Le gouvernement français empêche la résolution du conflit.
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Chaque année depuis 1991, date du cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, le Conseil de Sécurité des Nations unies adopte une résolution sur le Sahara occidental pour réaffirmer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination mais la solution entre les parties doit être « mutuellement acceptable ». Cette contrainte laisse donc la possibilité au Maroc de bloquer toute solution qui ne lui plait pas. Et il ne s’en prive pas ! Après avoir mis en cause le recensement des électeurs sahraouis, il a refusé tous les plans de l’ONU (comme le plan Baker) qui débouchaient sur un référendum d’autodétermination. En 2007, il a repris sa proposition ancienne d’autonomie sous souveraineté marocaine qu’il veut aujourd’hui imposer au centre des négociations directes qui se sont ouvertes en 2007 sous l’égide des Nations unies.
Le 30 avril 2009, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté la résolution 1871 qui prolongeait d’un an le mandat de la mission des Nations unies au Sahara occidental (MINURSO) mise en place en 1991 pour surveiller le maintien du cessez-le-feu et préparer...le référendum. Des pays membres du Conseil de sécurité, choqués par la répression de la population sahraouie dans les territoires occupés, avaient demandé que la résolution ne se contente pas de répéter les formules habituelles sur « l’autodétermination » mais aborde clairement la question des droits de l’homme. La France s’y était fermement opposée.
Un an plus tard, en avril 2010, le Conseil de sécurité de l’ONU réexamine la question du Sahara occidental pour adopter une nouvelle résolution. Pendant plusieurs semaines, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et les 15 membres du Conseil de sécurité ont été submergés de pétitions, courriers, appels émanant de personnalités (José Saramago, Eduardo Galeano...), d’élus et d’associations internationales des droits de l’homme (Amnesty International , Human Rights Watch, Front Line...) pour demander l’inclusion de la surveillance des droits de l’homme dans les compétences de la MINURSO.
De nombreux pays européens (Grande-Bretagne, Autriche), sud-américains (Brésil, Mexique) et africains (Nigeria, Ouganda) y étaient favorables. Les Sahraouis avaient enfin l’espoir de pouvoir sortir du cycle de la répression, des procès et des emprisonnements.
C’était une fois de plus sans compter avec la France dont le représentant à l’ONU a bloqué toute référence à un mécanisme de surveillance des droits de l’homme dans la résolution adoptée le 30 avril 2010.
Laissons les Sahraouis exprimer leur colère après ce coup de poignard par la voix d’Abdeslam Omar Lahsen, président de l’Association des Familles de prisonniers et de disparus sahraouis (AFAPREDESA), dans une « lettre ouverte au peuple français » :
" C’est avec consternation et stupeur que nous avons appris que le gouvernement français s’est opposé farouchement à toute mention des droits de l’homme dans la résolution. Le pire, c’est que la France était le seul pays du Conseil à montrer, avec autant d’acharnement, une telle opposition (...)
Désormais tout est clair : la France officielle est le principal obstacle à la paix au Sahara Occidental. Elle ne s’est pas contentée d’utiliser ses jaguars sophistiqués contre le peuple sahraoui en détresse dans les années 70, d’armer jusqu’aux dents une force d’agression qui viole la légalité internationale, de financer un régime qui viole systématiquement les droits de l’homme du peuple sahraoui et du peuple marocain frère et de signer des accords illicites qui pillent les ressources naturelles du Sahara Occidental.
En plus de tout cela, le gouvernement français vient de priver le peuple sahraoui de la simple surveillance des droits de l’homme par la mission des Nations unies pour le référendum au Sahara Occidental (MINURSO)". Résultat, la MINURSO (dont le mandat est prolongé jusqu’au 30 avril 2011) reste la seule mission de maintien de la paix des Nations unies sans prérogative de surveillance des droits de l’homme dans le cadre de son mandat. Les Sahraouis peuvent être tabassés devant les bureaux de la MINURSO à El Aaiun, les responsables onusiens ne bougent pas, n’interviennent pas ; ils empêchent même les Sahraouis victimes des violences policières de se réfugier dans leurs locaux !
A l’ONU, la France ne s’est pas contentée de bloquer le dossier des droits de l’homme. Son représentant s’est fait l’avocat du Maroc en soutenant ouvertement sa proposition d’autonomie qui bafoue la légalité internationale fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Voici le compte-rendu officiel du Département de l’information du Conseil de sécurité : « Le représentant de la France a indiqué que le statu quo n’est pas acceptable à long terme. Il a rappelé l’importance de la proposition d’autonomie, avancée par le Maroc en 2007, qui forme, de l’avis de la France, une base de négociation viable pour parvenir à un accord ».
Sans faire référence au droit à l’autodétermination, le représentant de la France a relayé dans les instances internationales la réponse donnée par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, le 7 avril devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, au député communiste Jean-Paul Lecoq : « A l’instar de l’ONU, nous avons salué comme une avancée la proposition d’autonomie déposée par les Marocains sur la table du secrétaire général des Nations unies ».
En se faisant le porte-parole du Maroc, le gouvernement français empêche la résolution du conflit sahraoui et devient l’obstacle principal à la paix dans cette région du Maghreb.
Après 35 ans d’occupation marocaine ou d’exil dans les camps de réfugiés à Tindouf, le peuple sahraoui ne supporte plus ce statu quo, il aspire à vivre normalement et à recouvrer sa souveraineté sur son territoire. Le Sahara occidental est le dernier pays colonisé d’Afrique.
A l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance des pays d’Afrique, il est temps de mener jusqu’à son terme le processus de décolonisation en Afrique. Cela passe par le référendum d’autodétermination qui permettrait au peuple sahraoui de décider librement de son avenir. Aujourd’hui, il ne suffit plus de faire référence au droit à l’autodétermination dans les déclarations et les résolutions onusiennes, il faut des actes d’une grande fermeté et exercer des pressions sur le Maroc, pouvant aller si nécessaire jusqu’à des sanctions, pour qu’il respecte ses engagements et applique le droit international.
Si leurs droits continuent d’être bafoués de façon aussi choquante, les Sahraouis ne risquent-ils pas de répondre à cette véritable provocation des instances internationales en choisissant d’autres moyens que la diplomatie et la négociation ?
Ne faut-il pas prendre au sérieux l’avertissement de Mohamed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario, en décembre 2009 à l’ouverture du 7e congrès de la Jeunesse sahraouie ? « Au moment où nous annonçons au monde entier que notre option est celle de la paix, nous affirmons notre engagement à continuer notre lutte pour recouvrer tous nos droits nationaux reconnus dans le cadre des accords internationaux (...) Le combat sera mené par tous les moyens autorisés, y compris la lutte armée ».
Jean Paul Le Marec
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