Le Parti communiste portugais propose à l’Assemblée la « sortie de l’Euro et la nationalisation des banques »
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Les communistes portugais ne se posent la question de la sortie de l’euro, mais de comment la préparer. Ils ne se font d’illusions ni sur l’Euro, ni sur le rôle du parlement : y proposer la sortie de l’Euro, c’est une tribune pour les idées communistes, l’occasion de démasquer les faux amis du peuple portugais. A gauche aussi.
Critique depuis sa création d’une monnaie unique (et non commune ce qui serait totalement différent et que proposait ici en France le PCF d’avant Robert Hue) perçue justement comme outil d’imposition au Portugal de la casse des acquis démocratiques et sociaux, de paupérisation du peuple portugais, le PCP a longtemps été sceptique sur la faisabilité de la sortie de l’euro.
« Sortir de l’Euro » : une position progressivement adoptée par le PCP
C’était avant. En décembre 2012, au dernier congrès du PCP, son analyse a été réaffirmée avec force : l’UE n’est pas réformable, comme l’Euro. Depuis, il a organisé plusieurs rencontres avec des économistes du parti ou non pour d’abord poser la question de la sortie de l’euro (mars 2013) puis envisager les conditions de sa sortie (septembre 2014).
En septembre 2014, les trois députés européens du PCP ont officiellement manifesté leur position consistant en une préparation du pays à la sortie de l’Euro, au vu de l’incompatibilité entre le maintien dans l’euro et la concrétisation d’une politique alternative et de gauche.
Ils se sont engagés à porter cette position à Bruxelles, à Strasbourg, au Parlement européen.
Le PCP a franchi une nouvelle étape le mois dernier. Le 15 octobre, le député Paulo Sá a proposé un projet de résolution à l’Assemblée de la République, en trois points : « renégociation de la dette, préparation de la sortie de l’euro et contrôle public des banques ».
Renégocier la dette, sortir de l’euro, nationaliser les banques
Renégocier la dette ? Oui, dans ses « délais, taux et montants » pour Paulo Sá car la « dette devient impayable » et surtout « plus on paye, et plus on doit ». Les intérêts s’élèvent à 7,7 milliards d’euros en 2014, 60 % de plus qu’en 2011. La dette a augmenté de 54 milliards d’euros en 3 ans ! (La France n’est pas mieux lotie avec un montant des intérêts dus depuis 1973 - date de la loi Pompidou qui a fait la part belle aux banques privées - égal à peu de choses près au montant de la dette)
Sortir de l’euro ? Clairement. Il s’agit de « se libérer de la soumission à la monnaie unique, de retrouver sa souveraineté monétaire, que le pays se prépare à cette nouvelle réalité ».
Après avoir rappelé les avantages économiques de la sortie, le député rappelle tout ce qu’a signifié l’Euro pour le Portugal : destruction de l’apparel productif, endettement externe, baisse des salaires, privatisation des entreprises.
« Il est impératif de libérer le Portugal de la contrainte de l’Euro », bien que le député évoque ensuite plusieurs scénarios – dont celui de la dissolution concertée, ou de la sortie unilatérale subie ou voulue –, le pays doit être prêt.
Nationalisation des banques ? Une évidence quand « les banques privées, reconstituées à partir des privatisations du secteur public, ne servent pas les travailleurs, les populations, les entreprises, les producteurs, l’économie nationale et le pays ».
Refuser la proposition du PCP, c’est « défendre un secteur bancaire qui continue à engraisser les profits des actionnaires, des spéculateurs, de quelques familles ».
Le PCP cite le cas des scandales financiers récents, dont celui de la Banque Espirito Santo, renflouée à coups de milliards par l’Etat portugais !
Une bombe dans l’hémicycle rejetée par la droite et le PS
Ce projet de résolution a été reçu comme une bombe dans l’hémicycle. Il a rencontré l’hostilité de la majorité de l’Assemblée, alors qu’il bénéficie du soutien de la majorité du peuple portugais.
Tel est la mission que le PCP confie à ses parlementaires. Point d’illusion sur le fait de « pouvoir peser à gauche ». Le Parlement est une tribune pour déclarer la guerre au consensus dominant, l’occasion de révéler la contradiction entre les partis défendant le système et la volonté du peuple.
Sans surprise, on a retrouvé un vote unanime de la « troika », donc de la droite représentée par le PSD (Parti social-démocrate), le CDS (Centre démocratique et social), de la « gauche » incarnée par le Parti socialiste. Un vote contre les trois propositions, donc pour le maintien dans l’euro et des banques privées.
Le Bloc de gauche refuse de voter la sortie de l’Euro !
Plus éclairant, le vote du Bloc de gauche – soutenu par le PGE (Parti de la gauche européenne auquel adhère le PCF) – qui a voté la proposition du PCP sur la renégociation de la dette et sur le retour des banques dans le giron public.
Par contre, le Bloc de gauche a refusé de voter le projet de résolution, pourtant prudent, pour « préparer le Portugal à la sortie de l’Euro ». Le Bloc s’est abstenu.
La question européenne est une des questions qui fait le clivage entre le Bloc et le PCP : le Bloc de gauche a toujours été un parti pro-européen, défendant l’Euro et l’UE, même au nom d’une hypothétique « Europe sociale » à inventer. Nous disions quant à nous en France dès 2005 que la question de l’Europe et de l’union européenne marquait une ligne de rupture entre ceux qui voulait au mieux aménager le capitalisme et ceux qui voulaient le combattre.
D’autres questions séparent les deux partis : les alliances avec le PS, fréquentes pour le Bloc au niveau local, possibles au niveau national comme aux dernières présidentielles, où il s’est rallié dès le premier tour derrière le candidat PS !
Ou encore la question de classe, secondaire pour le Bloc de gauche qui mise plus sur les questions sociétales, tandis que le PCP – avec le syndicat CGTP, dirigé par un responsable communiste – met la priorité sur la lutte de classes, contre la politique anti-sociale du pouvoir.
Les communistes à 13 %, le Bloc à 4 % : la clarté paye !
Les Portugais ont fait leur choix. Longtemps au coude-à-coude dans les sondages, les urnes, depuis deux ans, c’est la Grande divergence en pleine crise de l’euro et de l’UE : en 2009 le Bloc et le PCP étaient au même niveau aux européennes, avec 11 % des voix.
En 2014, le PCP a réalisé son meilleur score depuis 20 ans, avec 13 % des voix. Le Bloc s’est lui écroulé, victime de ses propres contradictions sur l’euro dont il refuse d’envisager la sortie. Avec 4,5 % des voix, c’est son existence même qui est menacée.
Voilà de quoi nous inspirer. Combien de temps encore avant de se rallier à cette position de bon sens, correspondant à notre identité de communiste tout comme aux nécessités du moment ? Le PCP l’a compris, sa ligne paye et elle est utile au peuple portugais dans sa lutte quotidienne.
Les communistes portugais montrent ainsi aux communistes français, de Rouges Vifs 13 ou d’ailleurs qu’ils ne sont pas isolés au plan international...
D’après un article de AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
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