La vérité en bataille et l’ouvrage de Martín Blandino (Troisième et dernière partie)

mardi 14 octobre 2008
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A mesure que les combats dramatiques se déroulaient à Cangamba, nous constations que l’ennemi avait bien plus qu’une simple action isolée en tête. Mais il fallait tout d’abord sauver les internationalistes cubains et les hommes de la 32e brigade des FAPLA.

Le 7 août, j’adressai une lettre manuscrite aux assiégés, leur promettant que nous les sauverions coûte que coûte.

Nous dépêchâmes par avion la brigade de débarquement et d’assaut. Nous emploierions tous les moyens disponibles, le cas échéant. Nous les exhortions à résister comme ils l’avaient fait jusque-là. Une fois remplie la mission d’écraser les forces attaquantes, il fallait adopter aussitôt toutes les mesures requises pour liquider les plans stratégiques de l’ennemi.

Dans sa recherche historique, Blandino reconstruit les visées de l’ennemi à partir des preuves et témoignages qu’il a recueillis.

« Cangamba n’est pas le seul à être sous le feu de l’ennemi. Ce dernier attaque simultanément avec les pièces d’artillerie et les mortiers Munhango, Calapo, Tempué et Luena, des localités situées au nord de Cangamba, et Cangumbe, qui se trouve au sud. Il ne parvient à s’emparer que de Cangumbe ; ailleurs, il est repoussé. Son objectif stratégique est d’isoler la province de Moxico et d’empêcher l’arrivée de renforts, afin de s’emparer ensuite de Luena, une ville qu’il prétend proclamer capitale d’une "République noire" coupée de l’Angola et pour laquelle il chercherait une reconnaissance internationale. Mais, pour l’instant, son but est de s’emparer de Cangamba et de capturer ou de tuer les conseillers cubains qui s’y trouvent. Il mise sur l’impact politique, moral et psychologique d’un coup pareil. »

« Général de division Leopoldo Cintra Frías.

« Le plan de l’UNITA était de s’emparer de l’endroit, de faire prisonniers les quatre-vingt-deux Cubains qui étaient là puis de tenter de contraindre Cuba à négocier directement avec elle, sans la participation du gouvernement angolais. […]

« Général N’Dalu.

« Comme l’UNITA sait qu’il y a des Cubains là, elle concentre une grande force, beaucoup d’hommes, pour voir si elle peut les capturer et les présenter à la presse internationale. Elle redouble donc d’efforts. Nous, on est très inquiets à cette perspective ; ce serait très mauvais pour tout, pour la lutte que nous menons, qu’elle puisse présenter des prisonniers cubains, et aussi parce que nos gens sont en train de souffrir. »

Le témoignage du colonel Wambu, qui a été chef des renseignements des Forces armées pour la libération de l’Angola (FALA) de l’UNITA lors de l’opération de Cangamba, est tout à fait intéressant :

« On a prévu la participation de l’aviation sud-africaine, surtout à cause de la présence des Cubains. On peut considérer l’opération comme le premier heurt entre les forces sud-africaines et l’UNITA réunies, et les forces de l’Etat angolais avec les soutiens qu’il a pu obtenir de son côté. La présence des Cubains a un intérêt stratégique particulier […] »

Après s’être approché par l’ouest et le sud, les 12e et 13e brigades semi-régulières de l’ennemi, autrement dit deux de ses trois unités les plus importantes, assène le coup principal sur Cangamba. Interviennent aussi deux autres bataillons indépendants et une compagnie à destination spéciale. Au total, trois mille hommes. Ce puissant groupement dispose de cinquante à soixante pièces d’artillerie et mortiers, de sept installations antiaériennes multiples de 14,5 mm, et de lance-missiles antiaériens portables.

