La gauche n’est-elle que maladroite ?
popularité : 3%
L’auteur, lui même habitant d’un quartier pauvre de la ville où se côtoient mille nationalités et origines différentes, dit sa colère après une drôle de manifestation
En son temps Rocard avait déclaré : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde ». Besson (issu lui aussi du PS) et d’autres ont fait leur cette formule. Il est de bon ton de stigmatiser l’étranger. Surtout quand il est pauvre. La gauche marseillaise, hélas, leur emboîte le pas.
Les CIQ (Comités d’intérêts de quartier) du XVe arrondissement ont appelé à manifester le samedi 17 octobre, pour protester contre la décision de la Préfecture de transformer la bastide de la Guillermy (laissée à l’abandon depuis le départ des gendarmes) en une aire d’accueil pour les "gens du voyage”. Drapés dans leurs écharpes républicaines, de nombreux élus ouvraient la marche. On pouvait reconnaître entre autres, Samia Ghali, maire PS de la mairie des 15e/16e arrondissement (quartiers Nord) de Marseille née dans la cité pauvre de Bassens, la milliardaire Sylvie Andrieux, PS, actuellement en délicatesse avec la justice qui enquête sur des versements douteux au profit de diverses associations, le député PS du coin Henri Jibrayel et… Jean-Marc Coppola, ancien secrétaire de la fédération du Parti Communiste et actuellement vice président du conseil régional ! La main sur le cœur, ils affirment tous qu’ils n’ont rien contre ces populations, mais qu’il ne faut pas “ajouter de la misère à la misère”. "Ne nous trompons pas de cible dans ce combat, déclare ainsi Henri Jibrayel. Les Rroms sont victimes d’un choix du Maire et de l’Etat. Oui nous voulons trouver un site pour cette population mais pas dans nos quartiers qui sont déjà touchés par de nombreux problèmes". Samia Ghali ajoutant dans son langage fleuri : "J’en ai ras le bol que dès que l’Etat intervient sur ces quartiers c’est pour s’y débarrasser de questions encombrantes, ne rajoutons pas de la misère à la misère".
_ « Ce n’est pas un combat contre les Roms, une population déjà discriminée. Mais s’ils s’installent ici, on va rajouter de la misère sur la misère. On a déjà notre quota (sic !) », estime Gérard Marletti, président de la confédération générale des comités d’intérêts de quartiers (CIQ) du 15e arrondissement
Bref, que ces populations indésirables soient envoyées au Roucas Blanc [1]ou à Cassis !
Cette rhétorique est en fait récurrente et cela depuis de nombreuses années. Pour mémoire, citons la l’action de la municipalité [2] de Vitry sur Seine qui empêche, à l’aide d’un bulldozer, le 24 décembre 1980, la construction d’un foyer de travailleurs devant abriter 300 maliens, le coup d’éclat de Robert Hue en février 1981 qui organise une manifestation contre une famille marocaine à Montigny les Cormeilles, suite à une lettre de dénonciation d’une voisine de la famille l’accusant sans preuve de trafic de drogue, ou les gesticulations de Jean-Pierre Brard qui refuse en mars 1985, la construction d’un nouveau foyer de travailleurs immigrés sur la commune de Montreuil.
Plus près de nous, Frédéric Dutoit [3] n’a eu de cesse de s’opposer à la construction d’une grande mosquée sur l’emplacement des anciens abattoirs : il a été balayé lors des dernières élections municipales. Des « communistes » de la Belle de Mai, après l’organisation d’un rassemblement contre les nuisances d’une boucherie hallal ont vu le Front National s’implanter dans ce quartier populaire.
L’alliance Rouge-Rose-Brun
Cet aréopage nauséabond réunissait près de 700 manifestants dans le quartier des Aygalades, cité HLM de “13 habitat” (anciennement Opac Sud, dirigée par le Conseil Général) qui comporte une forte communauté gitane. Outre les élus, le Président de 13 habitat, le Président des CIQ du XVe arrondissement et le Président des associations des copropriétaires avaient fait le déplacement. Affirmant que cette manifestation n’était ni de droite, ni de gauche —je les engage à lire les aphorismes du philosophe Alain que tous les bacheliers ont étudié [4] —, ils se présentaient comme des “citoyens”, outrés de ne pas avoir été consultés, alors que des associations (Fondation Abbé Pierre, Ligue des droits de l’homme, Rencontres Tsiganes) “étrangères au quartier” avaient bénéficié d’une écoute favorable.
Les mêmes qui inaugurent un musée de la déportation aux Milles, ancien camp où transitèrent de nombreux Tsiganes, se retrouvent pour stigmatiser leurs petits enfants errant d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un sqat à l’autre…
Les Rroms seraient de 2 à 3 000 à Marseille, venus principalement de Roumanie ou de Bulgarie, deux pays de l’Union Européenne, et bénéficiant en cela de la libre circulation voulue par les accords de Schengen.
Une précédente vague d’immigration eut lieu en 1995, après les accords de Dayton, mettant fin au conflit dans l’ex-Yougoslavie. Bosniaques, ils furent accusés d’avoir été des agents du pouvoir Serbe par les musulmans, alors que nombre d’entre eux furent exécutés par les Serbes pour être musulmans. L’accueil qui leur fut réservé à “Félix Pyat” [5]est comparable à la générosité affichée par les élus de gauche du XVe arrondissement.
Au moment où la droite, labourant sur les terres du Front National, relance le débat sur l’identité nationale et que Nicolas Sarkozy reprend la phraséologie pétainiste, une telle manifestation n’est pas seulement honteuse.
Elle est un acte participant à la fascisation de la société et doit être combattu comme telle. Contre les fascistes, les mots ne suffisent pas. Nous devons nous organiser pour faire barrage à cette banalisation de l’exclusion de populations stigmatisées et encore aujourd’hui présentées comme des “voleurs de poule” et envisager des contre manifestations.
Les autorités préfectorales semblent avoir cédé aux sirènes des manifestants racistes honteux de la gauche institutionnelle marseillaise, en renonçant à leur projet. La question demeure cependant et nous devons envisager les prochains terrains d’affrontement. Le fascisme ne passera pas, dusse-t-il se colorer de rose ou de rouge !
[1] quartier réputé huppé de Marseille
[2] à direction PCF
[3] ex maire PCF de ces mêmes quartiers Nord
[4] Lorsqu’on me demande si la rupture entre les partis de droite et les partis de gauche, les hommes de droite et les hommes de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que celui qui le demande n’est pas un homme de gauche. Alain (de son vrai nom Emile Auguste Chartier 1868-1951) Propos sur les pouvoirs
[5] autre quartier pauvre de la ville en bordure des quartiers Nord NDR
Commentaires