Rouges Vifs : un outil au service de la population
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Rouges Vifs se présentera aux suffrages les 20 et 27 mars 2011 dans le canton de Saint-Barthélemy à Marseille. Un canton qui comptait 38 070 habitants et 16 013 électeurs en 2004, lors des dernières élections cantonales. Denis Rossi (PS), le conseiller général sortant, qui se représente, était élu en 2004 au deuxième tour par 6 349 voix contre 3018 au candidat du Front National. Quatre électeurs sur dix n’avaient pas jugé utile de se déplacer à l’époque pour arbitrer ce duel.
En 2011, le candidat de Rouges Vifs sera Charles Hoareau. Menuisier de profession, militant syndicaliste bien connu, Charles se revendique marxiste. La candidate suppléante, Zora Berriche, est une habitante d’une cité du secteur, professionnelle de la culture et militante associative reconnue.
Nous publions aujourd’hui une première interview de Charles Hoareau, sur les raisons de sa candidature. Très prochainement, c’est à Zora Berriche, que Rouge Midi donnera la parole. Plus globalement, notre rubrique « Cantonales 2011 » se fera régulièrement l’écho de la campagne et des opinions des habitants des quartiers du canton de Saint-Barthélemy [1].
Il faut que les gens qui souffrent soient ceux qui votent
Quand on demande à Charles Hoareau les raisons de sa candidature, la réponse est sans ambigüité. Ceux qui craindraient que le militant qu’ils connaissent ait soudainement décidé de « faire carrière » peuvent se rassurer…
C. Hoareau : Ce n’est pas Charles qui se présente, c’est Rouges Vifs. La question que se sont posée nos adhérents c’est d’abord : faut-il présenter une candidature ou pas ? La question des noms a été seconde. Il y a des gens qui souffrent, qui sont désabusés. Ils ne s’engagent pas en politique parce qu’ils trouvent qu’il n’y a pas de différence entre la droite et la gauche : c’est ça, qui a déterminé notre choix. On s’est dit que notre candidature allait peut-être permettre à ces gens-là de se réapproprier la politique et de faire baisser l’abstention dans les cités. Donc, notre premier acte, notre première volonté, ça a été de dire : il faut que les gens qui souffrent, soient ceux qui votent, qu’ils arrêtent de laisser les autres décider à leur place. Après, la question de ma personne… J’avais déjà été candidat, c’est vrai que je suis sans doute un peu plus connu sur le secteur mais ça aurait pu tout à fait être quelqu’un d’autre.
Rouge Midi : Rouges Vifs a annoncé sa candidature en décembre 2010. Une candidature autonome, sans consultation des autres forces politiques. N’y a-t-il pas de quoi préoccuper les partisans d’un rassemblement à la gauche de la gauche dont Rouges Vifs se réclame généralement ?
C. Hoareau : J’étais un peu soucieux de ça. C’est pourquoi nous avons voulu préciser exactement ce que nous visions avec cette candidature. On l’a définie en quatre points dont le premier est clairement l’arrêt du clientélisme. Il y a le scandale des politiques du PS mais, en face, la droite fait pareil : je te donne un appartement, tu votes pour moi. Il faut arrêter avec ça parce que cela fausse complètement le débat et que le seul résultat c’est de de faire passer tous ceux qui font de la politique pour des gens qui ne s’intéressent qu’au poste, visent les avantages et le pouvoir et pas du tout le bien du peuple.
Il faut arrêter avec le clientélisme
Le deuxième point, c’est la politique sociale du Conseil Général : elle est déplorable et on ne peut pas prétendre être à gauche en faisant partie de la majorité départementale avec un Guérini tel que nous le connaissons. Il n’y a qu’à voir comment est traité le personnel du Conseil général quand il se bat, même pas pour les salaires mais pour défendre les missions de service public… Et puis, je ne voudrais pas m’étendre sur la question du RSA (il y a 6 ans, quand je me suis présenté, je me battais déjà contre cette mesure qui s’appelait alors RMA) mais nous sommes tout de même dans l’un des 16 départements de France qui se sont portés volontaires pour l’appliquer. Le président du Conseil Général ne s’est pas gêné pour afficher son objectif, qui était de faire disparaître des statistiques 30% des Rmistes.
Malheureusement la majorité des conseillers généraux (sauf un) a voté pour cet objectif. Ça, on ne peut pas l’oublier. Il fallait ce deuxième point, pour dire : il faut une autre politique sociale. Le troisième point c’est le partage des richesses avec d’autre chose que ce qui est proposé en France, il n’y a pas besoin de s’étendre sur le sujet, nous sortons d’un conflit qui portait justement au cœur l’injustice de la répartition des richesses dans notre pays.
