98,6 : un nombre décimal, décimant les travailleurs
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1. Intro
2 x 49,3 = 98,6 . Pour la deuxième fois en moins d’un an, le gouvernement socialiste a fait passer en force une loi totalement impopulaire, car antisociale (j’en perds mon sang froid … :-)).
En effet, après la loi Macron, adoptée en troisième lecture et par le biais d’un 49.3, mardi dernier, le gouvernement a démontré une fois de plus son respect profond envers la démocratie, en faisant application une nouvelle fois de l’article 49.3, afin d’imposer la loi El Khomri, dont le refus mobilise jour et nuit des centaines de milliers de personnes, dans toute la France, depuis près de deux mois. Mais au fait, c’est quoi ce 49.3 ?
2. L’article 49.3, une spécialité socialiste
L’article 49, alinéa 3, de la Constitution française prévoit que "Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session."
Comment ça marche ?
Lors du vote d’un projet ou d’une proposition de loi, le Premier ministre peut décider d’engager la responsabilité du Gouvernement. Dans ce cas :
L’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution fait l’objet d’une délibération préalable en Conseil des ministres.
Le projet ou la proposition de loi est alors réputé adopté sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures et signée par au moins un dixième des membres de l’Assemblée nationale :
si aucune motion de censure n’est déposée, le projet ou la proposition est considéré comme adopté ;
si une motion de censure est déposée, elle est discutée et votée dans les mêmes conditions que celles présentées par les députés. En cas de rejet de la motion, le projet ou la proposition est considéré comme adopté. Dans l’hypothèse inverse, le texte est rejeté et le Gouvernement est renversé.
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la responsabilité du Gouvernement peut être engagée sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et sur un seul autre projet (ou proposition) de loi au cours d’une même session. Auparavant, le Gouvernement pouvait y recourir autant de fois qu’il l’estimait nécessaire et quelle que soit la nature du texte (de 1988 à 1993, le Gouvernement a ainsi utilisé l’article 49.3 à 39 reprises).
3. L’idéal de Gattaz = loi Macron + loi El Khomri
Comme je le relatais déjà le 30 novembre 2014, dans mon article « Le cerbère du capital, le berger, son toutou, et le prix Nobel en prime », Valls et Macron dansaient avec le MEDEF ; Madame El Khomri nommée après, les a rejoint. Ci-dessous, retranscription de « l’idéal de Gattaz » :
Travail le dimanche et le soir : Il faudrait ouvrir d’avantage les commerces le 7e jour de la semaine, ainsi que plus tard le soir, « en accord avec les salariés qui le désirent, ou par accord social ».
« Avec la suppression de cette archaïque disposition, qu’est la fermeture dominicale, nous boosterons la dynamique de la consommation. Bien sûr, le pouvoir d’achat n’en sera pas majoré, mais cela offrira la possibilité de le dépenser sur sept jours au lieu de six. »
Suppression des 35 heures : Pierre Gattaz veut « en finir avec le principe d’une durée légale imposée à toutes les entreprises » en permettant à celles-ci de négocier non seulement la durée, « qui constituera alors le seuil de déclenchement des heures supplémentaires », mais aussi le taux de majoration horaire et l’aménagement du temps de travail.
« Ce qu’il faut supprimer, c’est l’obligation légale. Que chaque employeur puisse déterminer la durée de ce temps de travail : 30, 32 ou 40 heures. Bien entendu, payées comme telles, restons réalistes ! »
Supprimer des jours fériés : Selon le Medef, le nombre de jours fériés (11 au total) et les complexités qu’ils induisent sont un frein à la croissance, et donc à l’emploi ». Sa préconisation ? Supprimer deux jours fériés, ce qui génèrerait 1% de croissance.
Soulignant que la durée effective annuelle moyenne du travail des salariés à temps plein, en France, est la plus basse d’Europe après la Finlande. Le Medef veut supprimer un ou deux jours fériés et en accoler d’autres aux week-ends, afin de supprimer des « ponts ».
Recul de l’âge légal de départ en retraite : Le Medef juge nécessaire une nouvelle réforme des retraites, avec à la clé, « un recul de l’âge légal de départ à la retraite, pour tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie » ou la convergence des régimes de base.
