Ascension finale (VIII)
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Le dernier épisode de notre voyage sur les chemins du monde...
- Quilotoa
Enfin le Cotopaxi…
La météo n’est pas une science exacte ! Mais ici oui ! Je peux la prévoir sans problème : il pleut tous les jours aussi nous hésitons beaucoup à nous lancer dans l’ascension d’un grand sommet Equatorien...
Sur la boucle de Quilotoa nous avons rencontré un couple de français vivant à Londres, et un australien avec qui nous faisons route pour deux jours. Malgré presque trois langues communes nous avons souvent du mal à nous comprendre aussi quand les mots viennent à manquer les gestes les remplacent : pour se faire comprendre tous les moyens sont bons. Il en résulte des situations assez cocasses je vous passe les imitations de vache ou plus dur de la grappe de raisin mais bon au moins on rigole et petit à petit on invente une langue.
Sur le trajet nous apprenons que l’australien veut lui aussi faire un sommet alors c’est décidé on partagera les frais de guide et nous gravirons le Cotopaxi [1]haut de ses 5900m !
Les jours suivants nous allons faire un petit sommet de 4800m pour s’acclimater un peu plus. Après une nuit en refuge nous partons confiants à l’assaut du Rupiñahui haut comme le sommet de l’Europe mais ici ridiculement insignifiant.
Mais voilà malgré les explications de nombreux guides et notre sens aigu de l’orientation nous ne trouverons jamais le sommet et finirons dans un épais brouillard, sous la pluie, les pieds dans cette éternelle boue du páramo [2] Equatorien…
Nôtre amour pour la montagne en prend un sérieux coup, surtout quand sur le retour la pluie se transforme en grêle glaciale et extrêmement forte.
Sur le moment ça y est, de retour au refuge nous sommes résolus : on ne veut plus entendre parler de grosses chaussures, de sentier ou d’ascension....ON VA A LA PLAGE !!
Après tout on est en vacances non ??
Oui mais voilà c’était sans compter avec la force de persuasion des guides et le soir nous voilà remotivés.
S’ensuit une longue journée d’attente et d’angoisse au refuge. Puis vers 16h branle-bas de combat on enfile les grosses chaussures et toujours dans un épais brouillard on monte à 4850m jusqu’au refuge du Cotopaxi, dernier refuge avant le sommet.
Nous prenons notre repas à 18h et nous sommes censés dormir à 19h car on se lève à 23h pour un départ à minuit, super !
Evidemment excitation aidant personne ne dort et à minuit nous sommes bien frais pour partir. Après un sommaire petit déjeuner nous enfilons crampons baudrier et lampe frontale, et dans une nuit toujours noire nous grimpons sur le glacier.
Le rythme est lent, le souffle court, le pas hésitant, les 1000m à monter vont être très longs.
Dans la nuit le temps ne passe pas, nous somme incapables de savoir depuis combien de temps nous marchons en silence juste rythmés par le bruit de nos pas et l’alternance de phases de brouillard et de petites tempêtes de neige...
Au fur et à mesure que la nuit avance la température descend lentement nos cheveux nos sourcils se couvrent de glace, de même, plus nous montons plus le souffle se fait court, les chutes plus nombreuses, et les pauses plus fréquentes.
Là, au moment où l’on en a le plus besoin, plus d’eau… Elle a gelé dans la gourde... Le moral est en baisse chaque pas est une lutte, chaque souffle un râle, chaque minute une éternité. Je vois le moment où je vais abandonner le corps ne peut plus suivre, les jambes sont trop lourdes, les yeux n’y voient plus clair, les sons deviennent plus lointains, pourtant par moins quinze sous la tempête et en tee shirt même la sensation de froid disparait...
Si j’avance encore c’est plutôt comme un robot, dénué de conscience, suivant bêtement la corde devant moi. La dernière heure est floue dans ma mémoire je me souviens seulement de cette sensation étrange arrivé au sommet du Cotopaxi. Là haut, les quelques cordées sont toutes comme un seul homme fier, heureux et fatigué d’avoir gravi cette montagne.
- Au sommet
Tout le monde rit, pleure se serre dans les bras. Ici encore il n’y a plus de frontière : allemands, suédois, équatoriens... tous partagent ce moment bien plus fort que ce magnifique paysage qui nous apparait au fur et à mesure que le soleil se lève.
Mais bon il fait -15 et à ne rien faire ça caille ! Aussi on prend quelques photos (avec moufles s’il vous plait) qui ne représentent pas grand-chose de ce moment. Puis une longue descente à moitié sur les fesses nous ramène au refuge.
Un peu hagards mais heureux la journée se passe dans un état second et, sans avoir dormi depuis 36h, nous sautons de bus en bus pour être à la plage à 23h30.
Là dans la chambre malgré le ventilateur il fait 30 degrés, drôle de transition....
Là je crois que vous allez être jaloux !!
Deux mois que nous le suivons cet immense Pacifique. Depuis la Patagonie nous avons parcouru plus de 6000 km, jamais à plus de 4h de l’océan.
Nous ne nous y sommes quasiment jamais arrêtés. Maintenant nous n’avons plus qu’une idée poser les sacs et surtout ne rien faire. Ça tombe bien ici, à Canoa, l’activité principale c’est le farniente.
Donc à l’ombre des cocotiers, nous passons nos journées dans des hamacs, à siroter des cocktails, une rude semaine nous attend...
D’autres voyageurs au long court font ici une halte régénératrice passant du bar, au resto de fruits de mer et du hamac au surf... On se demande de nouveau si on va pouvoir repartir mais le village est bien fait. Ici il n’y a pas de banque aussi, arrivés au bout du budget nous voilà contraints de repartir vers le nord, vers les mangroves et leurs moustiques...
Mais ça sent déjà la fin du périple. Dans une semaine nous devons être à Quito pour prendre l’avions retour et on n’en a pas du tout envie.
On commence à peine, au bout de trois mois, à pouvoir parler de presque tous les sujets avec les locaux et ils ont encore beaucoup de chose à nous apprendre...
Nous avons pris un rythme et il nous reste des millions de choses à découvrir.
On ne veut pas rentrer pour travailler et redresser la France qui a tant besoin de nous pour sortir de la crise....
Une chose est sure : une infime partie des gens de la planète voyage et nous faisons partie de ces privilégiés.
Mais beaucoup de gens qui pourraient ne le font pas, par peur tout simplement ! Personne n’est coincé dans sa situation, l’homme est condamné à être libre quelles que soient les barrières qu’il croit se construire autour de lui.
Comme dit Néruda : « vivre c’est risquer » alors jetez vous au monde !
Ces voyages ne coutent pas forcément très cher mais rapportent beaucoup et sont permis à tous les audacieux : vous n’allez quand même pas vieillir et mourir sans réaliser quelques uns de vos rêves de jeunesse ?
L’année prochaine d’autres voyageurs enverront quelques notes sur leur aventure pourquoi pas vous ???
[1] cou de la lune en langue cayapa, la langue amérindienne de cette région, ainsi nommé car lorsque la lune se couche le cratère semble former son cou
[2] végétation basse d’altitude à la riche flore
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