La plus grande grève de l’histoire de l’Inde
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Rouge Midi avait été un des rares médias à annoncer la grève des 20 et 21 février en Inde, reprenant ainsi l’appel à soutien de la FSM.
Le bilan des deux jours est impressionnant 100 millions de grévistes ce qui fait de ce mouvement non seulement la plus forte grève de l’histoire de l’Inde mais aussi l’une des plus grandes de l’histoire du mouvement ouvrier. _ Ce qui explique que peu de médias en aient parlé depuis ?
A l’appel des onze centrales syndicales indiennes 100 millions de travailleurs se sont mis en grève contre la hausse des prix, la précarité et les privatisations. Parmi les onze centrales les deux centrales affiliées à la FSM, le CITU (9 millions de syndiqués) et l’AITU (6 millions d’adhérents), toutes deux proches partis communistes, ont été particulièrement actives.
Tout le pays a été paralysé par le mouvement : le privé comme le public, la grande industrie comme le petit commerce, le secteur formel comme informel.
Parmi les secteurs les plus touchés, le secteur bancaire, menacé par un plan de privatisation, a connu une mobilisation historique. Selon le Syndicat indien des employés de banque, le secteur aurait répondu à 100% à la grève générale.
L’adhésion à la grève a été très forte dans les services, privés avec des taux records dans les assurances mais aussi dans le public avec plus de 6 millions de grévistes (entre 60 et 90% de grévistes) chez les fonctionnaires, notamment parmi le personnel enseignant.
Les services fondamentaux du pays ont été paralysés : les bureaux de poste et les établissements scolaires fermés, les transports publics totalement paralysés (exception faite de Delhi) tandis que les télécoms ont fonctionné au ralenti
Le mouvement a été massivement suivi dans l’industrie lourde avec une paralysie totale des mines de charbon et de fer, du secteur pétrolier, des ports industriels (6 des 9 ports fermés) ainsi que des usines sidérurgiques (entre 70 et 100%) et les industries stratégiques, défense et nucléaire.
La convergence des luttes a été au cœur du mouvement. Non seulement entre public et privé, mais aussi entre ouvriers et paysans – avec des occupations de terre par les travailleurs agricoles – et entre travailleurs précaires, au cœur du mouvement, et ceux en contrat plus stable.
Le mouvement a été suivi dans tout le pays. Certes, les Etats « rouges », bastions communistes, comme le Kerala et le Bengale occidental, malgré les pressions patronales, ont été à l’arrêt pendant les deux jours de grèves.
Toutefois, la vie s’est arrêtée également dans l’État le plus peuplé, l’Uttar Pradesh, tout comme la capitale New Delhi. Au nord de l’Inde, habituellement moins enclins aux mouvements sociaux, les Etats d’Haryana, du Pendjab et de Chattisgarh ont fonctionné également au ralenti
Une plate-forme unitaire de revendications mais un rôle moteur des syndicats de classe proche des communistes
Historique cette grève l’était également par son caractère unitaire, unie autour d’une une lutte commune contre la hausse des prix, contre le travail précaire et contre la libéralisation et la privatisation de l’économie.
Les onze centrales syndicales ont émis une liste de dix revendications centrées sur une intervention accrue de l’État dans l’économie : gel des prix, arrêt des privatisations des services publics et application du code du travail.
Le sort des travailleurs précaires du secteur informel a été souligné, avec la proposition d’un salaire minimum de 150 euros par mois, l’égalisation des salaires et conditions avec les travailleurs sous contrat (comme transition vers la suppression des contrats précaires) et enfin la garantie de leur droit à la retraite et à la sécurité sociale.
« Un dollar pour les banques aujourd’hui est plus utile que des hôpitaux et des ponts »
Georges Mavrikos, le secrétaire général de la FSM, au congrès de l’AIBEA [1] à Cochin en Inde, rappelait, à quelques jours de ces journées d’action la phrase de l’ancien directeur du FMI qui disait en 2009 : : « Un dollar pour les banques aujourd’hui est plus utile que des hôpitaux et des ponts ». Et le syndicaliste de poursuivre si "les banques nagent dans leurs profits, les employés de banques vivent dans la pauvreté (...) dans l’industrie les travailleurs ne peuvent acheter les produits qu’ils produisent eux-mêmes"
Aider les banques ou rendre justice au monde du travail voilà le choix auquel est confronté le gouvernement et que les grévistes ont rappelé avec force.
Touchés par un sérieux ralentissement de la croissance à 5%, la plus mauvaise performance sur dix ans si les dernières prévisions venaient à se confirmer, les Indiens doivent également faire face à une augmentation du coût du carburant et s’opposent avec force à l’ouverture des secteurs de la grande distribution, de l’assurance et de l’aviation aux investisseurs étrangers après plus de deux décennies de libéralisation à marche forcée.
Depuis 1991, le gouffre entre riches et pauvres n’a cessé de se creuser. Les pauvres sont devenus encore plus pauvres, l’inflation atteint des niveaux inédits (entre 7 et 10%, NDR) et l’homme de la rue se bat quotidiennement pour joindre les deux bouts. La libéralisation a seulement servi les multinationales, qui jouissent d’avantages fiscaux, de facilités pour les crédits et de la possibilité de ne pas rembourser leurs prêts. Nous réclamons des politiques centrées sur l’humain », tonne le secrétaire général des employés de banque, Parmod Sharma. En 2010, un tiers de la population – soit 365 millions de personnes – survivaient toujours sous le seuil de pauvreté.
Cette grève intervient au moment où le Parlement ouvre le débat sur le Budget 2013 et où Manmohan Singh rêvait d’une union sacrée autour d’une réduction de 10% des dépenses publiques afin de lever la menace d’une dégradation de la note du pays par les agences de notation.
Après ces deux jours il en est quitte pour ranger ses rêves au rayon des illusions perdues. Les dirigeants syndicaux des deux principales centrales syndicales du pays ont insisté sur la nécessité de continuer la lutte face aux contre-réformes du gouvernement de centre-gauche du Parti du Congrès :
« Si le gouvernement ne prend pas en compte nos revendications après la grève, alors nous intensifierons nos actions de protestation », a averti le secrétaire-général de l’AITUC Gurudas Dasgupta.
La grève générale du 20-21 février était la quinzième grève générale depuis la grande grève de 1991 contre les réformes libérales imposées par le FMI. _ La première grève générale unitaire sur deux jours.
La première surtout à dépasser la barre des 100 millions de grévistes. La dernière grande grève générale en septembre 2012, déjà une des plus importantes de l’histoire du pays, avait mobilisé 50 millions de travailleurs.
[1] All India association des employés de banques le plus ancien et le plus fort des syndicats du secteur
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