« Pour moi, la question est tranchée. Nous avons gagné en 50 ans, 20 ans d’espérance de vie. Il nous faut en reverser la moitié, soit dix, à l’entreprise. Je vois l’âge légal de départ à la retraite à 75 ans »
Suppression du SMIC : L’idée du Medef consisterait à instaurer, de façon provisoire, un salaire inférieur au salaire minimum « pour les populations les plus éloignées de l’emploi, et qui pourrait être complété par des allocations sociales afin de garantir un pouvoir d’achat égal au SMIC ». En 1994, Edouard Balladur s’y était cassé les dents avec son CIP, l’équivalent d’un SMIC jeunes. Par ailleurs, compléter le différentiel par l’Etat, revient à subventionner le secteur privé ; un système dont l’Allemagne est en train de sortir.
Création du contrat de projet : Le patronat dénonce les effets pervers de la « dualisation » croissante du marché du travail, unes situation qui oppose des jeunes obligés d’enchaîner des CDD de plus en plus courts alors que 87 % de salariés jouissent toujours d’un CDI. D’où sa proposition d’un nouveau « contrat de projet » qui prendrait fin une fois la mission réalisée.
C’est une idée ancienne du Medef, qui revient à généraliser le contrat de chantier, tel qu’il existe dans le bâtiment, à tous les secteurs d’activité. « Il s’agirait d’un contrat à durée indéterminée qui prendrait fin automatiquement, une fois le projet réalisé ».
Réformer le code du travail : le Medef veut simplifier drastiquement le droit du travail. Aujourd’hui « incompréhensible », il doit, selon l’organisation patronale, fixer « les grands principes » et s’interdire d’ « entrer dans les détails ». La primauté serait donnée aux accords collectifs d’entreprises, un salarié ne pouvant plus leur opposer son contrat de travail.
La réforme de l’assurance chômage : Les formules qui fâchent comme « baisse des indemnités chômage » ne sont pas écrites noir sur blanc. Mais le diagnostic dressé laisse peu de place au doute. « Notre système d’assurance chômage n’incite pas à un retour à l’emploi rapide », considère l’organisation de Pierre Gattaz. Elle veut rouvrir les négociations conclues le 22 mars afin que l’assurance chômage réduise son déficit. Au passage, elle réclame un renforcement du contrôle des chômeurs.
Baisse des charges patronales et fin de la taxe sur les transactions financières : Sur la partie fiscale, le patronat souhaite transformer le Cice en baisse de charges. Le Medef juge qu’une baisse de charges est plus perenne qu’un crédit d’impôt, et surtout plus facile à calculer pour les chefs d’entreprise. Il demande parallèlement la suppression progressive des taxes pesant sur les facteurs de production et les taxes sectorielles. Enfin, l’organisation patronale demande la suppression de la taxe sur les salaires, qui pèse sur les banques et les assurances, et la fin de la taxe sur les transactions financières.
Plus besoin d’excuses pour licencier : Le président du Medef Pierre Gattaz a suggéré jeudi que la France sorte de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui oblige à justifier un licenciement, afin de lever la crainte de l’embauche chez les chefs d’entreprises. "Les chefs d’entreprise, quand ils peuvent embaucher, craignent de se trouver devant les prud’hommes s’ils rompent le contrat. C’est un des principaux freins à l’embauche".
Réduire le nombre d’instances de représentation du personnel : Les trois organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) veulent aussi remplacer les diverses instances de représentation du personnel (Comité d’entreprise, CHSCT....) dans les entreprises de plus de 50 salariés par un seul "Conseil d’entreprise". Les salariés seraient consultés tous les 4 ans pour savoir s’ils veulent ou non mettre en place cette instance, qui reprendrait l’ensemble des prérogatives dévolues jusqu’ici au Comité d’entreprise, au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux.
Suppression des délégués du personnel : Le Medef souhaite supprimer les délégués dans les entreprises de moins de 50 salariés, ou du moins l’obligation d’élire des délégués du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés, arguant qu’elle n’est déjà pas respectée. Ceci pour limiter les effets de seuil, qu’ils dénoncent inlassablement comme un frein à l’embauche.
4. La loi Macron
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », est une loi française portée par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron au nom du gouvernement. Évoqué devant la presse et au Conseil des ministres le 15 octobre 2014, le projet est présenté le 10 décembre 2014 en Conseil des ministres et le lendemain à l’Assemblée nationale.
