A Marseille et ailleurs, un processus en marche
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Une grande partie de la presse qui se veut être l’écho, de la mobilisation en cours, parle peu [1] de tout ce que ce mouvement porte de combativité, d’engagement de militant-e-s qui adaptent la bataille à leur réalité, de leur immense volonté de vaincre.
Loin de slogans incantatoires, nombre de militantes et de militants s’efforcent, à leur niveau et de multiples manières, de faire monter le mouvement social et de construire une généralisation de la grève.
Pour avoir, il y à peu, écrit ici qu’il appartenait à chacun d’assumer ses responsabilités, nous ne pouvons que nous réjouir de constater que c’est bien cela qui se passe.
Les manifs du 19 octobre l’ont largement démontré, dans nombre d’entreprises, le travail d’explication du projet de casse des retraites, mais aussi la mise en débat de la meilleure manière de combattre la régression sociale, porte ses fruits.
Journée après journée, la montée importante du nombre de manifestant-e-s des entreprises à la tradition syndicale certaine : SNCF, CAF, conseil régional, chimie, portuaires… montre que grandit l’idée que personne ne doit rester à l’écart du mouvement général.
A Marseille et partout dans le pays [2], des actions se multiplient : blocages, débrayages journaliers, rassemblements devant les entreprises, distributions de tracts sur les ronds-points, barrages filtrants…etc.
Ce sont autant de lieux de rencontres et de débats autour de tout ce que subit le monde du travail depuis près de 30 ans. S’y exprime souvent une volonté de lutte inconnue depuis des décennies. Les exemples ne manquent pas où des anciens disent ne jamais avoir connu cela !
Cela est visible dans de multiples endroits en France, de la fonderie PSA des Ardennes aux usines chimiques (et pas seulement les raffineries), en passant par les Monoprix ou l’hôpital St Joseph à Marseille : le mouvement est profond. Les chiffres annoncés de manifestations dans de petites villes de France comme Sarlat ou Draguignan vont dans le même sens.
Les grèves reconductibles n’échappent pas à cette règle. Elles sont d’autant plus tenaces qu’elles portent bien plus que la question des retraites. Loin d’être sur la seule défense de notre système de protection sociale elles sont aussi à l’offensive sur l’emploi et les salaires. La bataille en cours et dans laquelle sont engagé-e-s des salarié-e-s du public et du privé, s’attaque à la logique même du système.
C’est bien parce que ce gouvernement ne peut reculer sans mettre en cause sa logique profonde qu’il se durcit. Acculé il est contraint de poursuivre …ou alors de changer radicalement de politique. Les 71% de français qui soutiennent le mouvement savent bien, même si cela n’est pas clairement exprimé, que c’est cela qui est en jeu.
Une volonté révolutionnaire qui se dessine ?
Ces 71%, qui peuvent paraître surprenants pour plus d’un observateur, ne le sont pas si on les rapproche d’un autre sondage datant d’avril dernier : 64% des français rejettent le capitalisme, une période où déjà les 3/4 des français soutenaient le mouvement en cours.
C’est d’ailleurs ce qui est fondamentalement nouveau dans le mouvement actuel c’est que l’immense majorité du peuple rejette et se bat contre un modèle de société que la grande majorité des élus accepte ou soutient.
C’est bien l’économie de marché que le peuple rejette, alors que, de la droite au PS, les forces politiques l’acceptent ou la soutiennent. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici que c’est Jospin alors premier ministre qui à Barcelone avait approuvé le plan progressif de démantèlement de notre système de retraite.
Quand le PS dit aujourd’hui qu’il est pour la retraite à 60 ans… tout en disant qu’il est pour l’allongement de la durée de cotisations, quand Guérini, 1er secrétaire de la fédération du PS des Bouches du Rhône par ailleurs sénateur et président du Conseil Général, signe en commun avec Gaudin un appel contre les grévistes, celles et ceux qui se mobilisent journellement ne sont pas dupes. Loin de se résigner, de s’avouer vaincus, ils continuent le combat. Au fond cette bataille est tout à fait dans le prolongement de celle de 2005 contre le traité constitutionnel qui avait vu là aussi un peuple se mobiliser de mille et une manières puis voter majoritairement contre un projet que 90% des élus approuvaient.
