Réponse de Jean Ferrat à une attaque hallucinante
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Meir Weintrater, rédacteur en chef de la revue l’Arche, dans une interview accordée à la revue « Nouvelles d’Arménie Magazine » critique la chanson de Jean Ferrat « Nuit et brouillard ». La réponse du chanteur se suffit à elle même.
Extrait de l’interview de Meir Weintrater
« Je vais vous donner un exemple qui m’a frappé. La chanson « Nuit et brouillard », décrit les victimes des gens qui sont dans des « wagons plombés » et dit :
« Ils s’appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vishnou
D’autres ne priaient pas mais qu’importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux ».
Les deux derniers vers évoquent les résistants, essentiellement les résistants communistes, puisque c’était la mouvance à laquelle appartenait Jean Ferrat. Dans les deux premiers vers, Natacha fait référence à l’Union Soviétique, Jean-Pierre, on comprend aussi. Le seul moment où l’identité juive apparaît est dans Samuel et Jéhovah. Quant à Vishnou, on suppose que c’était pour faire la rime. Aujourd’hui, un tel texte serait attaqué pour négationnisme implicite. Pourtant, je me souviens que j’étais à l’époque très content de cette chanson et ma génération l’a accueillie avec soulagement. On avait le sentiment que l’on reconnaissait quelque chose implicitement même si cela restait très marginal.
NAM : Que faut-il en déduire ?
M.W : Que Jean Ferrat lui-même, en tant que Français communisant, et bien que de père juif avait intériorisé la minoration de la persécution des Juifs, alors même que son propre père est mort en camp d’extermination.
REPONSE DE JEAN FERRAT :
Monsieur Meir WEINTRATER
Rédacteur en chef de la revue « L’Arche »
Antraigues, le 24 février 2005
Monsieur,
Je viens de prendre connaissance de votre interview publiée par « Nouvelles d’Arménie Magazine » de janvier 2005 et ne saurais rester sans réagir à vos déclarations me concernant et concernant aussi ma chanson : « Nuit et
brouillard », car c’est la première fois depuis 42 ans qu’elle suscite une réaction de cette nature. C’est la première fois qu’on me reproche, en définitive, de n’avoir pas parlé uniquement de l’extermination des juifs. Vous osez le faire. J’ai envie de dire : « Tant pis pour vous », mais je vous rappelle que justement, « Nuit et brouillard » est dédié à toutes les victimes des camps d’extermination nazis quelles que soient leurs religions et leurs origines, à tous ceux qui croyaient au ciel ou n’y croyaient pas et bien sûr, à tous ceux qui résistèrent à la barbarie et en payèrent le prix.
Que vous puissiez justement, faire un compte dérisoire en regrettant que : « Le seul moment ou l’identité juive apparaît est dans Samuel et Jéhovah » me paraît particulièrement indigne. Je ne puis également accepter vos interprétations tendancieuses qui concernent les résistants que je célèbre et qui seraient, d’après vous, : « essentiellement communistes ». Je passe sur l’évocation de « Vishnou » que je n’aurais utilisé que pour la rime alors qu’il symbolisait pour moi toutes les autres croyances possibles.
Si j’avais aujourd’hui à regretter quelque chose, c’est de n’avoir pas cité les autres victimes innocentes des nazis, les handicapés, les homosexuels et les Tsiganes. Mais il est temps, à présent, d’en venir à votre affirmation
finale : « Aujourd’hui, un tel texte (vous parlez, bien entendu, de « Nuit et brouillard ») serait attaqué pour négationnisme implicite ».
Je me demande par quelle dérive de la pensée on peut en arriver là, et si vos propos ne relèvent pas simplement de la psychiatrie.
Jean Ferrat
Cet échange se situe dans un contexte malsain où l’extrémisme de certains risque d’atteindre exactement l’inverse de l’effet recherché (voir déclaration de l’UJFP dans la rubrique ACTUALITE POLITIQUE ET SOCIALE ou l’interview de Edgard Morin sur le site oulala.net.
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