La loi se donne, selon Emmanuel Macron, pour finalité de « déverrouiller l’économie française » ; elle doit régler les « trois maladies » de la France : « défiance », « complexité » et « corporatisme » en prenant un ensemble de mesures modifiant un certain nombre de réglementations en vigueur afin de restreindre le droit au repos du dimanche et faciliter le travail de nuit, de réduire le caractère fixe des tarifs des professions réglementées et d’augmenter le nombre de professionnels, de supprimer le monopole du service public de la SNCF accordant la préférence au rail pour le transport terrestre régulier à longue distance, d’accélérer l’acquisition du permis de conduire, de plafonner les indemnités de licenciement et les dommages et intérêts en cas de licenciement abusif, de permettre la vente par l’État de dix milliards de participation dans des entreprises publiques privatisées afin d’augmenter les intérêts de la dette payés, la possibilité de transférer la propriété de l’armement militaire, des avions de chasse et des navires de guerre à des sociétés commerciales privées qui les loueront à l’armée française et à la Marine nationale, l’augmentation systématique de 30 % des limites de constructibilité en zones urbaines, ainsi que diverses autres mesures qui ont été abandonnées : l’ouverture du capital des pharmacies aux investisseurs non pharmaciens, l’ouverture de la profession d’avocat aux juristes d’entreprise, etc.
Le projet de loi est adopté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 18 juin 2015 puis définitivement le 11 juillet 2015, dans les deux cas au moyen de l’article 49-3 de la Constitution.
5. La loi El Khomri
Tel que mis en garde avant les premières manifestations, je vous retranscris la publication de la Niche du 6 mars dernier : « Réforme du code du travail : attention, danger et 49-3 en vue » :
S’il est adopté, le projet de loi sur « la négociation collective, le travail et l’emploi », dévoilé ce jeudi par Les Echos, va réformer en profondeur le quotidien des salariés. Pas seulement en termes de temps de travail, mais aussi en matière de salaire, de licenciement ou encore d’indemnités prud’homales. Rappelons que Myriam El Khomri, la ministre du Travail, présentera ce texte le 9 mars en Conseil des ministres et qu’il sera débattu au parlement à partir du mois d’avril. Pour le faire aboutir, le gouvernement n’exclut pas de recourir au 49-3 : « Nous prendrons nos responsabilités », assure El Khomri dans un entretien aux Echos. En attendant, voici les principaux points du texte.
La durée de travail
La durée légale reste les 35 heures. Autrement dit, à partir de la 36e heure de travail hebdomadaire, le salarié doit être rémunéré en heures supplémentaires. A un taux horaire majoré de 25 % minimum comme le prévoit la loi ? Pas forcément : un accord avec les syndicats de l’entreprise, et non plus avec ceux de la branche, peut prévoir un taux moindre, qui ne pourra toutefois être inférieur à +10 %. Il sera par ailleurs moins simple de cumuler des heures supplémentaires puisque le texte prévoit que le décompte du nombre d’heures réalisées puisse s’effectuer sur trois ans, si un accord collectif est signé. Concernant la durée maximale du temps de travail, elle passe à 46 heures par semaine, contre 44 heures auparavant, pendant 16 semaines consécutives, et non plus 12 semaines consécutives. En cas de « circonstances exceptionnelles », cette durée peut même aller jusqu’à 60 heures, dans la limite de 12 heures par jour.
Le licenciement
La réforme précise et élargit les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent pratiquer le licenciement économique. Elles pourront donc recourir à de tels licenciements si des « mutations technologiques » le nécessitent, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, mais aussi en cas de « réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l’entreprise ». Ce qui pourra s’appliquer à bien des cas. Le projet de loi définit désormais ce qu’est une difficulté économique, soit « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires de plusieurs trimestres consécutifs, en comparaison à la même période de l’année précédente ; soit des pertes d’exploitation pendant plusieurs mois ; soit une importante dégradation de la trésorerie, ou tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Combien de trimestres consécutifs de baisse devront être enregistrés ? Ce sera aux syndicats de le définir, dans chaque branche. A défaut d’accord, le quota de quatre trimestres consécutifs s’appliquera. Autres grosses nouveautés : si la filiale française d’un groupe est en difficulté, il pourra licencier en France même si ses filiales à l’étranger sont florissantes. « De même, les gains et les pertes enregistrés par différentes activités d’une entreprise, sur différents secteurs d’activité au sein du territoire national, ne se compenseront plus », notent Les Echos.
L’astreinte
Vous êtes d’astreinte, autrement dit prêt à tout moment à partir travailler, mais votre entreprise n’a finalement pas fait appel à vos services pendant cette période ? Eh bien, désormais, ce temps sera considéré comme du repos. Autrement dit, il ne sera pas pris en compte dans le calcul de la durée maximale de travail.
