Le Medef ? S’il n’existait pas, il ne faudrait pas l’inventer !
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Créé en 1945, il avait pour nom le CNPF (Conseil National du Patronat Français) à la demande du gouvernement français qui désirait avoir un interlocuteur pour le patronat en France, il se transforme en 1998 en MEDEF (Mouvement des Entreprises de France). Retour sur les nombreux scandales plus ou moins étouffés de ces dernières années.
Nous laisserons à cet auteur ses conclusions, (lui qui croit que le temps de la lutte des classes est dépassé !) et proposerons la notre:ce n’est pas seulement le MEDEF qui est inutile mais l’accaparement de l’outil de travail par quelques uns qu’il faut remettre en cause...
En 2007, le MEDEF emmené par Laurence Parisot (qui est arrivée en 2005) se prononce de facto pour le candidat Nicolas Sarkozy par son opposition virulente à Ségolène Royal et par ses thèmes de prédilection très proches (identiques ?) à ceux de l’UMP. Les thèmes de bataille du MEDEF sont alors les suivants :
Les « prélèvements obligatoires » français trop importants,
l’endettement de l’État trop important,
le temps nominal travaillé annuellement par salarié trop faible (estimé à 1450 heures par le Medef, pour un salarié français).
Les entrepreneurs du Medef « condamnent une fois de plus les 35 heures », pour le Medef
« Les salariés veulent gagner plus, et les chefs d’entreprise souhaitent pouvoir distribuer plus de salaires nets à leurs salariés, pour créer de la croissance donc de l’emploi. »
Il faut donc baisser les charges sociales
Pour le MEDEF, il faut combattre « Les excès de la fiscalité (et) les excès du Code du travail »
Nicolas Sarkozy élu, tout aurait dû aller pour le mieux au MEDEF. Pourtant, la même année un énorme scandale explose : L’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), fédération patronale française regroupant, dans le domaine de la métallurgie, les principales entreprises françaises, possède une caisse noire ! l’UIMM, membre du Medef et l’une des branches les plus influentes, serait donc une fédération aux pratiques très douteuses, mais pas illégales ? La brigade financière découvre de nouveaux retraits d’argent liquide. Loin des 5 millions d’euros annoncés au départ, ces retraits sur quatre comptes identifiés chez BNP-Paribas et à la banque marseillaise de gestion privée Martin-Maurel, concernent plus de 100 millions d’euros ! La loi Waldeck-Rousseau de 1884 (à réformer d’urgence) dispense les syndicats de rendre des comptes sur les fonds qu’ils gèrent, or, l’UIMM est justement un syndicat ! Ouf !
Pourtant l’affaire créé un malaise. La destination des fonds est encore aujourd’hui inconnue et nombreux sont ceux qui en déduisent que leur usage, lui, était sinon illégal, en tout cas immoral. En effet, si tout est facilement avouable, pourquoi ne pas l’avouer puisque les retraits d’argent en liquide ne sont pas contraires à la loi… On évoque alors des destinations toutes plus critiquables les unes que les autres. L’argent aurait servi a briser des grèves, à financer des commandos antisyndicaux, à corrompre des dirigeants syndicaux, à subventionner des syndicats, aider des patrons pour qu’ils tiennent bon lors des grèves… Le silence de Denis Gautier-Sauvagnac ouvre la porte à toutes les interprétations. Il finit par indiquer que ces fonds étaient « consacrés aux œuvres sociales de la métallurgie et plus particulièrement aux retraités ou malades du secteur ». Oui, mais alors pourquoi ne pas donner les noms des bénéficiaires ? DGS harcelé lâche que l’argent servirait a « fluidifier les relations sociales » ! Nous sommes presque arrivés à l’aveu de corruption…
Ce malaise de l’UIMM n’est jamais retombé depuis, d’autant plus que l’onde de choc qu’il provoque n’en finit pas de rebondir.
