les Français, comme leurs voisins, sentent que l’Europe n’est plus le centre du monde. La grande histoire de l’avenir – y compris la leur – se joue désormais ailleurs, quelque part entre l’Asie et l’Amérique du Nord. Notre Vieux Continent, nostalgique de sa grandeur perdue, constitué de nations vieillissantes, dépositaire d’un modèle social-démocrate qu’il n’arrive plus à financer, s’enlise d’année en année dans une redoutable « fatigue historique ».
Pour lui cependant, cette fatigue « est d’autant plus inquiétante que la construction européenne – qui devait nous donner un second souffle - « est aujourd’hui en berne, pour ne pas dire plus. Chaque pays se débat isolément pour éviter la noyade. Quant au couple franco-allemand, vrai moteur du projet, il paraît se défaire... »

La spinta e esaurita

J’arrête là la citation, déjà conséquente, en m’étonnant de ce que Jean-Claude Guillebaud n’aille pas plus avant dans les causes de cette « fatigue historique ».
Pour sa part, mon ami Pierre, dont j’ai parlé dans mon dernier article évoque lui « la spinta è esaurita » ( la poussée est épuisée, éteinte ), se référant à Berlinguer le disant au début des années 70 pour la révolution russe prolétarienne.
Et Pierre ajoute lui, pour mieux se faire comprendre : « Dans le cadre de ces deux siècles de la grande industrie mécanisée, de la révolution bourgeoise et des institutions et cultures qui correspondent à cette grande industrie mécanisée, c’est la poussée bourgeoise qui est épuisée et qui appelle une autre civilisation. »

Nous sommes tous des irlandais

L’heure de dire : « Nous sommes tous des Irlandais » n’était pas encore venue, et Pierre complétait : « L’illustration de la situation grecque, économique, financière, institutionnelle, électorale, est une représentation d’une situation qui se répand à toute notre civilisation dite « occidentale. »
Il poursuivait, d’une façon qui se voulait plus « dialectique » que ce que j’avais l’habitude de dire : « Le repli des couches populaires, vers le passé et sa mythisation conservatrice avec le vote d’extrême-droite, ou la défection massive des urnes lucide et consciente de la réalité de la démocratie représentative en crise dans la crise, ou « purement » protestataire, montre que seules une part des couches moyennes se sentent encore concernées, et pour un temps seulement si la crise ne trouve pas d’issue. »

Le refus de la démocratie pourrissante

« De là, poursuivait Pierre, à préconiser le refus de cette démocratie pourrissante par l’appel au boycott des élections, il n’y a qu’un pas. Je pense cependant que cette défection est la négation de ce pourrissement et que la construction de formes nouvelles s’appuyant sur la démocratie du producteur du « que, quoi, et comment produire » ne se nourrira pas que de l’abstention mais de tout ce qui se manifestera au-delà de la négation, comme négation de la négation, en particulier l’expression des forces de transformation à l’intérieur de la démocratie bourgeoise, et qui peut ou non s’exprimer dans des élections « traditionnelles ».

Pierre est souvent difficile à suivre dans le mouvement de théorisation qui lui est naturel. S’il veut dire qu’il en est parmi ceux qui ont voté qui partagent les motivations de ceux qui ont boycotté, on ne peut que le suivre, combien sont celles et ceux qui m’ont dit qu’ils partageaient largement ce que je disais mais que quelque chose de profond en eux-mêmes les obligeait à aller vers les isoloirs et les urnes.

Le choix majoritaire du peuple

Reste que ce qui est apparent dans les résultats exprimés est déjà suffisamment fort, déjà suffisamment significatif, pour que l’on puisse prendre appui sur lui comme étant l’expression du choix majoritaire du peuple français, choix exprimé, selon les élections, soit dans le vote, soit dans le boycott du vote.
Ainsi, s’agissant des résultats du référendum du 29 mai 2005 en France, il y a eu 30,68% d’abstentions et 54,68% des électeurs exprimés ont rejeté le projet de donner une Constitution qui aurait officialisé l’existence d’un Etat européen.
Rejetant le projet, ils ont aussi rendu caduc les divers traités constitutifs européens qui étaient repris par le texte, on ne voit pas d’ailleurs comment il aurait pu en être autrement.

