L’Islande, une caricature des méfaits du libéralisme ?

lundi 31 octobre 2011
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Le premier ministre Islandais David Oddson, nommé en 1991, a emporté le pays dans l’ultralibéralisme le plus total. Le bilan ? Une dette qui s’élève à 850% du PIB, cinq fois la dette de la Grèce...

À écouter les médias, le seul phénomène digne d’intérêt en Islande, ce sont les volcans qui empêchent les avions de voler. Et pourtant…

Je suis plongé dans la lecture de « Boomerang », le dernier bouquin du journaliste économique américain Michael Lewis, auteur l’an dernier de l’excellentissime « The Big Short » qui expliquait de manière très complète les mécanismes de la « crise des subprimes » et mettait surtout en lumière à coup d’anecdotes hilarantes la cause essentielle de cette crise : l’avidité, bien sûr, mais surtout l’incompétence sidérante, la bêtise incroyable de ces banksters d’opérette, leur morgue insupportable, leur suivisme grotesque, et leur aveuglement total face aux réalités.

Aujourd’hui, des millions de familles américaines ont été fichues à la porte, et les banksters de Wall Street ont pansé leurs plaies, désinfectées à grands coup de milliers de milliards d’euros généreusement déversés grâce à la corruption de leurs élus par les contribuables des Etats-Unis et d’ailleurs.

La « crise » s’est déplacée : elle frappe désormais les dettes publiques des pays européens.

Dans « Boomerang », Michael Lewis fait un tour d’Europe pour analyser les causes de cette « crise », qui sont étonnamment différentes en fonction des pays. Même si au final, le résultat est le même un peu partout : des États surendettés qui n’arrivent plus à rembourser les banksters, qui tentent de leur dicter leurs conditions pour récupérer jusqu’à leur dernier centime, même si les peuples doivent en crever.

Un ultralibéralisme enclenché par David Oddson

Le « Tour d’Europe » commence en Islande. Ce pays a la particularité d’être l’un des moins peuplés d’Europe : 320 000 habitants, même pas un tiers de la Moselle ! Coïncidence, c’est aussi par l’Islande que commençait l’excellent film « Inside Job », qu’il faut absolument avoir vu. Qu’est-ce qui justifie donc l’intérêt pour ce petit pays ?

Depuis la nuit des temps, et jusqu’à une époque très récente, la principale richesse de l’Islande était la pêche à la morue. Jusqu’à ce que les Islandais nomment en 1991 un premier ministre ultralibéral : David Oddson. Il lui a fallu une douzaine d’années pour appliquer les théories ultralibérales, c’est à dire supprimer partout le moindre rôle de l’État. Déréguler, privatiser, telle était sa devise.

Parachèvement de son œuvre en 2002, la privatisation des trois banques du pays, la Kaupthing, la Landsbanki et la Glitnir. Menées par des abrutis inspirés par l’enthousiasme des jeunes banksters qui se prennent pour des winners et se croient tout permis, elles ont vite commencé à déconner. Oubliant leur passé de braves banques de dépôt, elles ont entrepris de conquérir le monde. À cet effet, elles ont emprunté. À coups de milliards. Entre 2003 et 2006, les actifs bancaires sont passés de quelques milliards à 140 milliards de dollars.

C’est simple, c’est la croissance bancaire la plus rapide de l’histoire de l’humanité.

David Oddson, son œuvre achevée, s’en est allé diriger la banque centrale islandaise. Dont on a dû le déloger de force après le cataclysme de 2008 : il ne voulait pas partir !

La Landsbanki a ouvert un service d’épargne en ligne (« Icesave ») destiné aux particuliers britanniques et néerlandais, offrant des taux imbattables (de l’ordre de 6%). En 2008, Icesave avait empoché environ 5 milliards d’euros…

La Landsbanki ne s’arrêtait pas là : elle démarchait les riches étrangers, pour leur proposer des montages douteux, voire carrément frauduleux, qui passaient par sa filiale luxembourgeoise. C’est ainsi que le grand ami de Sarkozy, fraudeur fiscal et directeur de casino Enrico Macias, plus connu sous sa couverture de chanteur populaire avait imprudemment gagé sa maison pour obtenir un prêt de quelques millions d’euros et de placer les quelques dizaines de millions restants dans une assurance vie. Quand tout s’est écroulé, il s’est évidemment mis à couiner et à se faire passer pour une victime… Pas sûr que les prolos qui achètent ses disques aient versé des larmes…

