Duel au sommet entre Pékin et Washington
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Sur le blog de Martine Bulard le 24/09/2009
Transmis par Linsay
Lors du précédent G20 , le 2 avril 2009 à Londres, la Chine avait marqué son retour sur la scène mondiale par une déclaration fracassante contre le dollar et pour une monnaie réellement internationale, « déconnectée des nations individuelles » (voir « Pékin, le dollar et le G20 », 31 mars 2009). Cette fois, alors que se tient le sommet de Pittsburgh, les 24 et 25 septembre, c’est l’Amérique qui pointe du doigt la Chine, accusée de pratiques commerciales déloyales.
M. Barack Obama, accusant les firmes chinoises de dumping, a même décidé d’imposer des droits de douane de 35 % sur les pneus en provenance de Chine. Les syndicats des groupes américains concurrencés par les produits chinois le réclamaient à cors et à cris.
La guerre du pneu est donc déclarée, immédiatement étendue à l’ensemble de l’automobile. Pékin fait valoir qu’en matière de subventions, Washington s’est montré particulièrement prodigue à l’égard de sa propre industrie automobile. Les dirigeants chinois menacent donc à leur tour de taxer les véhicules américains, alors que leurs propres fabricants connaissent des déboires à l’exportation (- 22 % de janvier à août 2009). L’affaire se réglera devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC)…
Mais, pendant les escarmouches, les affaires continuent : Washington fait marcher la planche à billets pour financer ses énormes déficits, tandis que Pékin achète des dollars, une arme de dissuasion financière que les dirigeants veulent garder en main… en espérant qu’elle ne leur explose pas à la figure. Le billet vert peut en effet s’effondrer. Il a d’ailleurs (re)commencé à plonger, mais, pour l’heure, le yuan lui demeure arrimé. Du coup, ce sont les autres monnaies (euro, yen..) qui grimpent ; ce qui pénalise leurs exportations et leur croissance. Comme on l’a dit à plusieurs reprises, les deux géants se tiennent par la barbichette ; mais chacun mène sa barque en fonction de ses intérêts et de sa vision du monde. Ainsi, Pékin multiplie les accords financiers contournant le dollar et augmente ses réserves d’or, qui atteignent 1 054 tonnes actuellement contre 400 en 2003.
Au total, l’expression « Chimérique » inventée par l’historien Niall Ferguson est certainement plus appropriée pour décrire les relations entre les deux grands que la formule « Chinamérique », à la mode dans les rédactions, et supposée traduire une volonté commune de diriger le monde (lire « Le fantasme de la “Chinamérique” », 29 juillet 2009).
En tout cas, Pékin arrive au G20 avec des performances économiques à faire rêver les Occidentaux. Malgré une demande américaine et européenne en régression, l’empire du Milieu affiche une croissance avoisinant les 8,5 % au troisième trimestre, et devrait terminer l’année avec un taux de 8,2 %, selon la Banque asiatique de développement (BAD). C’est le seul pays à obtenir de tels résultats, même si l’Inde connaît elle aussi une croissance positive (+ 6 %), de même que l’Indonésie (+ 4, 3 %).
Certes, il faut toujours se montrer prudent avec les statistiques nationales. Il reste que l’énorme plan de relance (4 000 milliards de yuans — 465 milliards d’euros) décidé en novembre 2008 s’est avéré efficace. « Personne ici ne parle d’un “retour à la normale sans emploi” » , ironise Keith Bradsher, qui établit un parallèle entre le rebond chinois et les « embardées américaines » (« China speeds to recovery as US lurches », International Herald Tribune, 19-20 septembre 2009). Selon lui, si, en début d’année, « les firmes ont réduit de 20 à 30 % le nombre de leurs salariés, actuellement elles en réembauchent 10 % ». En fait, la plus grande partie des mingong touchés par la crise ont vu leur salaire diminuer plutôt que leur emploi rayé de la carte (Lire Tristan de Bourbon, « La crise vue de Chine », Le Monde diplomatique, juin 2009).
De toute évidence, une partie des mesures prises pour relever la consommation des biens d’équipement ménager (voitures, réfrigérateurs, etc…), notamment à la campagne, a porté ses fruits. Il faut également souligner les premiers efforts destinés à bâtir un système de protection sociale : indemnités chômage pour les mingongs dans certaines provinces, pension retraite de 55 yuans par mois (5,3 euros) pour les ruraux, revalorisation du système public de santé…
Pour autant, le moteur de la croissance chinoise demeure l’investissement (45 % du produit intérieur brut). Le pouvoir a mis le paquet sur les énergies propres, les nouvelles technologies, la recherche, etc. Toutefois, le risque est grand de voir se former de nouvelles bulles immobilières ou se multiplier les projets douteux et peu utiles. Inquiet devant la surchauffe du crédit, le gouvernement a légèrement refermé le robinet des prêts à la rentrée. Mais, lors de la réunion du dernier Comité central du parti communiste chinois, qui s’est tenue du 15 au 18 septembre, le gouvernement a assuré qu’il « maintiendrait une politique souple » afin de ne pas casser la croissance. « Le parti communiste, a reconnu le président chinois, est confronté à une tâche difficile consistant à sauvegarder et améliorer le niveau de vie de la population et à maintenir la stabilité sociale. »
A quelques jours des festivités du soixantième anniversaire de la proclamation de la République populaire de Chine (lire, dans le numéro d’octobre 2009 du Monde diplomatique, en kiosques le 30 septembre, « Retour sur la Chine de la Révolution culturelle », par Solange Brand), le pouvoir craint toujours la montée du mécontentement social. Il a lancé une grande campagne contre la corruption des dirigeants locaux, souvent à l’origine des manifestations populaires.
Fait significatif, selon South China Morning Post (« Beijing rains on provinces’ parades with ban on marking anniversary », 17 septembre 2009), une directive a été envoyée aux autorités provinciales pour les inviter, « compte tenu de la crise, à faire preuve de retenue » dans les dépenses engagées à l’occasion du soixantième anniversaire, à éviter « la prodigalité et le gaspillage ». A Pékin, le gouvernement a transformé la capitale en forteresse assiégée, tandis qu’il a quasiment interdit l’accès des étrangers au Tibet et au Xinjiang.
Vers une « communauté de l’Asie de l’Est » ?
Le nouveau premier ministre japonais Hatoyama Yukio entend redéfinir ses relations internationales (lire l’article d’Odaira Namihei dans Le Monde diplomatique d’octobre) pour que le Japon soit moins dépendant des Etats-Unis et plus serein dans ses rapports avec la Chine. Lors de sa rencontre avec M. Hu Jintao, les deux dirigeants sont convenus de « transformer les eaux troubles de la mer de Chine en une mer de fraternité », comme l’indique The Japan Times (« Hatoyama Proposes creating an Asian EU », 23 septembre 2009.) Il y a évidemment loin de la coupe au lèvres… Mais l’intention mérite d’être notée.
De plus, le leader japonais a proposé que les deux géants asiatiques soient les promoteurs d’une « Communauté est-asiatique sur le modèle de l’Union européeenne ». Le dynamisme de l’économie chinoise, qui tire la croissance asiatique et celle du Japon, explique, pour partie, cette nouvelle orientation à Tokyo.
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