Enfin, le quatrième point, c’est la solidarité internationale. Quand on est élu d’une collectivité, qu’il s’agisse d’une ville ou d’un département, on est dans un monde où se posent des devoirs de solidarité internationale. Marseille est ouverte sur la Méditerranée et aujourd’hui, avec ce qui se passe en Palestine, on ne peut pas être absent de ce combat. Ce qu’il faut aujourd’hui c’est refuser tout soutien à la politique d’Israël, le contraire de ce que fait le Conseil général.
Tous pareils, tous pourris : le jeu du FN
Une fois ces quatre points définis, si d’autres personnes, d’autres partis veulent se joindre à nous sur cette base, pas de problème ! Pour Rouges Vifs, ce n’est pas la candidature en tant que telle qui est importante, ce qui compte, ce sont ces quatre points et si demain, à la gauche de la gauche, quelqu’un dit : oui, on est d’accord pour aller sur ces quatre points là, ce pourrait être une candidature commune et je pourrais même m’effacer. Je n’ai pas vocation a être forcément candidat… Je ne sais pas ce que feront le Front de Gauche, le NPA ou d’autres forces mais je ne suis pas sûr que toutes les forces qui se disent à gauche de la gauche ou à la gauche du PS voudront se battre pour ces quatre points là.
Même si, à mon avis, ne pas le faire serait suicidaire parce que cela entretiendrait l’idée du « tous pareils, tous pourris », ce qui fait le jeu du Front National.
Rouge Midi : Si ces forces n’acceptent pas les conditions de Rouges Vifs, pas d’union à la gauche du PS. Dans ce cas comment peser sur la politique du Conseil général et quels résultats pour la population ?
C. Hoareau : Ce n’est pas une question de conditions mais d’orientation et de choix au service de la population. Quand je me suis présenté il y a 6 ans, c’était l’époque des « commissions locales d’insertion », qui était présidées par un élu et pouvaient avoir, de fait, quasiment droit de vie ou de mort sur les Rmistes en décidant de leur couper ou pas les allocations. Là, l’attitude d’un seul élu, peut avoir un impact. Et aujourd’hui même, si j’étais élu, je me battrais pour que les gens, qu’on oblige malheureusement à vivre du RSA, ne soient pas contraints de travailler pour 500 € par mois.
C’est exactement l’histoire d’ADOMA : si on avait eu des conseillers généraux qui se seraient battus à nos côtés, les régies de quartier (qui sont justement financées par le Conseil Général n’auraient pas pris la place des salariés pour les remplacer par des Rmistes travaillant pour 500€ par mois ! A noter, et c’est assez symptomatique, que dans cette affaire-là, la régie du 13-14 qui était en pointe et l’élu avec qui j’ai dû m’affronter n’était autre que Denis Rossi, contre qui je me présente cette année. Voilà un exemple très concret sur la politique sociale.
Après, sur le logement, il faut en finir avec le clientélisme. A l’OPAC, qui s’appelle maintenant 13 Habitat, 50% des logements sont attribués directement par les élus, en toute opacité. Est-ce que c’est acceptable, ça ? Non ! L’OPAC lui-même ne gère que 10% des logements. Il faut le dénoncer ça. Rien que le temps d’une campagne électorale, il y a 7 ans, j’avais dénoncé deux cas qui m’avaient été présentés et l’effet avait été immédiat pour les personnes. Il y a aussi la réhabilitation des Flamands, avec toutes les questions que les gens ont posées et auxquelles ils n’ont pas eu de réponse. Un élu peut se battre. Il peut être un point d’appui, il peut être frein il peut aussi être inexistant.
On ne cherche pas à faire plaisir
Rouge Midi : Les conditions posées par Rouges Vifs et, en particulier, la quatrième concernant la Palestine, tout cela est très clivant. On risque de vous reprocher d’être des diviseurs. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?