L’Union Européenne n’a plus d’existence légale

Au total, sans traités constitutifs, l’Union européenne n’avait plus aucune existence légale, et n’a toujours pas d’existence légale.
Nier cette réalité constitue le premier coup d’Etat réalisé ou cautionné par les principales forces politiques françaises.
D’autant plus qu’alors le projet de traité est rejeté également par le vote des Hollandais le 1er juin 2005, puis par le vote des Irlandais le 13 juin 2008.
Trois votes, alors qu’il en suffit d’un seul pour annuler le projet, puisque son entrée en vigueur est conditionnée à la ratification par la totalité des membres de l’Union, soit par référendum, soit par voie parlementaire.

Les peuples ont mal vote, ils doivent revoter

Les gouvernements européens, en apparence solidaires, vont donc dans un premier temps arrêter le processus de ratification du TCE, semblant prendre en compte la décision des peuples.
Ce n’est cependant que le début de la contre-offensive qu’ils ont décidée. En fait ils ont décidé de faire revoter ceux des peuples qui ont mal voté, et les autres dans le même mouvement, sur une nouvelle mouture du traité, nouvelle mouture qui ressemble comme un soeur à la précédente. C’est le projet de traité de Lisbonne !
On modifie ainsi les apparences, mais on maintient le fonds, la naissance d’un Etat européen, et au lieu de faire voter les peuples, on va faire voter leurs représentants, en général plus dociles et plus compréhensifs !
C’est là que se situe pour Anne-Marie Le Pourhiet, constitutionnaliste, et donc sensée savoir ce dont elle parle, le second coup d’Etat, au moins s’agissant de la France.

Le peuple, seul souverain ou pas !

En France, où selon les constitutions le peuple est souverain, seul le peuple peut remettre en cause ce qu’il a fait, ce qu’il a décidé.
Recourir alors à la voie parlementaire, demander aux « représentants » du peuple de se substituer au peuple lui-même pour remettre en cause ce qu’a décidé le peuple, là réside le viol, là réside le crime comme l’aurait dit Victor Hugo.
Et, encore aujourd’hui, à ma connaissance, personne, ni une quelconque organisation ou parti, ou tout autre, n’a remis en cause les affirmations accusatrices de Anne-Marie Le Pourhiet !
C’est dans ce silence honteux que députés et sénateurs se sont rendus à Versailles cautionnant par leur présence la « légalité » du coup d’Etat !

Effacer la victoire du peuple

Silence doublement honteux d’ailleurs puisque ce qui était affirmé ce jour funeste ce n’était pas seulement le viol démocratique.
Ce qui était effacé du même mouvement, et c’est certainement là l’essentiel, c’est la victoire, c’est la victoire que constituait pour le peuple français le résultat du référendum.
Pour la première fois depuis longtemps, le peuple français gagnait une bataille politique.
Et il gagnait même une bataille politique essentielle : il mettait fin à l’Europe capitaliste ! Il mettait également fin à toutes les créations de cette Europe qui avait déjà tant joué contre les peuples, en particulier, il mettait fin à cette création du Traité de Maastritch, l’euro, qui en France s’était substitué au franc !

A jamais disqualifiés

Honte, honte, honte à toutes celles et ceux qui ont confisqué cette victoire et continuent de l’ignorer, sinon à la nier dans les faits !
Ils sont à jamais disqualifiés pour parler au nom du peuple français !
Qu’ils s’en aillent, qu’ils disparaissent !
Le peuple français n’a pas besoin de ceux qui ont « torpillé », et continuent de « torpiller » cette victoire essentielle, dont la reconnaissance forte et entière aurait pu changer bien des choses.
Bien évidemment, on ne peut refaire l’histoire, mais il n’est pas interdit d’en tirer les leçons !
Parce que les « torpilleurs » ne se sont pas arrêtés là !
Ils ont mis en scène l’acte suivant, celui de l’élection présidentielle.

