Points sur les “i” à propos du Venezuela et de Hugo Chavez
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Tant de désinformation est distillée dans les dépêches de tant de médias dans le monde au sujet du Venezuela et du Président Hugo Chavez, qu’il est temps de remettre les points sur les “i”. Le Venezuela n’est ni une dictature, ni le Président Chavez un dictateur.
Hier soir le chef de l’État participait à une réunion avec un groupe de militants du droit au logement . Non seulement ceux-ci ont critiqué – en direct, à la télévision – les politiques du gouvernement et son inaction sur les thèmes des loyers et du logement, mais ils ont aussi proposé des lois, des règlements et des projets reçus les bras ouverts par Chavez lui-même. La semaine dernière le Président vénézuélien a usé de son droit de veto sur la loi de l’éducation supérieure votée par l’assemblée majoritairement pro-Chavez de l’an dernier, et il a appelé à un débat plus "large et ouvert" sur ce thème, qui prenne en compte les critiques de ceux qui avaient manifesté leur opposition à la loi. Est-ce là l’attitude d’un dictateur brutal ?
Allant et venant au Venezuela depuis plus de 17 ans, je peux certifier qu’une extraordinaire transformation a eu lieu dans les dix ans écoulés depuis la première élection de Chavez en 1998. Il a été réélu depuis à deux reprises par d’écrasantes majorités (lors de scrutins pleinement validés par l’UE et l’OEA, NDT).
Lorsque je suis arrivé au Venezuela pour la première fois en 1993, le pays était en plein désarroi. Les droits constitutionnels avaient été suspendus et un couvre-feu national imposé. La répression était partout à l’œuvre, l’économie en crise, plusieurs journaux, télévisions et radios fermés ou censurés. Le gouvernement avait imposé une conscription militaire visant les jeunes des communautés pauvres. Un président par interim avait remplacé Carlos Andrés Pérez – salué par Washington comme un "remarquable démocrate" – qui venait d’être démis et arrêté pour corruption. Pérez échappa á la prison et s’envola pour Miami où il résida jusqu’au mois dernier, non sans avoir joui des millions qu’il avait volés au peuple vénézuélien.
Même après l’élection d’un nouveau président en 1994, les garanties constitutionnelles restèrent suspendues par intermittence jusqu’à ce que les élections de 1998 portent Chavez au pouvoir. Depuis, malgré un bref coup d’État en 2002, le sabotage économique de l’industrie pétrolière en 2003 et de multiples attentats ultérieurs contre son gouvernement, le Président Chavez n’a pas une seule fois limité les droits constitutionnels ni imposé de couvre-feu à la population. Il n’a jamais ordonné d’état d’urgence qui limiterait les droits ou fermerait la voix des médias. Il a même, en 2007, décrété un pardon général sous la forme d’une amnistie pour tous les participants au coup d’État de 2002, à l’exception des responsables directs de crimes contre l’humanité ou d’homicide.
Sous l’administration Chavez, la pauvreté a été réduite de moitié, une santé et une éducation universelle et de qualité ont été garanties pour tous les Vénézuéliens, de nouvelles industries ont été créées et surtout, de plus en plus de pouvoir a été placé dans les mains d’une majorité de gens "ordinaires" jusque là exclus de la vie politique par les élites qui ont gouverné le pays tout au long du 20e siècle.
Alors, pourquoi tant de journaux, de radio ou de télévisions traitent-ils le président vénézuélien de “dictateur” ?
On peut ne pas aimer la manière de parler de Hugo Chavez, le fait qu’il soit né pauvre, qu’il vienne du secteur militaire, qu’il soit de gauche ou qu’il ne corresponde pas à l’image stéréotypée du chef d’État. Cela ne fait pas de lui un “dictateur”.