D’abord, il ternit fortement le MEDEF et en particulier Laurence Parisot qui, manifestement gênée aux entournures, finit par lâcher « Beaucoup savaient inconsciemment » ! Il faut vraiment être aux abois pour dire une telle ineptie. Mais globalement sa ligne de défense est plus proche du « Non seulement je ne savais rien, mais je ne comprends même pas. (...) Je suis abasourdie, on ne peut pas défendre l’indéfendable » dit-elle sur Europe 1. L’indéfendable voila qui est bien dit. Mais cette petite phrase est le début d’une guerre interne au MEDEF. Madame Parisot veut bien défendre les intérêts du patronat, mais pas jusqu’à sacrifier sa position. « Nous sommes libérés par cette révélation, c’est une nouvelle vie qui commence » dit-elle. Finalement peut-on dire qu’on est libéré si l’on n’a pas été enchainé ? Cette dernière déclaration comme la première incite fortement à penser que Madame Parisot savait tout. Bien sûr, le MEDEF ayant dans ses statuts la possibilité d’auditer les comptes financiers de l’UIMM, on ne voit pas comment cela aurait pu passer inaperçu ! Pensez ! 100 millions d’euros !
En novembre 2007, scandale : le Medef fait siennes les caisses de la médecine du travail, ses locaux, ses salariés ! L’argent de la santé des salariés finançait les comités locaux du patronat. En effet sans que nous le sachions, c’est depuis toujours que le patronat gère la médecine du travail. Ce que les salariés ignoraient également c’est que l’argent était détourné… La médecine du travail, créée de toutes pièces par les patrons français en 1946, a pour principe que les entreprises versent une cotisation pour employer des médecins, qui vont s’assurer de la bonne santé des travailleurs et de leur environnement. La c’est un pactole d’un milliard d’euros ! En moyenne il faut compter 75 euros de cotisations par salarié et par an. En 38 ans d’existence de la médecine du travail, « le docteur Jean Noeuvéglise a pu constater de nombreuses fraudes. Comme praticien et comme syndicaliste à la Confédération générale des cadres (CGC). Des dérives fréquentes, au vu et au su de tous, sans que les mécanismes de contrôle ne soient en mesure de les prévenir ou de les empêcher. » Indique Rue89.
Le top 3 des abus est édifiant : financement du siège, emplois fictifs et grosses notes de frais, mais aussi financement de personnels du MEDEF, voyage de luxe, voiture haut de gamme... Madame Parisot se défend en invoquant une circulaire de 2001 rappelant les bonnes pratiques à respecter sur le sujet et en rejetant, comme d’habitude, la faute : « c’est la faute aux Medef territoriaux »… Un patron ne doit-il pas être maître chez lui ? Ainsi, par exemple, une convention de 2001 de la SMIBSO, une association de médecine du travail d’Issy-les-Moulineaux, indique qu’elle prendra en charge « 75% » des « frais de secrétariat » du MEDEF, la « moitié » du « salaire » du « secrétaire général » du patronat, les « frais de prise en charge du véhicule de tourisme » du MEDEF, ainsi que les « photocopies » et l’ « affranchissement ». Une convention finalement remplacée en 2006 par un autre document révélant un versement annuel de 80 000 euros au MEDEF des Hauts de Seine-sud !
Deux ans et demi après cette révélation, la réforme de la médecine du travail patine…
Le 21 février 2008, Annick Le Page a passé deux heures dans le bureau du juge Roger Le Loire, chargé de l’instruction, pour détailler comment l’UIMM s’est financée sur les fonds de la formation professionnelle. C’est la suite de l’affaire de la caisse noire.
En juin 2008, un nouveau scandale explose : Les cotisations patronales sont prélevées en même temps que les congés des ouvriers du BTP et la gestion des ces fonds est opaque et dont une partie est placée dans des paradis fiscaux ! Rue89 indique, « Peu d’entreprises le savent, mais lorsqu’elles cotisent aux caisses du bâtiment pour payer leurs ouvriers, elles financent aussi les fédérations patronales » pourtant facultatives ! Il s’agit d’un abonnement facultatif payé automatiquement ! « Tous les salariés du bâtiment seront aussi surpris d’apprendre que l’argent de leurs vacances est en partie placé en trésorerie dans une sicav gérée par la banque d’affaires Lazard. » Tout le système est viable parce que la loi, encore une fois trop laxiste, n’oblige pas les caisses à publier leurs comptes. Quant à la sicav en question, ses administrateurs sont généreusement payés : 1600 euros pour une participation au conseil d’administration ! Voilà comment certains vivent très bien en picorant sur le dos de simples ouvriers du BTP !
2008 : Scandale du 1% logement, les collecteurs du 1% sont surpayés ! Sur 89 directeurs généraux de collecteurs, trois déclarent gagner plus de 200 000 € par an, 19 affichent entre 150 000 € et 200 000 €, et 31 perçoivent entre 100 000 € et 150 000 € ! Ceci ne prend en compte que les salaires, mais pas les primes, les indemnités de départ, les éventuelles retraites chapeaux… Quant aux stagiaires, leurs salaires atteignent parfois 6 000 € à 8 000 € par mois !
