Depuis six mille ans la guerre !
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Ce merveilleux poème de Victor Hugo ne nécessite aucune présentation, il se suffit à lui même. Mais comme le dit un marxiste marseillais de mes amis, le vieux Karl Marx, s’il avait parfaitement décrit les rouages de la société capitaliste, pour ce qui concerne le changement de cette société, il avait sous estimé la "nature humaine". Dénoncer la guerre n’est pas suffisant, il faut attaquer la cause des guerres : le capitalisme. “Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.” (Martin Luther-King)
Depuis six mille ans la guerre
Plait aux peuples querelleurs,
Et Dieu perd son temps à faire
Les étoiles et les fleurs.
Les conseils du ciel immense,
Du lys pur, du nid doré,
N’ôtent aucune démence
Du coeur de l’homme effaré.
Les carnages, les victoires,
Voilà notre grand amour ;
Et les multitudes noires
Ont pour grelot le tambour.
La gloire, sous ses chimères
Et sous ses chars triomphants,
Met toutes les pauvres mères
Et tous les petits enfants.
Notre bonheur est farouche ;
C’est de dire : Allons ! mourons !
Et c’est d’avoir à la bouche
La salive des clairons.
L’acier luit, les bivouacs fument ;
Pâles, nous nous déchaînons ;
Les sombres âmes s’allument
Aux lumières des canons.
Et cela pour des altesses
Qui, vous à peine enterrés,
Se feront des politesses
Pendant que vous pourrirez,
Et que, dans le champ funeste,
Les chacals et les oiseaux,
Hideux, iront voir s’il reste
De la chair après vos os !
Aucun peuple ne tolère
Qu’un autre vive à côté ;
Et l’on souffle la colère
Dans notre imbécillité.
C’est un Russe ! Egorge, assomme.
Un Croate ! Feu roulant.
C’est juste. Pourquoi cet homme
Avait-il un habit blanc ?
Celui-ci, je le supprime
Et m’en vais, le coeur serein,
Puisqu’il a commis le crime
De naître à droite du Rhin.
Rosbach ! Waterloo ! Vengeance !
L’homme, ivre d’un affreux bruit,
N’a plus d’autre intelligence
Que le massacre et la nuit.
On pourrait boire aux fontaines,
Prier dans l’ombre à genoux,
Aimer, songer sous les chênes ;
Tuer son frère est plus doux.
On se hache, on se harponne,
On court par monts et par vaux ;
L’épouvante se cramponne
Du poing aux crins des chevaux.
Et l’aube est là sur la plaine !
Oh ! j’admire, en vérité,
Qu’on puisse avoir de la haine
Quand l’alouette a chanté.
Victor HUGO. [1]
Transmis par la_peniche
[1] Le 30 mai 1878, dans son discours pour le centenaire de Voltaire, Hugo invite à en finir avec la glorification de la guerre. On propose de voir dans cette prise de position non pas une formule de circonstance mais l’aboutissement d’une tendance qui travers son œuvre, des discours pour les Congrès de la Paix à L’Année terrible, en passant par les Chanson des rues et des bois, et autant qu’une critique radicale une visée démystificatrice.
(Source : Arnaud Laster, Maître de Conférences en littérature à l’Université de Paris III , « Déshonneur de la guerre (V.Hugo) », Colloque « Hugo et la guerre », 2002)
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