Au Vénézuela, plus de 80% des télévisions, radios, imprimés restent aux mains d’intérêts privés qui critiquent le gouvernement. Donc, malgré ce qu’affirme certaine presse internationale, il n’ y a ni censure ni violation de la libre expression. Les appels à renverser le gouvernement ou incitant les forces armées à se rebeller contre l’État, qui seraient clairement interdits dans d’autres pays, sont ici transmis par une télévision sous contrôle de l’opposition et bénéficiant de concessions publiques (signaux en clair, non par cable). Le mois dernier le chef du patronat vénézuélien (FEDECAMARAS), au cours d’une conférence de presse en direct, a traité les forces armées de “traîtresses” qui devraient “payer le prix” si elles ne désobéissaient pas aux ordres du gouvernement et refusaient d’ "obéir" aux diktats du monde des affaires.
J’imagine le dirigeant patronal des États-Unis se rendant à la télévision pour dénoncer la "trahison" de l’armée des États-Unis au cas oú elle ne désobéissait pas au gouvernement fédéral. Les services secrets l’arrêteraient immédiatement et les conséquences seraient graves. Mais ce genre de choses ne se produirait jamais aux États-Unis. Aucune télévision ne transmettrait un appel à la rébellion ou à la désobéissance contre le gouvernement. C’est illégal.
Il n’y a donc pas de censure au Venezuela, mais bien un excès de "libre" expression. Un aspect positif de l’attitude permissive assumée par le gouvernement Chavez envers les médias est la prolifération de médias alternatifs ou communautaires dans tout le pays, espaces et voix de ceux qui ont toujours été ignorés par les médias privés. Sous les gouvernements antérieurs à l’administration Chavez, ces mêmes médias alternatifs ou communautaires étaient interdits.
Récemment l’assemblée nationale a voté une loi sur la “Responsabilité Sociale de la Radio, Télévision et des Médias Digitaux”. La loi ne censure ni internet ni aucune autre forme de média. Elle prohibe les appels à assassiner un président ou tout autre individu, ainsi que toute incitation au crime, à la haine, à la violence sur des sites web opérant au Venezuela. C’est la norme de toute démocratie et plutôt une signe de civilité. La loi rappelle enfin aux médias leur devoir de contribuer à l’éducation des citoyens. On sait le pouvoir considérable dont disposent aujourd’hui les médias sur la société. Pourquoi ne pourraient-ils être responsables de leurs actes ?
Autre thème fortement manipulé par les grands médias, la "loi d’habilitation" approuvée le mois dernier par l’Assemblée Nationale et qui permet à l’exécutif de prendre des "décrets" sur des thèmes spécifiques et stipulés par la loi. Cet article n’usurpe, n’inhibe, ni ne limite les fonctions de l’assemblée, il n’est ni inconstitutionnel, ni antidémocratique. Le parlement peut continuer à débattre et à approuver des lois avec la même autorité. Cet article - prévu dans la constitution d’avant Chavez - permettra de donner des réponses rapides à une situation d’urgence nationale causée par les pluies torrentielles qui ont dévasté des communautés dans tout le pays à la fin de l’an dernier et ont laissé plus de 130.000 personnes sans abri. La loi n’affecte donc aucun droit constitutionnel et n’impose aucune “dictature”, elle n’est qu’une réponse valide à une situation d’urgence appelant des solutions rapides.
Et puisque nous parlons de législature, on trouve beaucoup d’informations malhonnêtes reprises et recyclées par les grands médias dans le monde entier, à propos de la composition du nouveau parlement issu des élections législatives de septembre 2010. Les partis d’opposition anti-Chavez ont remporté 40% des sièges. Certains médias qualifient ce pourcentage de majorité, ce qui est étrange. Le parti pro-Chavez PSUV a remporté 60% des sièges. C’est-à-dire 97 des 165 sièges + un remporté par le PCV, autre parti pro-Chavez, soit un total de 98 députés.
Le bloc de l’opposition a pour sa part remporté 65 sièges sur base d’une coalition de 13 partis politiques (qui sont loin d’être d’accord sur tout). Deux autres sièges ont été remportés par un troisième parti indépendant, le PPT. Le parti chaviste PSUV a gagné 97 sièges et le premier parti qui le suit sur la liste est Accion Democratica (AD) avec 22 sièges. Qui a la majorité ?