Mars 2008 : Madame Parisot dénonce les "propos mensongers" de DGS et annonce qu’elle dépose plainte pour diffamation après les affirmations de Denis Gautier-Sauvagnac selon lesquelles elle aurait été informée des retraits suspects de l’UIMM, selon un communiqué du Medef. Elle sera déboutée plusieurs fois par le tribunal de Grande Instance de Paris. Porter plainte… Une belle idée de parapluie pour Madame Parisot, hélas, le parapluie était percé…
Juillet 2008 : Jacques Creyssel, directeur général du MEDEF, est licencié pour faute grave. Le dirigeant s’était vu reprocher par Laurence Parisot, de ne pas l’avoir tenue au courant de certains errements de la gestion par le Medef du 1% Logement. Un licenciement en forme de parapluies et licenciant le bonhomme pour ne pas l’avoir avertie du scandale, cela permet de se justifier qu’elle ne le savait pas.
Scandales médiatiques et luttes internes
Janvier 2009 : L’Express dévoile que « Les honoraires annuels versés par le Medef à Rosine Lapresle, conseillère personnelle de Laurence Parisot, s’élèveraient à quelque 300.000 euros annuels. Une somme coquette pour un travail à mi-temps... », « Elle correspond, ramenée à un temps plein, au double des salaires les plus élevés du Medef (le poste de président étant bénévole). ». Les honoraires sont si énormes que même en interne du MEDEF on s’inquiète : Christian Baffy, alors trésorier du Medef, avait jugé « de son devoir d’obtenir des éclaircissements sur le rôle véritable de Rosine Lapresle [...] au Medef ». C’est pour la même raison qu’interviendra plus tard le licenciement de Jacques Creyssel même s’il sera coloré d’une autre raison. Le coach de Parisot aurait permis, par ses conseils avisés, son élection en 2005. Il faut donc bien que Madame Parisot la remercie.
Fin janvier 2009 : Parisot congédie la secrétaire générale du Medef, Anne Valachs. C’est le quatrième départ important en six mois à la tête de l’organisation patronale (Jacques Creyssel, puis Étienne Guéna, en charge des dossiers relatifs au logement social, et enfin Pierre-Henri Ricaud remplaçant de Jacques Creyssel)…
Fin décembre 2009 : L’ANIA, fédération de l’agroalimentaire, claque la porte du MEDEF sans en indiquer la raison précise. Après un vote à bulletins secrets assez rare, le conseil d’administration de l’ANIA a pris cette décision par 18 voix contre 12. Raison invoquée : Le Medef lui « rapporte » trop peu au regard du montant annuel de sa cotisation (plus de 600000 euros) ! C’est un énorme camouflet de plus pour Madame Parisot sachant que l’ANIA avait soutenu la candidature de Parisot au MEDEF…
Mars 2010 : Geoffroy Roux de Bézieux se déclare candidat au MEDEF (ce qui était une surprise en soit), puis finalement renonce mystérieusement sans motiver son abandon. Thibault Lanxade, patron de PME, se propose puis abandonne parce qu’on lui a assuré qu’un débat aurait lieu autour des thèmes essentiels pour les entreprises. Nous n’en saurons pas plus. Sophie de Menthon, reprend le flambeau et se déclare candidate au Medef, pour finalement renoncer à se présenter également. Marianne publie un courrier du Medef Paris la mettant hors jeu invoquant un simple problème de cotisation. Le message du MEDEF est clair : tout candidat sera mis hors jeu. Laurence Parisot, 50 ans, candidate à sa réélection ne partagera pas l’affiche avec Sophie de Menthon, 62 ans. Eh oui cela se passe comme cela au MEDEF celui qui est élu s’arrange toujours, depuis la création du CNPF et du MEDEF ensuite, a être seul candidat. Pour qu’il y ait alternance, il faut que le mandat de 5 ans soit renouvelé une fois pour 3 ans supplémentaires, soit 8 ans minimums au pouvoir. Au MEDEF on est en famille et on le reste ! La démocratie ce n’est pas son truc.