Les cadres
Vous êtes au forfait jour ? Les 11 heures de repos consécutives, c’est fini. Le texte prévoit qu’elles puissent être fractionnées. Et si vous travaillez dans une entreprise de moins de 50 salariés et que votre employeur veut vous faire passer au forfait jour, soit aux 235 jours travaillés par an, c’est-à-dire 14 jours de plus que la conversion des 35 heures en jours de travail, il n’aura plus besoin de négocier avec les syndicats, mais seulement avec vous.
Le salaire
Vous vous souvenez des accords de maintien dans l’emploi ? Entrés en vigueur en 2013, ils permettent de diminuer le temps de travail – et le salaire — d’un salarié, ou encore d’augmenter son temps de travail sans accroître son salaire, ou encore de prévoir une nouvelle répartition de ses horaires de travail. Pour l’instant, seules les entreprises rencontrant des difficultés peuvent signer avec les syndicats de tels accords, qui sont limités dans le temps (cinq ans maximum). Mais demain, même une entreprise florissante pourra négocier ces accords avec les syndicats et il n’y aura pas de limite de temps. Elle pourra le faire si elle décroche un nouveau contrat nécessitant de faire travailler davantage ses salariés sans les augmenter en conséquence, ou encore si elle part à la conquête de nouveaux marchés et qu’elle espère ainsi, peut-être, créer des emplois un jour. Vous n’êtes pas d’accord ? Vous serez licenciés pour « cause réelle et sérieuse », et non pas dans le cadre d’un licenciement économique.
Les indemnités prud’homales
Vous avez été licencié injustement ? Peu importe votre histoire, votre âge ou la taille de l’entreprise dans laquelle vous travailliez, l’indemnité que vous pouvez espérer toucher est désormais plafonnée : c’est trois mois de salaire si vous avez moins de deux ans d’ancienneté, six mois entre deux et quatre ans, neuf mois entre cinq et neuf ans, 12 mois pour 10 à 19 ans. A partir de 20 ans d’ancienneté, l’indemnité s’élèvera à 15 mois de salaire. « Que vous ayez travaillé 20 ans ou 30 ans pour une entreprise, si votre contrat de travail est rompu, ce sera 15 mois de salaire d’indemnités. Et pas un de plus », se désole Eric Rocheblave, avocat spécialiste du droit du travail, interrogé par Le Parisien.
Les apprentis
Si « des raisons objectives le justifient », les apprentis de moins de 18 ans pourront désormais travailler jusqu’à 10 heures par jour, au lieu de huit, dans la limite de 40 heures par semaine, contre 35 heures avant. L’employeur n’aura plus besoin de demander l’autorisation de l’Inspection du travail et du médecin du travail, il n’aura qu’à les avertir.
Les accords avec les syndicats
Nous l’avons dit : la plupart des évolutions prévues par le projet de loi doivent passer par un accord d’entreprise. C’est-à-dire par une négociation avec les syndicats. Pour être valides, les accords devront être majoritaires, c’est-à-dire signés par des syndicats représentant au moins 50 % des salariés ayant voté aux élections professionnelles. Le quantum n’est pas atteint ? Un référendum peut alors être organisé auprès des salariés. Il suffira que plus de 50 % des bulletins soient positifs pour que l’accord soit validé.
6. Conclusion
Comme vous l’aurez constaté, en ajoutant 5 + 4, on obtient 3 (chapitres parlant).
Mais bon, en intro on avait une multiplication (de réformes), en conclusion, il ne pouvait y avoir qu’une addition (de problèmes).
Trêve de plaisanteries, vous constaterez par vous-mêmes, que la loi Macron + la loi El Khomri, ça donne exactement l’idéal de Gattaz, même s’il fait semblant de bouder face aux médias ; quel comédien ! C’est lui qui a tout gagné, alors que sous les gouvernements de droite, il n’y était pas parvenu. Surprenant, non ?
Enfin, ma conclusion sera très brève : Démanteler plus de 100 ans d’acquis sur le droit du travail, par le biais de deux coups de force anti-démocratiques, en moins d’un an, fallait oser ! Et ça se dit « socialiste » ...
Et pour la petite anecdote : 98,6, en degré Fahrenheit, est la température corporelle normale (soit, 37,2 en Celsius) : troublant non ?
Chien Guevara le 14/05/2016
Transmis par Linsay
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