En 2005, les partis d’opposition avaient boycotté le processus électoral et perdu les quelques 50% de sièges qu’ils détenaient depuis 2000. Aujourd’hui leur bloc n’atteint plus que 40%, mais ils affirment avoir grandi en nombre. Cette affirmation a été reprise dans de nombreux médias, malgré sa fausseté évidente.
Ce bloc d’opposition a déjà annoncé qu’il cherchera une intervention étrangère pour aider à renverser le gouvernement. C’est non seulement illégal mais incroyablement dangereux. Beaucoup des candidats ainsi que la plupart des partis qui forment l’opposition ont reçu des millions de dollars annuels de diverses agences états-uniennes telles que le National Endowment for Democracy (NED) ou l’Agency for International Development (USAID), toutes deux financées par les impôts des citoyens nord-américains. L’objectif déclaré de ces fondations est de "promouvoir la démocratie" au Venezuela et d’aider à construire les forces d’opposition à Chavez. C’est une claire violation de la souveraineté du Venezuela et un gaspillage des impôts. Citoyens des États-Unis : est-ce ainsi que vous souhaitez que soit dépensé l’argent que vous avez durement gagné ?
Cette semaine des dirigeants de l’opposition vont rencontrer leurs homologues à Washington. Ils ont déjà déclaré que leur mission est de chercher davantage de soutien pour chasser le Président Chavez du pouvoir. Malheureusement leurs actions antidémocratiques sont déjà les bienvenues au Capitole. La représentante Connie Mack (R-FL), à présent chef du sous-comité des Relations Étrangères pour l’Hémisphère Occidental, a annoncé dès le premier jour de session du congrès, que son seul objectif pour l’année était de placer le Venezuela sur la liste des "États soutenant le terrorisme". La Représentante Ileana Ros-Lehtinen (R-FL), à présent chef du Comité des Relations Extérieures, a appuyé cet objectif, allant même jusqu’à souhaiter publiquement l’”assassinat de Fidel Castro ou de tout autre leader répressif" comme Hugo Chavez.
Le 1er janvier le Président Chavez a eu une brève rencontre informelle, amicale, avec la secrétaire d’État Hillary Clinton à Brasilia, à l’occasion de l’accession de Dilma Rousseff à la présidence du Brésil. Aucun accord ne fut noué mais l’échange de poignées de main et de sourires stabilisa une escalade de tensions produite par la crise diplomatique de l’an dernier. Dès son retour à Washington, Clinton fut sévèrement critiquée par les médias et en particulier par le Washington Post, qui l’accusa d’être trop "douce" envers le Venezuela.
Les appels du Washington Post à une guerre contre le Venezuela sont dangereux. Faut-il le rappeler, le conditionnement de l’opinion publique est nécessaire pour justifier une agression contre un autre pays. Les campagnes de démonisation de Saddam Hussein, de l’Iraq et de l’Islam furent essentielles pour lancer les guerres au Moyen Orient, qui ne sont pas encore finies. Est-ce que la population acceptera d’être influencée par des médias dont l’agenda politique (et économique) vise à renverser des gouvernements démocratiquement élus et qui bénéficient d’un soutien populaire, uniquement parce que l’administration nord-américaine n’aime pas leur politique ?
Les récents événements tragiques de l’Arizona montrent de manière encore plus flagrante ce pouvoir des médias et leur influence sur des actions individuelles. Le discours de la haine, les campagnes de démonisation, les informations malhonnêtes et les manipulations sont dangereuses car elles peuvent mener à des conséquences abominables comme la guerre.
Il est temps de stopper l’escalade aggressive contre le Venezuela et d’accepter les faits : le Venezuela n’est pas une dictature. On peut ne pas aimer Hugo Chavez, mais une majorité de vénézuéliens qui ont voté pour lui, si. Et dans cette affaire, ce sont eux qui comptent.
Par Eva Golinger le 13/01/2011 Traduit de l’anglais par Thierry Deronne
Source : la revolucion vive
Transmis par Linsay
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