Avril 2010 : Marianne titre « Laurence Parisot, la patronne du Medef a fait supporter 70 000 euros de frais d’avocat pour son procès en diffamation contre un autre dirigeant patronal sur sa cassette de Présidente. Pas sûr que les adhérents du Medef apprécient un tel usage de leurs cotisations. » Un dirigeant de du MEDEF indique « Le simple fait qu’elle entame une procédure était déjà très mal vu par les caciques du Medef. C’était prolonger la guerre avec l’UIMM », précise l’un d’entre eux. « Mais on avait compris qu’elle en avait fait une affaire personnelle ». Pour l’intéressée pas de problème : « d’autant plus que cela concernait les conditions d’exercice du mandat. ». Un parapluie qui finit par coûter cher. Certains se questionnent quant au montant particulièrement salé de la facture d’avocat pour une simple affaire de diffamation.
Fin avril 2010 : Trois ans après l’ouverture de l’enquête sur la caisse noire de l’UIMM, l’organisation patronale a avancé en terme de transparence. Ses comptes 2009 sont certifiés depuis l’an dernier par des commissaires aux comptes, et ont été rendus publics en juin. Le Point a pu se procurer budget et comptes pour l’année 2010. L’organisation a provisionnée 525.000 euros de frais de justice soit bien moins qu’en 2009 mais un bien belle somme tout de même. D’autres scandales en vue ? Les frais de personnel se montent, eux, à 14 millions pour 131 salariés, soit 106.870 euros en moyenne par salarié, sympa ! Toutefois, les cotisations de ses membres étant insuffisantes, l’UIMM prélèvera en 2010 3,9 millions d’euros sur les revenus de ses réserves de 500 millions… Très bonne gestion.
Début mai 2010 : Le Medef a été condamné par le tribunal des prud’hommes de Paris, à verser près de 720.500 euros d’indemnités à son ancien directeur général Jacques Creyssel, qui contestait son licenciement. « Le licenciement est reconnu comme sans cause réelle et sérieuse », déclare maître Marie-Alice Jourde, l’avocate du plaignant. Le MEDEF va devoir verser 160.230 euros au titre d’indemnités compensatrices de préavis, 16.023 euros pour les congés payés sur préavis, 198.685 euros au titre des indemnités conventionnelles de licenciement, 360.000 euros au titre d’indemnités de licenciement sans cause réelle ni sérieuse et 1.500 euros au titre de l’article 700, une somme forfaitaire qui vise à couvrir les frais engendrés par la procédure. Puis le Medef va également devoir rembourser aux Assedic les sommes versées à Jacques Creyssel, une somme estimée entre 35.000 et 40.000 euros par l’avocate ! Voilà un parapluie de Madame Parisot qui coute 720.500 euros à l’organisation patronale pour rien, finalement !
Le MEDEF se déchire tellement en interne que l’on se demande au MEDEF si la vie ne serait pas plus rose sans Madame Parisot ! Il faut dire que son historique est chargé….
Nous nous devons nous demander si, au regard de l’historique pour le moins chargé du MEDEF, il ne faudrait pas, dans l’intérêt de tous, le dissoudre ? Cet organisme d’un autre temps (changer de nom ne sert a rien si l’on ne change pas de pratiques) et qui ne représente pas grand-chose du patronat français dégrade jour après jour l’honneur des entrepreneurs, des vrais. Que veut dire le mot patron de nos jours ? Ceux qui créent de l’emploi et qui ne se disent pas « patron ». Le nom même du MEDEF montre qu’il s’agit d’une organisation d’un autre temps, le temps de la lutte de classes est tout de même loin… Les PME sont bien mal représentées dans notre pays et au MEDEF en particulier. Et pourtant, c’est le premier employeur de France, qui licencie peu, délocalise peu et embauche dès qu’il peut. Demandez donc à un chef d’une petite PME ce qu’il pense du MEDEF, demandez aux artisans de France ce qu’ils en pensent, demandez aux créateurs de « start-up » ce qu’ils en pensent…
Si les scandales du CNPF puis du MEDEF n’ont eu des échos que ces dernières années, c’est parce que le MEDEF tente de contrôler la presse depuis sa création. Mais avec l’internet les scandales sortent, aidés de la presse ou pas. Allons-nous tolérer encore longtemps qu’un petit groupe de personnes continuent de se servir dans les poches de nos entreprises, de congés payés, de notre 1% logement, de nos médecins du travail tout en se prétendant représenter toutes les entreprises ? Va-t-on accélérer la chute inévitable du MEDEF ?
Par Eugène du blog Economique et Social (Marianne2) le 14/05/2010
Transmis par Linsay
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