C. Hoareau : C’est certain ! Moi je ne suis pas électoraliste. Je me bats pour des idées et Rouges Vifs aussi. Elus ou pas, on continuera à dénoncer que ce qui se passe en Palestine : Israël mène une politique d’apartheid et c’est un Etat fascisant. Il faut le dire. Nous, on ne cherche pas à faire plaisir aux gens. Quand je vois Guérini qui va en Israël pour soutenir la politique Israélienne, moi, je dis non : il n’est pas de gauche. Il n’est pas progressiste, ce n’est même pas être de gauche ou de droite, il n’est même pas humaniste ! On ne peut pas accepter ça pour des raisons électoralistes, sous prétexte qu’il y aurait des lobbies sionistes, qui manipuleraient les voix, non, non et non. Quand on sait ce qui s’est passé à Gaza, ce sont des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité qui ont été commis. Ne pas le dire c’est se rendre coupable de complicité.
Rouge Midi : Il peut arriver que vous ne soyez pas élus. Dans ce cas, aurez-vous perdu votre temps ? Est-ce que Rouges Vifs y aura gagné quelque chose ? Qui y aura gagné quelque chose ?
C. Hoareau : D’abord je veux rappeler que, pour les précédentes élections, nous avons tout fait pour favoriser des candidatures communes. En 2002, aux législatives, il n’y avait pas de candidat à la gauche du PS.
Au motif qu’il voulait faire barrage au Front national, le PCF avait appelé à voter PS dès le 1er tour. C’était Sylvie Andrieux [2]… En 2004, aux dernières cantonales, nous nous étions retirés unilatéralement pour soutenir la candidature du PCF dans le canton de Saint Just. Le PCF, lui, refusait de nous soutenir et se présentait face à nous dans le canton de Saint-Barthélémy. Enfin aux législatives de 2007, nous avions proposé une candidature commune et, là encore, le PCF avait refusé alors que nous ne posions aucune exigence en terme de titulaire ou de suppléant ou quoi que ce soit - je dis le PCF parce que c’est le parti de gauche qui a le plus de poids dans le secteur. Pourtant ce serait possible si on voit ce qui se passe dans le Nord où Roland Diagne, candidat de la coordination communiste qui se bat sur les mêmes positions que Rouge Vif 13 va être le candidat du Front de gauche. C’est peut être une particularité locale quand on voit ce qui s’est passé aux dernières municipales. et aux régionales où contrairement au Limousin, Languedoc-Roussillon ou Nord-Pas de Calais le Front de gauche ne s’est pas élargi...
Autre chose que la magouille politicienne
Aujourd’hui, pour répondre à la question, ce sera pour nous l’occasion de mesurer si le travail que nous réalisons sur le terrain depuis des années continue à porter ses fruits. Avec Rouge Midi, nous avons un indicateur global. Le journal compte maintenant plus de 40 000 lecteurs et il a fini l’année avec plus de 700 000 visites par mois. Mais cela ne donne pas d’indication sur le canton et, de plus, ceux qui vont sur l’internet pour lire les articles de Rouge Midi, ce ne sont pas forcément les gens des cités populaires ou les ouvriers dans la précarité. Donc, d’un côté l’élection sera un instrument de mesure de notre influence.
Et puis, il y a la population. Nous sortons d’un mouvement social de fond par lequel les plus précaires, ceux qui souffrent le plus, ne se sont malheureusement, pas senti concernés. L’objectif est de s’adresser à ceux-là et de tenter de leur faire entendre que la politique peut être autre chose que la magouille politicienne dont ils se détournent. Ce peut être le moyen de peser sur des choix qui touchent leur vie quotidienne.
Évidemment, si j’étais élu, à moi tout seul (ou même à deux, si je pense à un conseiller général comme Claude Jorda qui a pris des positions courageuses), je ne changerais pas la politique sociale en France mais c’est par de petites victoires qu’on peut arriver à une grande. Sinon on s’arrête, on se désespère et on continue à accepter que la vie se détériore comme elle se détériore depuis des années.
Nous, nous n’avons pas le choix, nous sommes des militants, décidés à nous battre. Bien sûr, quand on manifeste contre la réforme des retraites, quand on se bat contre la politique du gouvernement sur les sans-papiers, on peut toujours penser que c’est dérisoire par rapport aux mesures qui sont prises mais, en même temps, ce sont ces petits actes dérisoires qui font avancer les consciences, qui peuvent améliorer la situation des gens, même petitement, et qui font que, peu à peu, l’opinion publique peut peser sur des choix nationaux. La candidature de Rouges Vifs est un outil proposé à la population pour aller dans ce sens.
Propos recueillis par Danièle Jeammet
Photos Fabien Leblanc
[1] Arnavaux, Le Canet, Le Merlan, Bon Secours, Saint-Barthélemy, Sainte Marthe
[2] députée socialiste du secteur mise en examen dans une histoire de détournements présumés de fonds de la région
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