225 000 euros de dettes par habitant

Cette « croissance » phénoménale, parfaitement artificielle évidemment, a totalement remodelé la vie quotidienne islandaise : tous les jeunes se sont mis à étudier la finance. Les salaires ont augmenté, le PIB par habitant est devenu le premier de la planète. Les prix de l’immobilier ont été multiplié par 3. Tous les employés de banque roulaient dans des 4x4 rutilants. Des pêcheurs sont même devenus traders, car comme le fait finement remarquer un Islandais interrogé par Lewis, « il est plus facile d’apprendre à un pêcheur à devenir trader de devises qu’apprendre à un banquier d’affaires à pêcher »… Pas besoin d’être un génie pour faire comme les autres bourrins, emprunter du yen à 3% pour le réinvestir en couronne islandaise à 16%…

A la fin de l’histoire, en 2008, lors de la chute du bankster américain Lehmann Brothers, les trois banques islandaises ont été les premières à se casser la figure. Je me souviens encore du bâtiment prétentieux de la Kaupthing, à Luxembourg : du jour au lendemain, toutes les lumières éteintes.

Rappelez-vous : l’Islande, ce sont 320 000 habitants. Figurez-vous que leur trois banques ont réussi l’exploit unique au monde de perdre en 5 ans la bagatelle de 100 milliards de dollars. ($100 000 000 000). En euros du jour, ça donne environ 72 milliards. Divisés par les 320 000 habitants, ça fait 225 000 euros par tête de pipe. Imaginez une famille de 4 personnes : 900 000 euros de dettes sur la calebasse !

Un nombre impressionnant de 4x4 ont depuis lors été victimes d’incendies « spontanés », ultime machination d’andouilles aux abois qui ne pouvaient plus en rembourser les traites…

Une dette qui vaut cinq fois celle de la Grèce

L’Europe se pose actuellement la question de savoir comment la Grèce pourrait rembourser sa dette colossale. Aux dernières nouvelles, il est déjà établi qu’elle ne pourra pas en rembourser plus de la moitié. Or la dette de la Grèce est d’environ 350 milliards d’euros. Soit 5 fois plus que celle de l’Islande. Mais avec une population 30 fois supérieure…

En pourcentage du PIB, la dette de l’Islande s’élève désormais à 850%. La France (en faillite), c’est 85%, 10 fois moins…

En fait, pour l’Islande, la question ne devrait même pas se poser : hors de question de rembourser ! C’est tout simplement impossible !

Et pourtant… Un bankster ne renonce jamais… Les États britannique et néerlandais ont été obligés de rembourser les pertes de leurs ouailles dans l’affaire Icesave. Avant de se retourner vers l’État islandais, dont le parlement félon accepte l’inacceptable. Devant la fronde, le président islandais demande un référendum, qui a lieu en mars 2010 : c’est un gigantesque NIET à 93%…

Fin de partie ? Ce serait mal connaître les banksters ! Selon une méthode désormais bien connue, il suffit de reposer la question jusqu’à obtenir la réponse souhaitée. Un nouveau plan a été concocté par le FMI (de DSK…), qui prévoit des remboursements jusqu’en… 2046 ! Ils ont une fois encore fortement suggéré que ce soit le parlement qui vote ce nouveau plan. Mais le président islandais s’y est opposé, exigeant un nouveau référendum.

Le gouvernement islandais s’y est donc collé à reculons, accompagnant le geste d’une propagande éhontée, de sondages truqués, dans la veine de l’opération « TCE 2005 ». Avec le même flop à l’arrivée : 63% cette fois.

Encore plus original, en réaction à l’incurie de ses « représentants », des citoyens ont décidé en 2010 de se doter d’une assemblée constituante ! Malgré les innombrables bâtons mis dans ses roues, et même s’il n’y a sans doute pas grand chose à en attendre car ses visées n’ont rien de bien révolutionnaire, elle est aujourd’hui au travail et on peut étudier le phénomène comme un laboratoire avant de s’en inspirer à une échelle plus ambitieuse…

Par SuperNo - Blogueur associé Marianne2 le 30/10/ 2011

Transmis par Linsay



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