Le colonel des FALA susmentionné ajoute :

« Pour parler en termes classiques, nous avons sur le terrain une brigade selon un dispositif élargi, car il ne s’agit pas seulement des trois bataillons d’infanterie, mais d’effectifs largement étoffés, parce que, même s’il n’existe pas de troupes terrestres sud-africaines comme telles, le fait qu’il y ait des observateurs et des pointeurs pour le feu antiaérien, ainsi que la logistique, en plus des chauffeurs, etc., permet de parler d’effectifs allant jusqu’à un bataillon. On peut parler d’une brigade conventionnelle de troupes des FALA, plus deux bataillons commandos et de services, plus un bataillon mixte d’appui à la logistique, artillerie, reconnaissance aérienne, en plus des officiers de liaison de la partie sud-africaine : officiers du renseignement, des forces de l’air et d’autres spécialités. »

« Lieutenant-colonel Ngongo (chef adjoint de l’état-major des Forces armées pour la libération de l’Angola, FAPLA)

« Ce même jour, la presse occidentale commence à informer que Cangamba est encerclé par neuf mille hommes, environ, et que le village va donc tomber tôt ou tard aux mains de l’UNITA. »

J’ajoute que la colonne blindée partie de Huambo avait renforcé Luena avec des forces suffisantes pour repousser toute attaque de l’Afrique du Sud dans cette direction, ce qui avait constitué un progrès notable. De Luanda, capitale de l’Angola, à l’ouest, et Luena, chef-lieu de Moxico, il y a mille cent kilomètres par la route, soit autant que de La Havane à Santiago de Cuba. Les bandes de l’UNITA avaient détruit les ponts. Les caravanes d’approvisionnements et les constructeurs de passerelles provisoires afin d’approvisionner les populations progressaient avec beaucoup de difficultés, et il fallait protéger les points clefs.

La colonne blindée de Menongue avait été fortement renforcée – et par conséquent aussi le front Sud – grâce aux nouveaux bataillons de chars dépêchés de Cuba dont j’ai déjà parlé. Nous étions plus forts. Il fallut pourtant attendre encore quatre ans et supporter les conséquences des stratégies erronées de Konstantin qui coûtèrent de nombreuses vies angolaises.

Le conseiller soviétique était arrivé en République populaire d’Angola fin 1982 en tant que chef de la mission militaire de son pays. Sa mission terminée, il rentra en URSS en 1985 et revint en Angola en 1987 doté d’une hiérarchie militaire plus élevée. Il fut le stratège des offensives absurdes sur Jamba, dans le lointain sud-est angolais, où se trouvait hypothétiquement le poste de commandement de Savimbi, tandis que les bandes de l’UNITA, soutenues par l’Afrique du Sud, opéraient dans des communes proches de Luanda, comme je l’ai dit à d’autres moments. La dernière de ces offensives, avec toujours les mêmes résultats désastreux, donna toutefois lieu à la bataille de Cuito Cuanavale, qui marqua le début de la fin de l’apartheid, quand les unités angolaises, décimées pour rien, étaient en train de reculer et que l’armée sud-africaine se heurta à la brigade de chars, aux BM-21 et aux forces cubaines venues défendre l’ancienne base aérienne de l’OTAN.

A ce moment décisif, le président angolais soutint à fond nos points de vue. Plus de trente mille soldats angolais et quarante mille combattants internationalistes cubains, conduits par des officiers et chefs bien entraînés et chevronnés dans la lutte, entreprirent, à peine les derniers échos des canonnades avaient-ils fini de rouler dans ce lointain bastion, de progresser vers le sud-ouest angolais en direction des lignes sud-africaines à la frontière namibienne. Nous dépêchâmes de Cuba une grande quantité de chars, de lance-missiles antiaériens et d’autres armes avec les personnels correspondants.

Nous possédions relativement peu de Mig-23 en comparaison de la quantité d’avions de combat sud-africains, mais nos pilotes eurent la maîtrise du ciel grâce à leur audace. L’URSS existait encore. C’est le pays qui se solidarisa le plus avec Cuba. Gorbatchev était devenu chef du parti et chef de l’Etat. Je lui adressai un message personnel pour lui demander d’urgence l’envoi de douze Mig-23 supplémentaires. Il fit cas de ma requête.

Nous avions construit en quelques semaines une piste avancée dans le Sud-Est angolais, à plus de deux cents kilomètres de ce qui avait été la ligne défensive la plus importantes dans cette direction. Notre principal problème était la pénurie de réservoirs d’appoint pour les Mig-23. Il était quasiment impossible que quelqu’un nous livre un certain nombre. De toute façon, les quartiers sud-africains de première ligne étaient à notre portée et, sauf de distants avions de combat, ne possédaient pratiquement pas d’armes antiaériennes. Les rares réservoirs d’appoint dont nous disposions nous permettaient de frapper les racistes jusqu’à Windhoek, la capitale namibienne.