Le mouvement social que nous appelions alors de nos vœux au lendemain du 29 mai n’eut pas lieu et les forces du consensus ayant les mains libres, 2 ans plus tard, dans un pays en proie à la peur, le pire président de droite de la 5e république était élu.
Aujourd’hui le mouvement est là qui exprime dans la rue ce que les urnes du 29 mai 2005 avait dit avec force : de cette société-là on n’en veut pas ! Le mouvement est syndical mais il mobilise au-delà des forces que le syndicalisme rejoint traditionnellement. La force des manifestations les rend crédibles tout comme elle rend crédible les changements qu’elles peuvent permettre.
Il n’y a pas pour l’instant de perspective politique claire crédible ? Cela ne nous arrête pas ! Le peuple en mouvement, sans attendre des accords de sommet ou des échéances électorales dont on essaie de nous rebattre les oreilles et dans lesquelles il ne croie pas beaucoup, est en train dans les luttes de poser ses exigences pour l’avenir.
Pour gagner il nous faut encore élargir ce mouvement dont pour l’instant les quartiers populaires et les travailleurs dans la précarité sont trop absents faute que l’on s’adresse à eux sur des revendications gagnables et qui sont leur urgence. Pour autant dans cet élan appelé à grandir le peuple s’exprime avec force :
Il sait que le capitalisme n’est pas la solution mais le problème.
il sait ce dont il ne veut plus entendre parler de la part d’une gauche qui par le passé a substitué l’alternance à l’alternative et qui, là où elle gère, n’est souvent pas un modèle de démocratie ni de perspective enviable.
Il cherche, même confusément pour l’instant, des réponses quitte à ce qu’elles sortent du cadre accepté par les forces politiques en présence. En cela ce mouvement est bien révolutionnaire.
Pour être crédible, une organisation politique qui dit vouloir changer la société, doit impérativement tenir compte de cela. Elle doit proposer des perspectives claires à partir de ce que le peuple exprime en dépassant les schémas traditionnels d’entente qui ont échoué naguère.
Ce mouvement social est profondément politique dans le sens le plus noble du terme. Ce peuple qui par millions participe aux initiatives tant locales que nationales n’est pas différent de celui qui ne vote qu’à 50% aux élections. Cela met en lumière le fait que s’il ne croie pas à l’offre politique actuelle, il n’a pas pour autant dit son dernier mot sur sa vision de la société.
C’est sans doute la plus grosse erreur de ce gouvernement : avoir sous-estimé la capacité du peuple à réinventer dans la rue un avenir autre que celui dessiné par le consensus politicien français ou par le FMI, le G20 et l’UE. Avoir nommé Strauss-Kahn au FMI ne nous a pas rendus plus résignés mais cela a convaincu ceux qui en doutaient encore que notre notion de gauche n’a rien à voir avec celle d’une grande partie de ceux qui s’en réclament.
A la veille de la présidence française d’une de ses institutions chargées d’organiser l’exploitation capitaliste mondiale, les gouvernants de ce monde feraient bien d’y réfléchir : quelques soient les compromis signés à Matignon, Bruxelles, New York ou ailleurs, il y a dans le monde des peuples qui se mêlent de ce qui les regarde…l’avenir dans lequel ils vont passer leurs prochaines années…
[1] même si cela bouge un peu depuis le vote de la loi où l’on sent nombre de journalistes partagés entre la volonté de faire croire que le mouvement va maintenant stopper et la nécessité de constater qu’il ne s’arrêtera pas
[2] Nous avons déjà développé ici sur les particularités régionales réelles ou supposées de ce mouvement
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