Chacun a bien joué son rôle

Chacun a bien joué son rôle dans l’échec d’un processus unitaire qui aurait pu parvenir à un candidat s’exprimant au nom de la majorité qui l’avait emporté en 2005.
Un candidat qui aurait pu dire : « Je vous ai entendu ! Nous allons concrétiser ensemble ce que vous avez dit au référendum. Vous avez dit tout à la fois NON à l’Europe et NON au capitalisme ! Et vous avez dit NON à ces institutions qui vous volent la démocratie ! Alors, comment fait-on pour transformer l’essai ? Et comment s’organise-ton pour le faire ?
Ce candidat unitaire et ce programme n’ont pas pu prendre vie, au lieu de construire l’espérance, les « torpilleurs » ont trahi. Et Sarkozy a été élu !
Il leur doit une reconnaissance éternelle !

Le peuple sait qu’il a gagné en 2005

Mais tout cela n’est pas perdu, le peuple a de la mémoire, il sait qu’il a gagné en 2005.
Il sait que le « déclin » dont parle Jean-Claude Guillebaud n’est pas fatal, qu’il a des causes, et que ces causes il faut les trouver dans le capitalisme et sa crise...
Parce que le « déclin », c’est la crise du capitalisme, d’un capitalisme qui arrive dans ses fins et ne veut pas accepter le fait qu’il va mourir.
Parce que, depuis 2005, le peuple, le mouvement populaire ont réaffirmé, confirmé et consolidé fortement le rapport des forces qui s’était exprimé en 2005, 54% des exprimés.
En 2009, c’est 60% des inscrits, et la quasi totalité des peuples d’Europe qui, à des majorités souvent supérieures, ont boycotté les urnes de l’élection au Parlement européen.

Un rapport des forces consolidé

Et, en 2010, après le boycott à nouveau majoritaire des élections régionales, c’est ce mouvement qui, à plus de 70%, se cristallise autour de la question des retraites, comme le montre Guillebaud.
Et 2010, c’est encore cette enquête de la Sofres qui met en évidence qu’à 72% la majorité des salariés français considère le capitalisme comme négatif.
Et c’est en 2010 que nous sommes tous des Grecs !
Et c’est en 2010 encore que nous sommes tous des Irlandais !
Et c’est en 2011, peut-être avant, que nous serons tous des Portugais, des Espagnols, des Italiens, avant de redevenir ensemble des Français...

Ensemble pour une autre France, un autre monde

Bref, nous, peuples d’Europe, avant longtemps, nous allons nous retrouver ensemble, non point pour faire un nouveau « bloc » qui s’opposerait, ou se mettrait en concurrence avec d’autres « blocs », mais pour construire ensemble un autre monde, une autre humanité, une autre civilisation.
En France, nous sommes une très grande majorité à vouloir renouer avec la victoire dont nous avons été dépossédés une première fois.
En France, nous sommes le peuple... le peuple contre les « torpilleurs » de tous poils !
En France, nous sommes le nombre, c’est nous qui devons décider, c’est cela la démocratie !
En France, donnons-nous notre calendrier.
En France, donnons-nous l’organisation dont nous avons besoin. Nos aînés de 1789, 1790... avaient trouvé la recette qui a conduit à l’élaboration des Cahiers de doléances, à la prise de la Bastille, et à la Fête de la Fédération.
La recette, d’autres peuples l’ont expérimentée depuis.
Finissons-en avec les Bastilles du capital, les bastilles de notre temps, en nous donnant les moyens de notre temps !



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