L’Afrique du Sud possédait toutefois sept armes atomiques fournies par l’administration Reagan. Comme nous avions deviné à certains indices qu’elle pouvait en disposer, nous plaçâmes des charges explosives sur la digue d’un important barrage angolais construit par les colonialistes portugais presque à la frontière de la Namibie, tout près des positions principales de l’armée sud-africaine dans ce pays. Prévoyant que Pretoria pourrait utiliser ces armes contre les troupes cubaines et angolaises, nous déployâmes celles-ci de façon à ce qu’elles puissent faire face à une attaque de ce genre. Rien ne pouvait dépasser l’héroïsme désintéressé des combattants internationalistes décidés à liquider l’apartheid.

L’Afrique du Sud fut incapable de relever le défi et négocia après avoir reçu les premiers coups dans cette direction, encore en Angola. Yankees, racistes, Angolais, Soviétiques et Cubains s’assirent à la même table de négociation durant des mois.

Et parmi ceux qui s’exprimaient en faveur de notre cause, il y avait Konstantin. J’avais fait alors sa connaissance, et je m’étais efforcé d’éviter qu’il se sente humilié par nos divergences et par nos succès. Il avait sans doute de l’influence dans le commandement militaire de la glorieuse armée soviétique. Ce sont ses erreurs qui contribuèrent le plus à la décision de notre pays d’interdire aux racistes d’intervenir en Angola et de rectifier les erreurs politiques que les dirigeants de l’URSS avaient commises en 1976.

Faisant preuve de générosité avec celui qui avait été notre adversaire en questions stratégiques, nous octroyâmes à Konstantin l’ordre Che Guevara, une distinction qu’il reçut apparemment avec satisfaction. Sa pire faute, toutefois, n’est pas celle qu’il avait commise avant, mais celle qu’il commit après. Une fois l’URSS disparue, il fit des déclarations opportunistes, calomniant Cuba qui avait été si généreuse à son égard. Le militaire de métier de Cangamba, partisan d’initiatives absurdes et inventeur d’offensives stériles vers la lointaine Jamba, s’était laissé conquérir par l’idéologie anticubaine de l’ennemi. Ils ne seront pas nombreux à le défendre dans son peuple patriotique.

Konstantin était son nom de guerre. Le sien, sans nom de famille, je l’ai mentionné un jour, car c’est celui que je me rappelais bien alors. Je ne tiens pas à le redire.

Savimbi resta égal à lui-même comme aventurier et mercenaire, au service tout d’abord des colonialistes portugais, ensuite des racistes sud-africains, enfin, directement, des impérialistes yankees. Une fois le régime d’apartheid liquidé par le peuple sud-africain et à la suite du coup dévastateur essuyé en Angola, les Yankees le confièrent à Mobutu qui avait alors amassé une fortune de quarante milliards de dollars en pillant le Zaïre. L’Europe connaît bien cette histoire, à coup sûr. Savimbi récupérait des diamants pour lui et pour l’UNITA dans le Centre et le Nord de l’Angola. C’est ainsi qu’il poursuivit sa guerre brutale contre les Angolais. Les Cubains n’étaient plus alors sur place, puisque, mission accomplie, ils s’étaient retirés progressivement en fonction du calendrier prévu.

Les FAPLA, converties en des forces armées expérimentées et aguerries, mirent hors de combat l’armée de Savimbi appuyée par Mobutu et au service des Yankees. L’UNITA dut renoncer à toute rébellion. La nation angolaise avait préservé son indépendance et son intégrité.

Il faut que de jeunes internationalistes et révolutionnaires, capables de sentir et d’agir, recueillent pour l’Histoire les pages que le peuple cubain a été capable d’écrire.

Les Forces armées révolutionnaires (FAR) constituent pour notre parti un bastion inexpugnable, une armée mambi qui, cette fois-ci, n’a pas été désarmée et qui ne le sera jamais.

Fidel Castro Ruz

Le 14 octobre 2008

11 h 36



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