Henri Proglio : C’est les watts qu’il préfère...
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Mais le peu riant patron de Veolia, qui vient de se voir confier EDF par Sarko, garde un pied dans l’eau. Attention à l’électrocution.
L’OMNIPRESIDENT Sarko vient donc de désigner un omnipatron, Henri Proglio, 60 ans, pour diriger EDF ( 160 000 employés) tout en gardant plus qu’un pied dans l’entreprise qui l’emploie depuis trente-sept ans et qu’il préside depuis neuf : Veolia, ex-Générale des eaux, premier employeur privé de France et, selon l’expression consacrée, "numéro un mondial des services aux collectivités". [1]
Services pour les deux tiers fournis hors l’Hexagone : assainissement et distribution de l’eau, traitement des déchets, transports variés, etc.
Ce qu’il ne faut pas faire pour complaire et ménager un brin ses propres intérêts !
Cette double casquette devrait susciter un changement de statuts de Veolia (330 000 salariés et près de 70 millions de clients de par le monde).
L’actuel numéro deux, Antoine Frérot, prendrait la présidence d’un directoire, Proglio, celle d’un conseil de surveillance, afin, ont ricané des malveillants, de préserver ses stock-options et sa retraite chapeau.
Alors qu’il ne s’agit que de superviser les orientations d’un groupe qui l’a tant mobilisé !.
Et d’aller tout de même un peu plus loin.
En sens inverse, en effet, par la grâce d’un Meccano dont on vous épargnera les petits détails, l’Etat, via des participations diverses dans le capital de Veolia, deviendra le premier actionnaire de celle-ci (autour de 25%)
D’aucuns (et"la rupture, alors" ?) ont crié à "la nationalisation rampante".
Pour l’heure, c’est excessif.
Aucune fusion, façon Suez-GDF, ni association ne sont officiellement à l’ordre du jour, ce qui n’empêche pas d’envisager des coopérations certaines, et d’abord dans le domaine de l’environnement.
Dans l’immédiat, en élève très appliquée, Christine Lagarde a tenu à souligner qu’EDF "est le plus faible émetteur européen de CO2," !.
Et puis, son activité est si anodine...
Au rayon revenus enfin, des conseillers de l’Elysée sussurent que Proglio devrait se maintenir -aussi- à son niveau actuel de rémunération, soit environ 1,6 million d’euros annuels répartis en deux tiers pour EDF, un tiers pour Veolia.
A la différence des politiques cumulards, le patron cumulard, espèce en voie de développement [2] , est un être sacrificiel...
Fils de marchands des quat’saisons d’Antibes et d’origine piémontaise, diplômé d’HEC (dans la promo de son pote DSK), notre homme n’est ni énarque ni polytechnicien.
Il s’est voué corps et âme à son entreprise, où, selon la formule de son frère jumeau, René, ex-ponte d’Arthur Andersen, « entré grouillot, il est parvenu à accoucher d’un chiffre d’affaires de 36 milliards d’euros ».
Entreprise qu’il a d’ailleurs sauvée.
Au temps troublés où, devenu patron de la Générale rebaptisée Vivendi, l’entreprenant Jean-Marie Messier, tout à son fantasme d’empire mondial de la communication, voulait en même temps éjecter Proglio du secteur environnement et revendre celui-ci.
Fort du soutien de clients à surface sociale, des élus locaux qui sont aussi parfois nationaux, Proglio non seulement s’arrime définitivement à son fauteuil, mais, mieux encore, y gagne l’indépendance de sa boîte, devenue donc officiellement Veolia en 2003.
Enhardi par ce succès, il lance, mais rate deux ans plus tard, avec l’électricien italien Enel, un raid contre Suez, l’ancienne Lyonnaise des eaux l’éternelle rivale.
Détail, Proglio emploie aujourd’hui Messier au titre de conseiller.
Comme il assure « ne pas avoir le pardon facile », il faut croire qu’il a la vengeance ironique.
Précision utile, à la différence d’un Martin Bouygues ou d’un Bolloré, notre ami n’appartient pas au premier cercle patronal de Sarko.
Même si sa présence à l’impérissable soirée du Fouquet’s a pu le laisser croire.
Surnommé « le Buster Keaton des affaires », Henri n’affectionne, hors proches familiaux ou amicaux, que de rares choses ou personnages en ce bas monde : les pâtes comme les faisait maman, les « belles voitures, les Pink Floyd quand il est au volant et … Jacques Chirac, dont il a recasé quelques proches officiels ou clandestins [3] dans son groupe.
Un de ses grands amis le confirmait la semaine dernière au « Point » :
« Nous n’étions pas si nombreux après son départ de l’Elysée à rendre visite à Chirac, à lui donner un coup de main pour sa fondation. Proglio a toujours été là ».
Si l’omnipatron, que les tapageurs effets d’annonce de Sarko à l’étranger agacent parfois, a séduit le Président, c’est d’abord pour son entregent et ses réussites industrielles, l’efficace bon sens qu’il a tiré de quarante années de fréquentation, pour affaires, de politiques et ses formidables plans de croissance.
Voilà un moment déjà que notre homme prévoit un doublement de la taille de Veolia en dix ans, soit, entre les départs à la retraite et les embauches, et sur le papier au moins, 450 000 nouveaux emplois.
Dans ce genre, par temps de crise, il n’y a pas tant de concurrents.
« L’argent n’est pas une de mes priorités », dit encore le réservé Proglio, administrateur aussi de divers monstres du CAC 40.
Qui y songeait ?
Et puis il en va de même de notre électrique président…
Par Patrice Lestrohan dans Le Canard enchaîné du 07/10/2009
Transmis par Linsay
[1] Il est d’ailleurs curieux que ce cumul n’ait pas été condamné par les organisations syndicales et qu’au plan politique seule l’extrême gauche l’ait fait. C’est pourtant un pas de plus dans la main mise du privé sur le public !! NDR
[2] Citons encore le grand concurrent Gérard Mestrallet, pédégé de la fusion GDF- Suez et de sa filiale Environnement.
[3] L’ex-trésorière occulte du RPR Louise-Yvonne Cassetta par exemple.
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